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sur 2409 notes
Emmanuel Carrère nous brosse un portrait, celui d'Édouard Veniaminovitch Savenko. Ce sera un portrait sans complaisance pour une plume parfois acerbe, mais soucieuse d'objectivité. D'ailleurs, qui est Limonov ? Un voyou, un dissident, un poète, un soldat, un fasciste, un prisonnier, un écrivain, peu importe ou plutôt si, tout importe, car à une caractéristique près, il est tout cela à la fois et plus encore.
Pourtant, s'il y a bien une chose qu'on ne peut pas lui reprocher, c'est de dire qui il est et d'être ce qu'il dit. C'est pourquoi, à travers ce récit, s'il ne peut pas se soustraire aux images qui nous interpellent, un peu comme des flashs, il peut nous rester finalement un personnage attachant, même s'il subsiste quelques circonspections. Pourquoi ? Parce que, à y regarder de plus près, on se rend compte que Limonov est vrai dans ce qu'il dit et donc dans ce qu'il fait, là où il est, à contrario de certains personnages qui pour autant ne disent pas ce qu'ils font, mais nous paraissent plus acceptables.
C'est selon un tel jugement que la professeure Olga Matitch a pu dire de Limonov, je cite : « Really, he is one of the most decent men I have met in my life » - « Vraiment, il est l'un des hommes les plus honnêtes que j'ai rencontrés dans ma vie. »
Tout jeune déjà, il ne marche pas sur des traces convenues et en cela, il choisit la difficulté. Il faut dire qu'en Russie être un voyou pour commencer c'est résister au pire, ce qui revient pour lui à vivre en harmonie avec lui-même. Lors de son exil à New-York après une courte lutte, il se réfugie dans les bras d'un jeune noir auprès duquel il reçoit la chaleur humaine qui lui fait défaut et plus tard ils seront amants. Toutefois Limonov préfèrent les femmes, des femmes auprès desquelles il saura rester fidèle, mais...
Si Emmanuel Carrère nous évoque au chapitre IV un aspect de son parcours professionnel, c'est pour mieux nous situer le moment de sa rencontre avec Limonov ainsi que le contexte parisien de cette époque.
Mais pour comprendre, il faut suivre les pistes de l'auteur qui nous emmène en Russie, mais pas seulement, car il nous livre aussi à travers ce récit, une vision un peu plus élargie de notre propre histoire.
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S'il est un personnage de papier qu'un écrivain aspirerait à créer, un personnage à la psychologie complexe et trouble, suscitant des sentiments contrastés, à la fois repoussant et fascinant, entier et nébuleux, un personnage à la Raskolnikov ou à la Rastignac, un personnage ayant vécu mille vies, au destin riche, romanesque et aventureux...oui, s'il est un personnage de fiction qu'un écrivain rêverait de coucher sur le papier dans toutes ses contradictions et ses ambigüités, dans tous ses vices et ses débordements, dans toute sa discordante splendeur, alors sans doute que Limonov serait celui-là.
Mais Edouard Limonov n'est pas un personnage de papier, il n'est pas un héros de fiction, il est un homme bien vivant de chair et de sang auquel les méandres d'une vie romanesque, dangereuse, trépidante, « une vie qui a pris le risque de se mêler à l'Histoire », ont inspiré à Emmanuel Carrère ce superbe récit portant son nom de plume « Limonov ».

