Fruit de l'expérience pratique de la catéchèse créée et développée par
Sofia Cavalletti à partir de 1954, ce livre publié à la fin des années 70 est à la fois un témoignage, un manuel et un plaidoyer pour un nouveau regard sur
l'enfant dans sa capacité spirituelle.
Un ouvrage de référence, publié en deux tomes (celui ci étant le premier), incontournable pour quiconque s'intéresse à la transmission de la foi, la spiritualité de
l'enfant, mais aussi pour tous et toutes qui s'intéressent à la pédagogie de
Maria Montessori.
Effectivement, dans la pensée développée par la célèbre et désormais très à la mode médecin italienne, l'accompagnement dans l'ouverture de
l'enfant aux choses spirituelles-autant dire religieuses- n'est pas une option.
Maria Montessori a écrit trois livres sur ce sujet publiés au début des années 30:
L'enfant dans l'Église, La vie en Jésus-Christ et La messe vécue pour les enfants. Cet aspect de sa pédagogie n'est pas le plus mis en avant dans le contexte actuel et n'a pas vraiment été intégré par l'Église catholique qui ne mène aucune réflexion solide sur le plan anthropologique sur le statut de
l'enfant.
À partir des années 50,
Sofia Cavalletti, éminente bibliste, expérimente la grande soif spirituelle des enfants qui lui sont proches. Elle s'interroge sur une catéchèse qui soit adaptée à la perception du monde et au besoin d'absolu de ces bambins capables de découvrir par eux même la puissance des messages signifiés par les Évangiles, de prier avec ferveur et spontanéité, de manifester une compréhension des Écritures surprenante.
Accompagnée de Gianna Gobbi, collaboratrice de longue date de
Maria Montessori, elle élabore patiemment et formalise la catéchèse dite "du Bon berger", adaptée aux bambins de 3 à 6 ans, présentée dans cet ouvrage, et son corollaire pour les enfants de 6 à 12 ans.
Mise en place dans des "atrium", lieux d'église adaptés aux enfants, cette pédagogie d'abord pratiquée à Rome s'est diffusée en Italie dans le milieu des années 60 puis aux USA à partir de 1975. En France il a fallu attendre le milieu des années 2000 pour que des femmes inspirées importent le Bon berger en se formant à Rome.
Basée sur le grand respect du potentiel de
l'enfant à développer sa vie spirituelle, cette catéchèse s'attache à apporter un cadre à
l'enfant qui lui permette d'entrer en contact avec la réalité d'amour contenue dans le christianisme, à travers les signes qui peuvent le toucher directement.
À l'inverse d'une catéchèse de transmission d'un contenu il s'agit de mettre
l'enfant en présence de l'écriture, les gestes liturgiques, les objets ou personnages à manipuler, les géographies à explorer. L'autrice souligne même que les enfants sont des maîtres pour les adultes dans un chemin de dépouillement qui revient à l'essentiel du contenu de notre foi.
C'est cette forme d'ascèse dont
Sofia Cavalletti décrit le cheminement qui amène l'adulte à se positionner non comme un enseignant mais comme un témoin d'étonnement, d'émerveillement. Il s'attache à donner aux enfants, qu'il considère avec le plus grand des respects, les moyens de construire leur vie spirituelle sur le fondement de l'amour, qui sera plus tard la base de leur réflexion morale, encore inaboutie à cet âge.
Évidemment ce positionnement de grande humilité de l'adulte devant
l'enfant n'est pas naturel dans un monde catholique très paternaliste et patriarcal. La réflexion de
Sofia Cavalletti, intellectuelle de haut vol, est solidement argumentée, nourrie de références et étayée d'exemples issus de son expérience dans son atrium.
Au delà l'autrice propose une réflexion passionnante sur le pourquoi et comment de l'acte de transmettre et d'enseigner, et sur la relation magnifique de richesse entre
l'enfant, le Christ, et l'adulte. Elle livre une vision de
l'enfant, de sa capacité à se nourrir de la foi, éclatante d'espérance et de beauté.
On aimerait que nos grands théologiens et penseurs catholiques si préoccupés du sort des enfants "à naître" s'intéressent un peu à ceux qui sont déjà nés et à qui on transmet une vision si pauvre et minable du trésor de la foi chrétienne, parce qu'on les prend pour des niais, des êtres inférieurs aux adultes.
On aimerait que les enfants soient respectés dans leur immense "capacité de Dieu" et autorisés à vivre dans la "jouissance du monde" dont parle
Sofia Cavalletti plutôt que de les briser par des exigences morales absurdes.
Plaidoyer pour une catéchèse débarrassée de tout adultisme,
le potentiel religieux de l'enfant est également un vibrant appel à reconnaître la dignité spirituelle supérieure des bambins.