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Emmanuel Carrère présente ainsi son «héros» : « Ce qu'il a dans la tête est affreux, mais il faut lui reconnaître une chose, c'est l'honnêteté avec laquelle il le déballe : ressentiment, envie, haine de classe, fantasmes sadiques, mais aucune hypocrisie, aucune honte, aucune excuse, »
Tout est vrai, ce qui en fait un personnage plutôt superficiel, sans but précis, sauf celui d'être reconnu, de devenir célèbre .
Ce rêve, commun à tous les enfants, devient chez lui une obsession, et pour qu'il se réalise, il est prêt à en payer le prix, quel qu'il soit .
L'auteur navigue entre le personnage de Limonov et l'histoire de l'URSS depuis la grande guerre patriotique jusqu'aux années Poutine.
70 années ou le gouvernement pense à votre place, où vous vivez sous une chape de plomb, et tout d'un coup le couvercle saute, Un peu comme si l'on ouvrirait toutes grandes les portes d'un asile d'aliénés, Certains Russes sont partis dans tous les sens, d'autres sont restés prostrés, se sont cognés au mur de l'économie de marché,
Emmanuel Carrère m'intéresse davantage lorsqu'il nous décrit la vie des soviétiques avant l'effondrement de l'URSS, puis la confusion qui lui a succédé pour le peuple russe, Sa connaissance de la Russie ne fait aucun doute, le contraire serait étonnant au vue de sa filiation,
Ce que l'on peut reprocher à l'auteur, c'est d'avoir utilisé les ouvrages écrits par Limonov, pour réaliser une grande partie de sa biographie,connaissant le personnage, on peut douter de certains de ses propos, Au moins l'auteur a l'honnêteté de nous le préciser,
A la fin de ma lecture, je ne sais toujours pas qui est vraiment Limonov, personnage multiple,
On peut le détester, comme on peut le prendre en pitié pour sa naïveté apparente,
Ce Limonov méritait-il une biographie ? En tout les cas Emmanuel Carrère l'a écrit,
Pour comprendre cette période de la Russie, peut-être vaut-il mieux lire les ouvrages de la maman plutôt que celui du « rejeton ».
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Cher Emmanuel,
Je ne doute pas une seconde que vous lisiez tout ce qu'on écrit sur vous, alors je m'adresse à vous directement. J'avais pensé qu'on aurait pu se tutoyer, mais pour cette fois je m'en tiens au vouvoiement.
Je viens de terminer Limonov.
Je dois dire qu'au cours des soixante-dix premières pages, je me suis vraiment demandée ce qui faisait le succès de ce livre. Je n'arrivais pas à entrer dedans, la phrase de Poutine en exergue me dérangeait, je ne voyais pas bien l'intérêt de certains passages plutôt triviaux.
Je soupirais et ronchonnais pas mal en constatant qu'il me restait encore beaucoup, beaucoup de pages à lire (oui vous n'êtes pas au courant vous, mais je n'abandonne jamais un livre, sauf Les bienveillantes, mais si vous suiviez un peu mieux mes lectures, vous seriez au courant).
Heureusement la météo était plus propice à la lecture qu'à la flânerie en bord de mer.
Alors je me suis bien installée et accrochée à ce pavé. 488 pages quand on n'a pas l'impression d'adhérer c'est un beau pavé.
Et puis, je me suis laissée emporter. J'ai marché dans cette histoire qui avait jalonné ma vie de lycéenne puis d'étudiante jusqu'à aujourd'hui. Je vous avoue que beaucoup de personnages que l'on croise dans votre texte ne m'étaient pas inconnus, alors que cet Edouard je n'en avais jamais entendu parler.
Je dois dire que finalement j'ai plus été intéressée par ses rencontres et les évènements dont il a été témoin que par son propre personnage.
Je ne peux pas vous faire croire que je vais classer votre livre dans la liste de mes préférés, il me laisse un souvenir circonspect pour l'instant. Ceci-dit, le déroulement de l'actualité russe m'amènera peut-être à le relire prochainement.

Bien à vous,

Ps: je vous remercie d'avoir pensé à moi, et d'avoir fourni l'explication du choix de la phrase d'exergue.