De prime abord, rien ne prédestinait ce jeune garçon nait en 1943 dans une lointaine banlieue ukrainienne à mener une vie d'aventures et de péripéties. Rien, si ce n'est une volonté farouche d'être quelqu'un, de marquer les esprits, de devenir un héros et de tout faire pour y parvenir.
Ecrivain-voyou, mercenaire, homme politique, vedette de magazines, Limonov a tout fait, tout vu, tout vécu, la misère à New-York, la gloire littéraire à Paris, la guerre dans les Balkans, la prison et l'action politique en Russie où il est devenu l'un des principaux contestataires anti-Poutine à la tête du parti politique National-Bolchevique.
Oui, Limonov est Un Personnage. Emmanuel Carrère ne s'y est pas trompé en décidant d'écrire la biographie de cet homme haut en couleurs, intransigeant, dur à cuire, bagarreur, baroudeur, sulfureux, anticonformiste et provocateur.
Car dans Limonov, il y a tout et son contraire, l'adjectif et son antonyme, le blanc et le noir dans un seul corps, le Ying et le yang dans une seule âme.
Allumé et illuminé, dingue et tordu, et dans le même temps homme éclairé, érudit, d'une intelligence remarquable, d'une mémoire prodigieuse, capable de s'astreindre à une discipline de vie et de travail rigoureuse et ascétique et, comme un sage bouddhiste, d'accéder au nirvana.
La déchéance ? Il s'y plonge jusqu'à toucher le fond et se vautrer dans la fange la plus pestilentielle pour, toute honte bue, se relever et repartir à l'assaut de la vie.
Le sexe ? Avec les femmes, cet homme au profil de chef de gang, au visage de mafieux, aux airs de petite frappe est sincère et vrai, fidèle jusqu'à l'abnégation. Avec les hommes, « Molodiets », « bon p'tit gars », l'on n'est pas un homme si l'on n'a pas vécu au moins une fois l'expérience de l'homosexualité !
La prison ? Qu'à cela ne tienne, il fera des exercices respiratoires dans la solitude de sa cellule, il interrogera ses codétenus et leur dédiera un livre !
Avec Limonov c'est tous les jours la roulette russe. Ca passe ou ça casse ! Et c'est sans doute cela qui fascine autant chez lui, cette prise de risques perpétuelle, ce caractère jusqu'au-boutiste, cette façon d'aller toujours au fond des choses quoi qu'il en coûte, cette manière de marcher dans la vie comme un équilibriste sur un fil, en surplombant l'abîme et tant pis si l'on tombe, on aura au moins vécu !
Il est le héros russe par excellence, l'ardente âme russe dans toute son exaltation, sa dureté, sa violence, sa fougue, sa générosité et son courage, sa rage et sa rusticité, il est l'âme des « possédés » de Dostoïevski, libertaire, révolté, assoiffé, un loup sempiternellement aux abois.
Puisant sa force dans chaque instant, chaque moment bon ou mauvais que la vie donne, trouvant matière à réflexion, à expérience, à enrichissement dans tous les bonheurs que la vie offre et dans tous les coups durs qu'elle assène.
Jamais chez un homme lumière et ombre n'auront été aussi marquées, aussi violemment contrastées, aussi intrinsèquement liées et indissociables.
Si ses choix de parcours ont souvent été contradictoires, si ses manières l'ont fait souvent passer pour un salaud, Emmanuel Carrère soutient que les choses sont « plus compliquées que ça », et s'applique à le démontrer au fil d'une enquête captivante en brossant le portrait d'un individu hors norme mais aussi en saisissant toute l'histoire politique de la Russie depuis l'après-guerre jusqu'à nos jours.

