Vanitas vanitatum et omnia vanitas
Dans un pays nommé l'Empire (visiblement un pays de l'Est) au début du XXe siècle, une petite bourgade voit sa routine bousculée par un crime odieux, celui du curé, assassiné à coups de pierre.
Plusieurs confessions religieuses cohabitaient sans problème jusqu'à ce jour.
Novembre est froid, très froid. La peur règne.
Nourio et son adjoint Baraj vont devoir veiller et élucider ce crime.
Tout les oppose, Nourio imbu de lui-même, est un homme sec au physique comme au mental. C'est une personnalité sombre et perverse, c'est un fantoche qui n'a pas conscience de l'être.
Baraj, être simple et massif, se fait discret mais il veille, rien n'échappe à ce géant placide. Certains pourraient croire que sa vie se résume à sa passion pour « ses beaux ». Cependant il connait parfaitement la part sombre des hommes, il l'a subi et en reste marqué. Son atout est de connaitre parfaitement le territoire sur lequel il vit, il connait sa faune et sa flore et le moindre recoin de cet espace qu'il aime malgré tout.
Le jour se lève, se couche, se lève à nouveau. Les hommes vivent et meurent et les générations se succèdent.
Rien de nouveau sous le soleil, aussi pâle soit-il.
Nourio veut croire qu'il n'est pas là par hasard et que ce poste est un tremplin pour son avenir, la partie de chasse à laquelle il est convié est savoureuse, décrite dans ses moindres détails, elle remet Nourio à sa juste place, et sa prise de conscience donne au lecteur un effet retour de boomerang.
Philippe Claudel avec la maestria qui le caractérise dans les intrigues où l'âme humaine est noire, très noire, nous entraîne dans une intrigue aux investigations qui s'étirent comme un jour sans pain et pourtant le lecteur reste fasciné, avec l'envie de connaître la suite qui est haletante et addictive. Cela s'explique par la démonstration.
En effet l'écriture est picturale, comme ces tableaux de Brueghel l'Ancien où notre regard cherche chaque détail.
L'analyse de la nature humaine est encore plus envoûtante que dans Les Âmes grises ou
le Rapport de Brodeck, l'auteur va encore plus loin.
« La nature humaine est ainsi faite qu'elle ne peut s'empêcher de donner écho au moindre frisson, et quand il s'agit non pas d'un frisson mais d'un tressaillement, l'écho devient tonnerre. »
Ce village vit sous nos yeux par la multiplicité des vies qui continuent leur route malgré les évènements qui se succèdent.
Chaque habitant est scruté au scalpel dans ses moindres faits et gestes.
Mais Nourio se détache par son sentiment de supériorité sur tous les sots qui l'entourent et lui doivent allégeance, et il est convaincu que la résolution du crime lui ouvrira les portes des hautes sphères qu'il est persuadé de mériter.
Jour et nuit il est obsédé par cette ambition et ses turpitudes vont bien au-delà.
Philippe Claudel ne nous épargne aucun détail de celles-ci, c'est cru, obscène comme son âme.
Alors, Vanité des vanités et tout est vanité, c'est le fléau des hommes et ce livre peut suggérer un parallèle avec notre monde contemporain.
« Chaque chemin écrit une existence, dont on ne peut effacer les chapitres ni les réécrire. Chaque homme est condamné à avancer dans le récit de sa vie, et même si celui-ci ne lui convient pas, il ne peut jamais en arracher les pages ni en changer. »
Quel style ! Quelle maitrise ! Quel souffle tenu jusqu'au final.
N'oublions jamais que le jour se lève, se couche, se lève à nouveau. Les hommes vivent et meurent et les générations se succèdent.
©Chantal Lafon
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