Lien : http://ausautdulivre.blogspo..
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Un bouquin fascinant écrit par Emmanuel Carrère, fils de la célèbre Hélène Carrère d'Encausse. J'ai été vraiment captivé, parce que l'on vit de l'intérieur l'URSS et son évolution vers le pays tel qu'il est aujourd'hui. Ses descriptions de la vie dans la russie profonde, de la nomenklatura, des intrigues du Politbureau, de la guerre froide, des vieux dirigeants soviétiques, de la vie des dissidents russes en exil etc sont fantastiques tout autant que réelles. C'est un livre d'histoire, ou un roman, peut-être un carnet de voyage ou ce que vous voulez. le personnage principal, Limonov (qui a vraiment existé), est tour à tour aventurier, débrouillard, dégoûtant, ironique, indifférent, sympathique, franchement obscène ou presque romantique. Si vous voulez vivre l'histoire de ce pays et de son peuple vue sous un autre angle, alors n'hésitez pas.
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Je redoutais un peu ce livre d'Emmanuel Carrère. J'adore l'auteur, mais le sujet m'attirait peu. Et au final j'ai été assez séduite, j'ai appris énormément de choses, sur un personnage toujours fascinant avec des côtés sombres et d'autres attachants.J'ai appris beaucoup également sur l'URSS puis la Russie, moi qui du haut de mes 31 ans n'a quasi pas connu ces bouleversements. Et surtout j'ai retrouvé la patte d'Emmanuel Carrère, sa manière si personnelle d'aborder les sujets, de savoir se livrer à travers une histoire tout en évitant le côté trop narcissique.
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Je remercie Emmanuel Carrère d'avoir su, comme à son habitude, s'insérer dans cette vie. Il me semble que je n'aurais pas supporter un récit linéaire de la vie de Limonov, qui est certes un personnage hors norme et a une vie très riche en évènements mais il m'aurait facilement insupportée par son caractère morbide et extrémiste.

Alors que l'enthousiasme de l'auteur, ses réflexions personnelles et sa grande culture de la Russie font de ce roman un récit passionnant des années 40 à nos jours.

Edouard Savenko devient "Ed Limonov -hommage à son humeur acide et belliqueuse, car limon signifie citron et limonka grenade- celle qui se dégoupille." Très jeune, Edouard est attiré par les voyous, la mort plus tard ce sera la décadence, la guerre. Il a connu tous les extrêmes, vécu dans la rue, dans les plus belles maisons, dans les tentes, les hôtels sordides, les prisons. L'amour est pour lui une opportunité comme avec Anna ou Jenny, un besoin de se sentir aimé comme avec les noirs des parcs, puis la volonté de posséder les plus belles et les plus jeunes. Son engagement pour Natacha est même touchant .

" C'est ma femme. Je prends soin d'elle depuis sept ans, je ne vais pas arrêter maintenant."

Mais lorsqu'elles le quittaient, il sombrait.

" Plusieurs fois, il s'est retrouvé à terre, vraiment désespéré, vraiment privé de recours et, c'est un trait que j'admire chez lu, il s'est toujours relevé, toujours remis en marche, toujours reconforté avec l'idée que quand on choisit une vie d'aventurier, être perdu comme ça, totalement seul, au bout du rouleau, c'est simplement le prix à payer."

Même si Emmanuel Carrère ne se sent pas de point commun avec Limonov, quelque part, il l'admire et ne veut pas en faire un perdant. Il rejette particulièrement son engagement en Serbie mais nous explique que cette fascination pour la guerre se retrouve ensuite dans cette sensibilité pour les prisonniers de Lefortovo, Saratov ou Engels où il sera incarcéré.

" En deux heures à la guerre, pense-t-il, on en apprend plus sur la vie des hommes qu'en quatre décennies de paix."