Un ouvrage d'une ampleur et d'une densité phénoménales qui touche autant à l'individu qu'au collectif, qui creuse l'intime et dévoile l'universel, qui aborde une partie pour englober le tout.
Avec ce ton juste, intime, amical, qui sonde aussi bien le coeur des êtres que des choses, l'auteur d'« Un roman russe » peint une formidable fresque de la Russie contemporaine, foisonnant d'anecdotes véridiques, personnelles et historiques. de l'ère communiste et son régime dictatorial à l'éclatement du bloc soviétique, de l'entrée dans un capitalisme effréné et mortifère à la démocratie pervertie des oligarques, c'est le grand ballet russe de la politique poststalinienne qu'Emmanuel Carrère, sans jamais sombrer dans le didactisme soporifique, fait virevolter et s'agiter comme dans un grand spectacle du Bolchoï.
Les grands noms de la politique s'y croisent avec ceux de la dissidence, de la littérature et des arts en un concert détonant comme une symphonie de Rachmaninov.
L'auteur, sincère, pudique et vrai, n'omet pas de s'y livrer comme dans « D'autres vies que la mienne », analysant son parcours de parisien bien né à l'aulne des tumultes et des désordres de la vie de Limonov, et dans un style tour à tour journalistique, humoristique, mesuré, quelquefois cru, toujours pertinent, fait de ce docu-fiction un cocktail éclatant de force et d'intensité.
Avec ce « coktail Limonov » aussi rafraîchissant qu'explosif, Emmanuel Carrère, au faîte de son talent, confirme qu'il est l'une des plus belles voix des Lettres françaises contemporaines.
Avec cela il nous donne le goût de redécouvrir les oeuvres de Soljenitsyne ou Lermontov, de découvrir les nouvelles plumes de l'Est tel Zakhar Prilepine, et bien-sûr celle subversive et effrontée du Johnny Rotten des Lettres russes, Edouard Savenko dit « Limonov ».
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On ne présente plus Emmanuel Carrère, écrivain « fils de » (Hélène Carrère d'Encausse), forcément russophile et amateur de personnages ambigus, sulfureux ou psychopathes, bref, hauts en couleur. Emmanuel Carrère n'invente pas ses personnages pour écrire ses romans, surtout pas, car il va par principe directement les chercher dans le monde réel, c'est beaucoup mieux. On peut citer à titre d'exemples : l'écrivain paranoïaque Philip K. Dick (Je suis vivant et vous êtes morts) ; l'ignoble assassin Jean-Claude Romand (L'adversaire) ; lui-même, atteint de machisme délirant (Un roman russe) et aujourd'hui le russe démesurément russe Limonov (Limonov).
Les « romans » de Carrère sont donc des biographies, des récits ou des témoignages, qui parviennent cependant à conserver une saveur on ne peut plus romanesque grâce aux improbables aventures qui s'y déroulent, prouvant que la réalité s'ingénie toujours à vouloir dépasser la fiction.
Limonov n'échappe pas à cette règle.
Ce héros au parcours si dostoïevskien et nabokovien (j'aurais pu encore ajouter fitzgéraldien et soljenitsynien pour faire bonne mesure, car il a connu à la fois le ghetto doré des milliardaires new-yorkais et les geôles russes d'où-l'on-ne-revient-jamais-mais-parfois-si-quand-même) a bien évidemment le destin hors norme qui a été annoncé partout… et sur lequel je ne reviendrai pas. Car Edouard Limonov est à présent définitivement sorti de l'obscurité, sans doute grâce au livre d'Emmanuel Carrère. Au même moment, comme par un heureux hasard, sont ressortis en librairie les propres ouvrages autobiographiques de l'écrivain Limonov : Journal d'un raté, Autoportrait d'un bandit dans son adolescence, etc. tout un programme.
Après avoir lu le livre de Carrère, on n'ignore presque plus rien de la vie (familiale, sexuelle, politique…) de cet étrange héros-antihéros non conformiste et controversé, tant le biographe en titre entre dans les détails et accumule les anecdotes, recueillies grâce aux interviews menées, puisées dans les livres publiés de Limonov, retrouvées dans les souvenirs de l'auteur. Parce que Carrère, qui a beaucoup d'amis et de relations, « connaissait » Limonov
Mais ce n'est pas tout, n'oublions pas cette caractéristique que l'on retrouve également dans les autres livres de l'auteur : Carrère parle aussi et surtout… de lui. le récit sur Limonov est sans cesse entrecoupé de considérations sur les événements de la vie de Carrère, les anecdotes de la vie de Carrère, les opinions personnelles de Carrère, qui apparaissent certes comme des éclairages en contrepoint de l'intrigue principale, mais qui à mon avis cassent le rythme et présentent un intérêt parfois relatif (par exemple à propos de lunettes : « J'ai dû en porter dès l'âge de huit ans. Edouard aussi, mais il en a souffert plus que moi. »). Emmanuel Carrère ne cesse de se comparer à Limonov, à la fois comme écrivain et comme aventurier (c'est très clairement annoncé page 221), de rechercher des symétries entre leurs vies : une anecdote lui rappelle la fugue de ses deux fils, une autre un déjeuner avec sa mère…
Malgré les petits excès de cabotinage de l'auteur, la lecture de Limonov, par la somme de détails très fouillés et grâce au parcours absolument sidérant du héros éponyme (qui n'est pas terminé, on peut ajouter aujourd'hui un nouvel épisode avec Depardieu, aurons-nous droit bientôt à Limonov 2, le retour ?), reste véritablement passionnante de bout en bout, même si le roman s'achève malheureusement un peu en eau de krovianka (boudin russe), et laisse le lecteur sur sa faim, car la vie de Limonov, écrivain et dissident politique charismatique dans la Russie de Poutine, est semble-t-il loin d'être achevée.
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Edouard Venianinovitch Savenko, dit Limonov, est une figure qui m'était jusqu'alors inconnue et qui pourtant a marqué l'histoire de l'Empire soviétique et du XXe siècle. Au travers du portrait qu'en fait Emmanuel Carrère, celui-ci m'a à la fois inspiré dégoût et fascination. Personnage très controversé, je ne peux pas dire que j'ai appris à l'aimer mais je ne peux pas non plus affirmer que je l'ai détesté. Il est certain que je suis contre ses idées politiques mais là où réside le génie de l'écrivain est qu'il le décrit avant tout comme un homme. Un homme à femmes, un homme aux belles femmes mais lorsqu'il les aime et qu'il voit celles-ci plonger dans la dépravation, il ne s'en écarte pas pour autant et est là pour les soutenir autant qu'il le peut. Acceptant leurs infidélités, il les aime pour ce qu'elles sont et ce sont la plupart du temps elles qu'ils l'ont laissé tomber que l'inverse.
Homme également envoûtant de par sa capacité à entraîner les foules, à les soulever et à les captiver, Limonov qui était issu d'un milieu ouvrier et a vécu dans la pauvreté est devenu un écrivain à succès et surtout un homme politique influent en son temps.

