Etrange petite nouvelle fantastique écrite par un jeune aristocrate allemand en 1814. le narrateur raconte avoir un jour reçu la visite de son ami
Pierre Schlemihl, depuis très longtemps perdu de vue. Détail étrange, il portait des chaussons sur ses bottes. Il lui a laissé un paquet : l'histoire de sa vie.
Jeune et pauvre, souffrant d'être tenu pour quantité négligeable du fait de son absence de fortune, un homme en gris lui propose un jour un étrange marché : une bourse inépuisable… Contre son ombre. Il accepte, en tire une fortune prodigieuse, se met à en jouir avec fièvre. On l'accueille avec joie et servilité, on l'honore, on le fête. A lui les compliments, la plus belle maitresse… Jusqu'au moment où l'on découvre qu'il n'a pas d'ombre. Tous se détournent alors de lui avec horreur.
Il se fait un ami, Bender, le seul à l'accepter tel qu'il est. Il tombe amoureux, parvient à dissimuler son infirmité à la jeune fille, qui le paye de retour mais ne peut que suspecter un terrible secret. Trahi par un serviteur félon qui lui vole son or et son amour, il est poursuivi par l'homme en gris, qui veut le convaincre de récupérer son ombre… Contre son âme. Refusant à tout prix ce marché, il fuit la compagnie des hommes. Par hasard, il fait l'acquisition d'une paire de bottes de sept lieux. Il décide alors de consacrer le reste de sa vie à la science, et utilise ce nouvel objet magique pour recueillir des échantillons de pierre et de végétaux aux quatre coins du monde.
On pourrait placer cette nouvelle dans la continuité du ‘'Diable amoureux'' : un homme fait commerce avec le diable, s'en repent amèrement mais réussit à éviter le pire. Une mise par écrit du vieux thème de l'homme ‘'en affaires'' avec le diable parvenant à s'en sortir par ruse ou secours extérieur, qui fait partie des contes populaires depuis des siècles. Cependant, ‘'Pierre Schlemiehl'' s'en démarque sur bien des aspects. Ici l'ombre ne symbolise pas l'âme ; c'est un élément à part entière, ce qui permet d'épaissir l'ambiance de mystère. Les objets magiques sont nombreux, et pas tous liés au diable. Surtout, le choix final du héros est étonnant : privé d'ombre par la magie, il se tourne vers la science et l'étude de la nature !
En somme, l'auteur fait aussi fonctionner son imagination, et ajoute des éléments magiques sans portée morale. Par-là, il fait aussi figure de pionnier de la littérature fantastique. Mais il conserve aussi la valeur morale et religieuse du conte, même s'il y ajoute un aspect scientifique et philosophique. ‘'Pierre Schlemiehl'' représente donc un peu le chainon manquant entre l'histoire qu'on racontait à la veillée et le
Faust de
Goethe.