Grâce à son style très narratif, Emmanuel Carrère a éclairci en mon esprit beaucoup de choses sur les Etats russes, leurs dirigeants, les oligarques, certaines personnalités françaises, sur la personnalité de Poutine. le mélange de récits personnels, d'anecdotes, de portraits, de la vie de Limonov et surtout de l'histoire de la Russie constitue un roman passionnant et éclairant.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Comment définir Limonov, le dernier livre d'Emmanuel Carrère ? Une biographie subjective et romanesque, ça lui conviendrait assez bien. Puisque la fiction pure ne passionne plus vraiment Carrère et qu'il a montré qu'il pouvait s'intéresser à "d'autres vies que la sienne", le personnage de Limonov lui permet d'écrire un récit bien plus riche en péripéties qu'un "vrai" roman. Et puis Emmanuel Carrère, lui-même, est très présent dans l'ouvrage, non seulement parce qu'il a rencontré Limonov, mais aussi parce qu'il compare sa propre existence, relativement pantouflarde, à l'aune des aventures de son héros/salaud, qu'il admire et méprise à la fois et pour lequel il "suspend son jugement." Il est vrai que la baroudeur ukrainien est insaisissable et qu'il ne rentre dans aucune case connue. Cette biographie est subjective car l'auteur de L'adversaire retient ce qui l'intéresse, insiste beaucoup sur sa vie privée, avec quelques passages volontairement pornographiques, comme si Carrère se mettait à faire du Limonov, c'est à dire pas dans la dentelle. Si l'on veut bien oublier ces scènes scabreuses, le livre est époustouflant, sur les traces de ce poète punk, voyou et dandy trash, clochard à New York puis collaborateur de l'Idiot international à Paris. C'est avec la guerre en ex-Yougoslavie que l'ambigüité du personnage dépasse les limites de l'entendement. Engagé aux côtés de criminels de guerre serbes, il franchit la ligne jaune, dans une posture quasi suicidaire. Ce qu'écrit alors Carrère sur ce conflit n'est pas le moins du monde consensuel et a le mérite de bousculer les idées reçues, ou les certitudes, c'est comme on voudra. La dernière partie du livre n'est pas moins passionnante, avec un Limonov fondateur et chef du parti national bolchévique, groupe qui se réclame à la fois de Lénine, d'Hitler, de Che Guevara et de ... Fantômas ! Fasciste, ce sombre individu ? Vu de France, oui. Dans le contexte russe, c'est aux dires de l'auteur "plus compliqué que cela". Au-delà de Limonov, Carrère se livre à une analyse étonnante de la situation politique russe de ces dernières années avec, au passage, des portraits de Gorbatchev, d'Eltsine et de Poutine, qui, là non plus, n'ont rien à voir avec les stéréotypes que l'on nous ressert à satiété. Carrère est définitivement aussi bon à l'écrit qu'à l'Oural et son Limonov, objet brûlant et sulfureux, est à ranger en bonne place à côté des plus grandes réussites de son auteur. Un bouquin brillant, ample, dense, intense, complexe et même parfois déplaisant. C'est de littérature, quoi, et de la très bonne.
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“Tout de même quel écrivain que ce Carrère”. Cette réflexion, à vrai dire, je n'ai cessé de me la faire tout le temps que j'ai consacré à la lecture de cette biographie du poète-aventurier-politicien russe Edouard Limonov. D'abord, Limonov, je n'en avais jamais entendu parler. Et, soyons clairs, si la prose de Carrère ne laisse pas de m'impressionner par sa fluidité, le sujet dont il traite ici m'a paru quant à lui éminemment antipathique.

Édouard Limonov (né Savenko) n'est à tout prendre qu'une petite frappe dont la seule ambition est de s'illustrer par n'importe quel moyen: si ce n'est par la littérature, ce sera par les armes.

Je résume. Il est encore dans la jeune vingtaine lorsqu'il quitte son Ukraine natal pour tenter sa chance dans l'underground de Moscou à l'époque du toujours très sémillant Léonid Brejnev. La renommée tardant à se concrétiser, c'est sans surprise qu'on le retrouvera plus tard à New-York, exilé volontaire poursuivant toujours la même chimère, celle de sa célébrité. Il y connaîtra comme on dit, trente-six métiers, trente-six misères. Et puis, enfin le signal tant attendu lui vient de Paris. On s'intéresse à ses écrits. Il accourt.

Après quelques années jalonnées de succès littéraires relatifs en France, retour au pays sur fond de perestroïka. Son parcours par la suite s'emballe: Sarajevo, de nouveau Moscou, puis Paris, retour aux balkans, tournée au Kazakhstan, au Turkménistan, au Tadjikistan, en Ousbékistan. Notre homme se cherche une cause. Il faut dire qu'il a fondé avec quelques joyeux drilles de ses amis aux crânes rasés un mouvement appelé “Parti national bolchevique”. Tout un programme.

Politiquement, Limonov se fait, pour ainsi dire, un devoir d'être à l'opposé de la majorité: Il est à l'extrême droite lorsque tout le monde est à gauche, et inversement. Il fait l'intéressant, revêt des opinions politiques comme des vêtements dont il peut changer au gré de sa fantaisie ou de l'interlocuteur: bref, c'est un poseur. Ce qui ne l'empêche pas de rêver secrètement à la restauration de l'Empire qui, dans son esprit, n'a jamais été aussi grand que durant les années les plus sombres du régime soviétique. J'exagère à peine. Bon, c'est vrai, il y a eu des morts, des prisonniers d'opinion, de la répression mais qu'est-ce qu'on était fiers de notre patrie tout de même. En cela, il n'est pas très éloigné de son compatriote Vladimir Poutine qui a simplement le tort d'être plus célèbre que lui. Tout cela, Carrère le relève fort justement.