L'écriture d'Emmanuel Carrère est absolument prodigieuse car j'avoue que, tout au long du récit, je suis souvent passée du dégoût à la curiosité ; dégoût en raison des scènes très crues qui reviennent régulièrement mais curiosité en raison de l'histoire de l'ex URSS que, j'avoue, je connais assez mal mais qui m'a donné envie d'en savoir plus. Limonov, même si c'est un homme que je ne pourrais, je pense, jamais admirer, ni en temps que politique ni en temps qu'écrivain, m'a cependant captivé au point d'en savoir plus sur lui, sur son histoire et sur celle de son pays.
Livre très déconcertant car jusqu'au bout, je ne pouvais absolument pas affirmer si j'allais l'aimer ou pas (et en fin de compte, je l'ai beaucoup aimé) et je n'hésite pas à le recommander. Cependant, et c'est ce qui justifie le fait que je ne lui ai pas attribué la note maximum, j'ai été parfois "choquée" (le mot est peut-être un peut trop fort mais je ne trouve pas le mot équivalent avec juste un ton au-dessous) par les fameuses scènes que j'ai qualifiée de crues (j'avoue être particulièrement sensible à ce genre d'écriture, peut-être le suis-je un peu trop d'ailleurs).

Un livre prodigieux à découvrir sans faute !
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Emmanuel Carrère construit Limonov à sa mesure et à sa démesure.
Il se joue avec tact des frontières entre roman et récit autobiographique.

Parti d'un reportage, l'auteur français a décidé de poursuivre l'exercice et retracer la vie de Limonov, dissident ukrainien atypique, le petit prolo qui a su tracer sa route jusqu'à la jet-set, dans une période particulière de désenchantement et de non ferveur politique.

Ecrire sur ce personnage bien réel, écrivain, poète, ambitieux, qui a pensé et vécu sa vie comme celle d'un personnage de roman était sans doute un projet à exploiter pour Carrère.

