La transformation de l'âme, sa félicité et sa sagesse sont bien une seule et même chose. Cela requiert seulement -mais c'est insurmontable le plus souvent- de savoir tourner son regard dans la bonne direction, ce qui va de pair avec une nouvelle façon de penser et de se conduire...
Le passage, souvent long et difficile, de l'ignorance à la connaissance constitue également l'avancée lente, éprouvante et décisive, vers une nouvelle et sage façon de vivre.
Etudier comment l'évolution est créatrice et y découvrir une source vivante constamment active, c'est, indissociablement, se découvrir soi-même capable de penser, en plénitude, ce qui excède les limites de notre savoir... et réaliser qu'on participe à la grande oeuvre de la création jusqu'à se "sentir plus joyeux et plus fort."
Cette joie et cette force naissent bien de ce sentiment de participation, elles témoignent de la certitude que, malgré les échecs qu'elle a subis, et continue de subir quant la matière prévaut sur l'élan, la création se poursuit, autour de nous et en nous.
Mais d'où vient cette étonnante capacité à trouver des lignes de fissure qui permettent encore à la vie de passer quand elle a dévié, rétrogradé ou échoué, que ce soit dans la nature ou en soi-même ? D'une force et d'une générosité premières qui ne sont pas captives de la matière et qui, sans cesse, font apparaître de nouvelles réalités à travers celles qui disparaissent, répond Bergson.
Prêter attention à son intériorité, à ses propres changements, spirituels et émotionnels, c'est en effet découvrir que la réalité dite extérieure est animée d'un même dynamisme. L'intuition métaphysique en effet - la dilatation de l'esprit dans la chose qu'il étudie - précède le travail conceptuel, mais elle unifie aussi le soi et ce qu'il perçoit. Elle est une conversion, un retournement vers une source de vie dont l'homme, contrairement à ce qu'il croit souvent, n'est pas séparé.
Il pensait que la conversion -le retournement du faux soi vers une source qui l'appelle à la vie créatrice- pouvait seule, ultimement, apporter un réel espoir aux hommes, chacun devant trouver sa voie pour y parvenir. Jamais Merton ne ressembla aux convertis dogmatiques qui croient à l'unicité du chemin vers Dieu. De là viennent sa grande ouverture d'esprit, sa profonde et insatiable curiosité à l'égard des autres religions.
La philosophie a, depuis longtemps médité la conversion. Elle ne l'a pas pour autant relié à une foi religieuse ou à un secret propre à telle ou telle personne, puisqu'elle a surtout vu en elle la possibilité d'un retour vers une vérité proposée à quiconque la cherche en avançant sur un chemin spéculatif, partageable avec autrui même s'il culmine dans une intuition ou une contemplation où, semble-t-il, la solitude est de mise.