On l'aura compris, je ne me suis pas trouvé beaucoup d'atomes crochus avec le compère Limonov. Reste la prose lumineuse de Carrère et sa manière unique d'écrire qui tient sans doute beaucoup à la façon qu'il a de se mettre en scène tout en racontant l'histoire de quelqu'un d'autre. Je ne sais pas si ce procédé porte un nom mais, à défaut d'en connaître l'étiquette, je qualifierais son travail de “biographie subjective”, une méthode dérivée de celle de Truman Capote et ses “romans de non fiction”, dit-on. Puis, il y a l'incroyable limpidité, j'allais dire “la musicalité” de sa prose. Car c'est bien de musique qu'il s'agit, de phrases dotés d'une mélodie et d'une rythmique propre. Un exemple? En voici une, de phrase, qui s'étire comme une longue mélopée. Savourez:

Il allait peut-être vieillir dans la peau d'un écrivain de second plan, à la réputation agréablement sulfureuse, que ses collègues regardent avec envie dans les salons du livre parce qu'il attire les jolies filles un peu destroy et qu'ils lui prêtent une vie plus colorée que la leur, mais en réalité il habite une soupente avec une chanteuse alcoolique, vide les poches de ses habits pour voir s'il a de quoi s'acheter une tranche de jambon et se demande avec angoisse quels souvenirs il lui reste à accommoder pour son prochain livre, car la vérité est qu'il est arrivé au bout, il a pratiquement tout débité de son passé, il ne lui reste que le présent, et le présent c'est cela: pas de quoi pavoiser, surtout quand on apprend que cet enculé de Brodsky vient d'avoir le prix Nobel. (p. 237)

Ouf! Voyez comme c'est long mais comme, paradoxalement, ça coule tout seul. L'écriture est-elle une tâche ardue pour Carrère? Je n'en sais rien, mais ce que je sais par contre c'est qu'en général, cette simplicité apparente du discours ne s'acquiert qu'au prix d'un immense travail. Et, spontanément, lorsque j'essaie de trouver au Québec quelqu'un qui professe un amour aussi inconditionnel pour la langue et qui polit ses phrases comme on fait reluire du cristal, c'est à Pierre Foglia, le journaliste, que je pense. J'ai donc été particulièrement étonné de voir ce dernier, non pas éreinter, mais carrément assassiner (“shut down in flames', comme disent les chinois) l'oeuvre de Carrère au détour d'une phrase, comme il lui arrive souvent de le faire. Voir ici et ici. Je ne partage pas cette opinion voulant qu'une oeuvre jouissant d'une immense popularité soit nécessairement médiocre et qu'il faille la dénigrer. Fait à noter, sur cette question, Foglia et Limonov se ressemblent étrangement par le dédain qu'ils affichent tous les deux envers ce qui fait consensus.

Une biographie à lire (malgré les faiseurs d'opinion) pour le plaisir de se laisser enivrer par les histoires d'un conteur d'exception. Peut-être aimerez-vous également découvrir son livre précédent: D'autres vies que la mienne.
Lien : http://plaisirsdemodes.com/l..
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Édouard Veniaminovitch Savenko fait parti de ces personnages qui voient des mondes bruler et d'autres se construire. de l'ère étouffante de Brejnev jusqu'à la Russie du nouveau Tsar Poutine, en passant par le brasier qu'est la chute du communisme, et le tragique passage au néolibéralisme le plus sauvage d'Eltsine. Il voyagera également entre les strates sociales et les nombreux pays de cette époque. Un aventurier politique, écrivain et poète, dissident fascisto-communiste, soldat d'une ère perdue, il est un magnifique représentant de l'âme russe.

C'est une biographie sans temps mort qui nous est offerte, qui se veut objective et vivante. On se retrouve quand même avec les avis personnels de l'auteur, russophile assurément et défenseur d'une âme glorieuse et nostalgique. Il ne fait pas de cadeaux à cette oligarchie pseudo-démocratique pervertie et aux promesses libérales qui ont viré au cauchemar en Russie, ne fait pas cadeaux à cette ère brejnévienne corrompu jusqu'à l'os mais qui au moins avait le mérite de nourrir et loger tout le monde en Russie.