Du personnage cynique, surfant sur les vagues de la vie et aimant particulièrement nager en eaux troubles on en savait déjà pas mal, mais Carrère va nous faire traverser un pan de l'Histoire en compagnie de cet aventurier, loser haineux, dandy dans l'âme, afin de nous promener dans l'après-communisme en Russie, de Stalingrad à nos jours.

Le portrait du voyou, héros cool de l'underground soviétique est retranscrit avec discipline, bien agencé et bien romancé.
Carrère développe passablement son goût pour la provocation, son besoin viscéral de reconnaissance et d'occuper le devant de la scène.

Sur son long trajet plein d'embûches, en quête brouillonne de révolution mondiale, Limonov s'est toujours relevé après les chutes.
Il voulait vivre en héros et a accepté d'en payer le prix.

Seul bémol, purement personnel, cette agaçante manie, récurrente, qu'à Emmanuel Carrère de « profiter » pour raconter des pans de sa propre vie qui n'ont pas un lien direct avec le sujet.

Cela reste tout de même un beau projet de recherche et d'enquête sur 60 ans d'histoire, mixte de fascination sur le courage et le parcours de ce personnage resté fidèle à son rêve d'être un héros.


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Pour pouvoir lire ce livre, il faut aimer deux choses : les essais et la Russie.

Ce n'est pas normal de voir que ce livre est classé dans les « romans ». Mais la commercialisation d'un livre est bien difficile et tous les moyens sont bons pour vendre !

Donc, c'est un essai, biographie de Limonov.

Le livre raconte l'histoire de Limonov, qui est un russe comme tous les russes. Il a juste envie de devenir quelqu'un, alors il partira en Amérique en sachant pertinemment que le retour aux sources lui sera interdit pendant longtemps. Là-bas, il n'a pas le succès du poète qu'il était. Alors, tous les jours de sa vie, il se bat pour survivre et il rêve de son futur succès qui viendra plus tard à Paris. Toute la biographie d'un homme russe qui ne voulait pas être anonyme mais qui voulait malgré tout rester prolétaire.
Son combat d'aujourd'hui le prouve...

J'ai beaucoup apprécié la lecture de ce livre car on est vraiment plongé dans la culture russe.
Par exemple : cette fameuse flamme bleue que la mère de Limonov laisse brûler parce que cela fait une présence. A l'époque, les russes ne payaient pas le gaz… La flamme bleue pouvait toujours lui tenir compagnie...
Autre exemple : si les russes partent de leur pays pour l'ouest, ils ne sont plus censés revenir… Autant de petites choses qu'un occidental ne comprend pas.

En bref, le livre est bien écrit…
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Lu d'une traite, totalement embarquée dans les pas de ce personnage hors de toutes normes, si puissamment vivant.

J'ai tout aimé dans ce livre : la découverte de Limonov dont je ne connaissais rien, son parcours incroyable ; la confiance faite à Emmanuel Carrère, dont j'apprécie et respecte l'attrait pour les individus interlopes, extra-ordinaires, pour m'emmener dans son récit, la manière fine et judicieuse par laquelle il s'y immisce ; le fait, grâce au talent et au regard particulier de l'auteur, d'avoir aimé être dérangée par Limonov, sa complexité et ses contradictions; les pages d'histoire de la Russie de ces soixante dernières années, racontées de l'intérieur avec des accents qui m'ont rappelé « La fin de l'homme rouge » de Svetlana Alexievitch ; que ce soit « plus compliqué que ça », comme le rappelle souvent Carrère.

Captivant, intime, troublant, « Limonov » est un roman / essai qui m'a enrichie : que demander de plus à la littérature ?

