Qu'on se le dise tout de suite, le dernier
Chattam est un très bon cru ! «
Que ta volonté soit faite » est surement l'un des meilleurs livres de
Maxime Chattam bien qu'il sorte un peu du style de l'auteur et ainsi qu'il soit difficile à classer ! Ce roman noir contant la vie de Jon Peterson nous transporte dans l'horreur tout en nous faisant cogiter sur différents thèmes tel que la religion. On avait rarement vu un
Chattam aussi cérébral et ceux, même après avoir terminé le bouquin ! Ainsi je vous ferai part de différentes thèses dans cette critique !
Pour commencer, lorsque nous posons ce livre dans la bibliothèque, il fait tache à côté des autres
Chattam. Couverture souple et plus petit format qui nous donne déjà un indice sur l'OLNI que nous avons entre les mains. En effet ici, point de thriller, nous sommes bien dans la catégorie roman noir. Peu d'enquêtes mais beaucoup de mystères !
Une fois ouvert, nous sommes directement transportés au coeur du Midwest. Un bon vieux campagnard qui fait preuve d'une extrême violence devant son fils : Okay on est directement prévenu cow-boy ! Il faut dire que l'un des atouts de ce livre est la psychologie des personnages. En tête de liste, nous avons d'un côté la figure du mal alias Jon le détestable et de l'autre nous avons le shérif, la figure du bien alias Jarvis l'adorable. Alors nous sommes sans cesse ballottés entre bien et mal, faisant naître en nous une foule de sentiments divers et variés.
Le style de l'auteur dans ce roman et beaucoup plus « littéraire ». Les descriptions sont particulièrement soignées et imagées. En termes d'écriture, c'est surement le meilleur de
Chattam mais il faut dire que je porte très peu d'importance aux « beaux mots » dans les bouquins, étant plus intéressé par le fond.
Puis enfin il y a le thème de la religion, omniprésent dans ce livre. Je crois que je n'ai jamais vu un thème aussi bien exploité dans un livre. Cela va au-delà même de l'objet littéraire car nous sommes concrètement mis à contribution. Au-delà de la religion, ce sont nos croyances qui sont éprouvées. Notamment nos croyances sur l'objet « livre », sur un personnage tel que « le narrateur » ou encore notre vision de « la littérature » en général. Je pense notamment à cette fin
où le narrateur se plait à jouer avec ce qu'on peut croire à propos de la mort de Jon et j'en arrive ainsi aux différentes thèses que je porte sur la fin. Il est bien sur déconseillé de dévoiler ces thèses si vous n'avez pas lu le bouquin.
- L'idée première est qu'Alezza, le prêtre, ne nous ment pas. Nous sommes responsables de la mort de Jon et ainsi, nous partons dans une dimension de croyance, limite religieuse envers la littérature. Avons-nous ce pouvoir ? Cela fait naitre un doute en nous bien que nous n'y croyons pas. En effet, comment pourrions-nous tuer ce Jon sans le connaitre ? Il a été écrit avant ce bouquin non ?
- La seconde idée, plus terre à terre, est qu'Alezza nous trompe. C'est lui qui a tué Jon tel un messager de Dieu. Il faut dire que si un doute plane sur un personnage, c'est bien lui ! Pourquoi est-il resté cinq minutes dans la maison ? Encore une fois, la force surhumaine du tueur peut nous faire tomber dans la croyance : Dieu serait-il derrière la force du pasteur ?
- La troisième idée serait que tout simplement, nous avons cru en la parole du narrateur. Mais enfin vous n'avez rien vu ? le prêtre vous a trompé ! Ce pauvre homme ne pouvant intervenir, a tout simplement fait mourir Jon dans son histoire. Pourtant il est toujours vivant… Ne vous retournez pas trop vite !
- Enfin, dernière thèse (et c'est peut être tiré par les cheveux) mais Alezza (drôle de nom non ?) et l'anagramme de Azazel qui dans la bible est généralement considéré comme l'un des chefs des Anges rebelles… Autrement dit un démon de second ordre ! Et si c'était le diable lui-même qui nous contait cette histoire ? Encore une fois, à nous de choisir la croyance ou pas...
Ainsi vous l'aurez compris, la plus grande richesse du roman est en nous, et se dévoile après la lecture du roman. C'est vraiment un coup de maitre ! Un bijou de réflexion qui va bien au-delà de l'objet. Une seconde lecture ne manquera pas de faire ressortir des citations dont nous n'avions pas prises à leurs justes valeurs :
« Et au fond, ce qui perdure, la rémanence émotionnelle définitive d'un livre dans la mémoire, c'est bien chaque lecteur qui se la construit, avec ses échelles d'intensité propres. En ce sens le livre échappe au contrôle de son auteur, quels que soient les procédés mis en oeuvre pour en maîtriser l'impact. »
« Il y a dans certains romans noirs plus de cervelle que dans toute l'oeuvre d'auteurs plus académiques. »
« Que vous soyez religieux ou pas, consciemment ou pas, ces sanctuaires injectent en vous le doute, la possibilité d'une probité supérieure, d'un jugement omniscient, et donc ils contribuent à faire de vous un être moral, au-delà même des lois qui ne sont que les marqueurs de nos tolérances. « Dans l'hypothèse où » suffit à recadrer la notion de bien et de mal dans les esprits de chacun. Les églises sont ainsi le mortier de la civilisation. » (On pourrait parler de la littérature également)
Et j'en oublie surement…
Bref, que vous soyez amateurs, non amateurs, ou que
Chattam soit un inconnu pour vous : je vous conseille grandement ce livre !