Un parcours également critique sur l'Amérique, désillusionné assez rapidement sur cette "liberté" et cette "démocratie", vivant comme un clochard d'un minimum vital très minimal, il connaitra un léger succès en France avant de revenir voir le monde russe s'effondrer. Pas mal d'humour et de propos cru, du sexe, une plume flamboyante et plus ou moins journalistique qui nous fait voir toutes les facettes de cet anti-héros fortement clivant à coups d'anecdotes savoureuses. Hâte de lire d'autres biographies atypiques de cet auteur qui m'a conquis.
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Cela fait déjà 8 ans que j'ai lu ce livre ...... Et voici ce que j'écrivais dans mon "cahier de lectures" en fermant la dernière page.
Une fois de plus Emmanuel Carrère associe son talent d'écrivain à son savoir-faire de journaliste pour nous raconter la vie de ce personnage hors du commun.
Cette lecture est l'occasion pour moi de plonger dans l'histoire de la Russie du XXe siècle.
Tout au long de ma lecture je me pose la question de savoir ce que je pense de Limonov, plus j'avance dans le récit et plus mes sentiments à son égard sont mélangés..... et je souris en lisant cette phrase sous la plume d'Emmanuel Carrère : "Il y a des périodes, tandis que j'écrivais ce livre, où je détestais Limonov et où j'avais peur, en racontant sa vie, de me fourvoyer".
Emmanuel Carrère rencontre Olga qui enseigne la littérature russe aux Etats-Unis. Celle-ci, qui a connu Limonov lorsqu'il vivait là-bas et lui garde une amitié fidèle depuis plus de 30 ans, dit de lui : "J'en ai connu, vous savez, des écrivains, et surtout des écrivains russes. Je les ai tous connus. Et le seul type bien, vraiment bien, parmi eux, c'était Limonov."
Emmanuel Carrère réagit à ce jugement admiratif par ces lignes :
"...j'ai beau me fier à Olga, j'ai un peu de mal à voir cette auréole nimber le visage d'Edouard quand il tire sur Sarajevo ou complote avec d'aussi sombres connards que le colonel Alksnis. Mais à certains moments, oui, je vois ce qu'elle veut dire, et la prison est un de ces moments. Peut-être le plus haut moment de sa vie, celui où il a été le plus près d'être ce qu'il s'est toujours, vaillamment, avec un entêtement d'enfant, efforcé d'être : un héros, un homme vraiment grand."
Finalement j'ai vraiment du mal à trouver Limonov sympathique .....Ego surdimensionné, orgueil, égoïsme, le seul but de sa vie est de devenir célèbre, que l'on parle de lui .... peu lui importe pourquoi ..... Ses engagements fluctuent au fil du temps, sans une véritable sincérité.
Peut-être mon ressenti vis à vis de Limonov aurait été plus positif si j'avais senti pour lui la sympathie de l'auteur. Emmanuel Carrère avait réussi à me rendre presque sympathique et même attachant un personnage aussi sombre que Jean-Claude Romand, parce que lui-même avait senti que derrière la monstruosité de l'assassin se cachait un homme avec toutes ses contradictions et toute la complexité de son esprit. Finalement ce qui manque à Limonov c'est tout simplement l'humanité.
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La vie comme roman ou le roman d'une vie ou la vie-roman ou le roman vivant, la frontière entre le biographique et le romanesque s'estompe à la lecture de ce récit – utilisons un terme neutre histoire de ne pas trop nous mouiller – qui suit la vie de Limonov, Edouard Limonov, qui s'extirpe en héros – en est-il vraiment un ? Emmanuel Carrère hésite, aurait envie de répondre oui, voit Limonov s'acoquiner avec des miliciens serbes, révise son jugement, préfère le suspendre – d'une ville quelconque d'Ukraine soviétique pour conquérir le monde de l'underground moscovite puis celui des poubelles new-yorkaise, puis le Paris mythologique des écrivains ratés, puis retour en Russie, après la fin du communisme, à laquelle il ne se fait pas, fondant un parti national-bolchévique qui oscille entre fascisme, stalinisme et démocratie, passage par la case prison puis… Limonov n'est pas mort. Il bouge encore. Il écrit. Et puis, pour rendre la vie romanesque, il faut du cul – ou de l'amour, c'est selon, chez Limonov, c'est les deux – et les femmes défilent, toujours plus jeunes, et des hommes l'enfilent, parce que Limonov, c'est cela que Carrère montre le mieux, échappe aux cases, fait tout pour y échapper : homme à femmes qui se laisse enculer par des mendiants noirs à Harlem, guerrier qui hésite à tirer, anti-Poutine dont il est reflet, Limonov est un personnage de roman et la frontière s'efface et Emmanuel Carrère, qui lui-même apparaît comme un personnage secondaire dans ce récit, a raison de montrer Limonov ainsi, quelque part entre la fiction et la réalité. Qu'est-ce qui est vrai ? Qu'est-ce qui est faux ? Peu importe. Limonov est un héros de roman tout à fait fascinant.
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