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Époustouflant!!! Un livre palpitant! Une écriture caustique! Un personnage culotté, hardi, casse-cou, risque-tout, prêt à faire écrouler toute muraille devant lui! Limonov, c'est le portrait d'un homme insaisissable, complexe, un homme à la fois sombre et fascinant. Un homme pour qui le trouble fait partie de l'azote qu'il respire chaque jour, il faut que ça caille, et qu'il déraille, et tout se démaille devant lui ! Limonov, C'est aussi une banque d'atrocités, de cruauté, de misères qui agitent le monde au cours du XXe Siècle, plus précisément dans le monde soviétique où le crime est une monnaie courante...
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Tout est dit dans l'entretien final. Limonov interroge Emmanuel Carrère : "C'est bizarre quand même. Pourquoi vous voulez écrire un livre sur moi ?", qui lui répond : "parce qu'il a - ou parce qu'il a eu, je ne me rappelle plus le temps que j'ai employé - une vie passionnante. Une vie romanesque, dangereuse, une vie qui a pris le risque de se mêler à l'histoire" Suite à cette réponse, la remarque de Limonov fuse : "une vie de merde, oui". L'ambivalence du personnage est ainsi posée et traversera cette biographie.

Cette vie racontée, à laquelle l'auteur lie la sienne, nous promène d'abord dans les milieux artistiques et intellectuels de plusieurs capitales : Moscou de 1967 à 1974, New York de 1975 à 1980 et Paris de 1980 à 1989. On retrouve les traits de l'auteur et les saillies érigées en art littéraire mais à sa décharge, Limonov ne semble pas avoir eu une vie prude. On découvre ainsi que le Zapoï, cette cuite à la Vodka qui dure plusieurs jours, n'est pas une légende. Elle a éloigné sa jeunesse de la mienne car ma quantité d'alcool absorbée était moindre. Tiens, je fais comme Carrère, je rapporte ma jeunesse à celle de Limonov !

En deuxième partie, c'est dans son pays que l'éternel dissident mènera ses derniers combats. On visite ainsi l'histoire de l'URSS de 1989 à 2001 qui a placé Poutine au pouvoir à la fin du mandat d'Eltsine ; alors qu'il n'était pas sûr d'en avoir la carrure ! Cela finit par une comparaison des parcours de Limonov et Poutine !

Celui qui se voulait le créateur du roman russe moderne raconté par Carrère m'a donné envie de retrouver l'âme russe d'autres auteurs : Tolstoï, Dostoïevski...
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Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu un aussi gros coup de coeur, et ça fait du bien ! L'histoire d'une existence, celle d'un russe aux multiples vies : petit voyou, SDF sur les trottoirs américains, écrivain reconnu, opposant politique, prisonnier...
Avec quel talent l'auteur mêle la petite avec la grande histoire ! En effet, à travers la biographie de Limonov, on fait une plongée dans l'histoire de la Russie du XXème siècle, du collectivisme à la glasnost et à la chute du Mur. J'ai trouvé l'homme assez fascinant, très complexe. Comme le souligne l'auteur, difficile de le classer comme un "bon" ou un "méchant". Sa vie est incroyable, imprévisible. Ses histoires d'amour sont douloureuses et se finissent mal. J'ai également beaucoup aimé la manière dont l'auteur lie sa propre vie avec celle de Limonov, très subtilement. Je ne pouvais m'arrêter de lire, tant le parcours de ce russe est iconoclaste. Il fut de tous les grands événements de la fin du siècle et porte un regard critique sur son pays. Cependant, beaucoup de ses actes et de ses opinions sont très contestables, tout en connaissant l'esprit provocateur du personnage. Carrère a un vrai recul, une vraie distance vis-à-vis de son personnage. Il n'est jamais dans l'admiration banale, cherchant sans cesse à se glisser dans les pensées et la peau de Limonov. Il nous transmet ses doutes, ses incertitudes et les zones d'ombre qui subsistent quant au passé tumultueux d'Edouard. On vit véritablement cette histoire de l'intérieure, on est avec le personnage.
Je conseille fortement ce livre, qui m'a par ailleurs permis d'approfondir ma connaissance de l'histoire russe. J'ai hâte de découvrir d'autres oeuvres du même auteur.
Lien : http://lantredemesreves.blog..
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