Vous n’oublierez pas Jean Bressy «L’enfant halluciné» un enfant attachant, difficile, rêveur, décalé et inadapté à l’école où on l’appelle souvent le cinglé. Cet enfant n’est pas anormal, retardé. Il ne correspond pas à la norme.
«La rêverie qui m’avait attiré en classe tant de remontrances et souvent des gifles m’était douce. Pourquoi le docteur la condamnait-il ? Pour moi la vie était un point de départ pour rêver. Je n’avais jamais gêné personne dans mon coin. La besogne forcenée des autres était souvent une sorte de routine qui les épuisait, je rêvais et je n’étais pas inquiet. Justement ils étaient jaloux de moi parce qu’ils ne savaient pas trouver le temps de rêver, ils devenaient alors irrités.»
Il vit seul avec sa mère, qu’il appelle «L’hirondelle», dans une relation fusionnelle, fasciné par sa beauté et jaloux «J’étais à la fois fier de sa beauté et désespéré de ne pouvoir la cacher au monde». Elle n’a que lui et lui qu’elle, le père est mort à la guerre.
Il n’y a qu’une chose dont il est sûr, il veut peindre et voue une grande admiration à Cézanne. Et il va rencontrer une sorte de Cézanne en la personne de Ravot un artiste peintre qu’il a «souvent vu passer dans la rue un homme maigre portant des toiles à peindre. Il jaillissait de l’invisible comme un présent naturel. Un peintre. Un homme faisant sa prière en plein air comme les moulins à vent. Il y avait sur lui des grimaces qui ne me donnait pas envie de rire. En distingué c’était une sorte de mendiant des routes. Il semblait ne rien voir, cherchant l’introuvable, pressentant à la fin de sa vie qu’il était en lui. Un martyr sans cierge et sans église comme il en existe pas mal. Je l’avais suivi et je savais où il habitait.»
Malgré sa peur il va oser se rendre chez Ravot ce peintre aigri qui fulmine contre tout, ne supporte rien ni personne. Jean s’accroche, tient bon. Ravot va lui faire traverser des épreuves et l’humilier, ne lui épargnant rien. Mais il va progresser, son dessin va prendre vie grâce à cette tension permanente dans une relation ambiguë faite de haine et d’amour.
«Tantôt ardent, tantôt accablé, toujours décidé à devenir un grand peintre mais prompt à me décourager, j’éprouvais de la rancune envers mon maître tout en l’admirant sincèrement.»
Ce combat va le faire grandir et l’éloigner de sa mère «je chérissais moins ma mère qui m’adorait et j’aimais davantage le peintre qui me traitait durement. Journées d’afflictions, journées de joies je vous chérissais, je mêlais la peine au chagrin, ma vie, par moments, était illuminée. Tant de folies me guérissaient de la mienne.»
La rencontre du peintre irascible et de la mère de Jean va provoquer un drame qui permettra à Jean de prendre son envol en rompant le cordon ombilical et en secouant l’emprise de Ravot. L’enfant devenu adulte pourra répondre à sa vocation.
J’avais lu ce livre il y a environ 20 ans et je me souvenais l’avoir aimé mais seules quelques scènes fortes me restaient présentes. Eh bien la relecture ne m’a pas déçue même si je lui ai trouvé parfois quelques longueurs. René-Jean Clot peintre lui-même et écrivain mériterait une plus grande reconnaissance;
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Voilà bien une singulière histoire.
Dans un premier temps j'étais assez circonspecte au point qu'au bout d'une cinquantaine de pages je m'étais fixé jusqu'à la centième pour en juger et décider ou non d'abandonner si cette logorrhée glauque, ce gongorisme pénible, mise dans la bouche de cet enfant continuait….. et où je m'interrogeais davantage sur le « dérangement » de l'auteur que sur celui de Jean.
Et puis…. La magie a opéré, et peut-être est-ce que comme il le dit quelque part « les mots qui laissent des traces comme sous un pinceau, des traces, des mots qui disent des histoires de souffrance, de douleur et de chagrin »… alors, je suis allée au bout de l'aventure de Jean et de l'Hirondelle…
Finalement un livre certes déroutant, déchirant, bouleversant autant qu'irritant voire parfois chiant (excusez) et effectivement hallucinant car il vous emporte au final comme un hallucinogène, enfin bref ça ne m'a pas déplut dans l'ensemble, peut-être surtout par ce qu'il y a des valises et des valises de bons mots, de trouvailles qui nous bluffent et nous régalent, telle que : « Cet homme portait l'injure de la même façon que l'ortie se sent des droits sacrés dans le jardin d'un curé »…. et que j'aime ça ! (Preuve aussi peut-être qu'il se trompe quand même parfois, quand il dit que « Satan encourage toujours les beaux sentiments à leur début » …)
… et que au final, c'est toute l'histoire du coeur de l'homme et de ses souffrances enracinées, une fois encore, dans l'enfance.
Quant à mon questionnement sur l'auteur je garderai mon ressenti après avoir pris connaissance de sa biographie et de ses « oeuvres » picturales…
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Un auteur trop méconnu, une écriture hallucinante, à découvrir...
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La rêverie qui m’avait attiré en classe tant de remontrances et souvent des gifles m’était douce. Pourquoi le docteur la condamnait-il ? Pour moi la vie était un point de départ pour rêver. Je n’avais jamais gêné personne dans mon coin. La besogne forcenée des autres était souvent une sorte de routine qui les épuisait, je rêvais et je n’étais pas inquiet. Justement ils étaient jaloux de moi parce qu’ils ne savaient pas trouver le temps de rêver, ils devenaient alors irrités. p 97 (édition de poche)
Le dessin me sauva la vie, lentement il commença à faire de moi un garçon comme les autres. Je sus rester modeste. Les proportions de mes objets étaient respectées, les formes respiraient enfin. Comme il est dit, la lumière vint. J’eus l’impression de toucher mon rêve. p 238 (édition de poche)
Plus tard il corrigea mon dessin sans me dire un seul mot. Les lignes qu’il traçait sur ma feuille étaient des étoiles filantes, elles avaient une mélodieuse certitude... Tant d’amour en elles, et dans cet homme méchant tant de périls ! cette contradiction était pour moi une énigme. p 128 (édition de poche)
La beauté du visage de ma mère me faisait oublier la laideur de mes traits. Qu’avais-je besoin de plaire puisque j’étais le fils de la beauté ? Chaque fois que je me regarde dans une glace je pense à ma mère et je me trouve beau. Ce que je suis au réel n’a pas d’importance, n’a aucun rapport avec ce que les autres voient de moi. Je ne suis que le souvenir d’un visage aimé où se joue l’infini des sentiments. p 22 (édition de poche)
J’avais souvent vu passer dans la rue un homme maigre portant des toiles à peindre. Il jaillissait de l’invisible comme un présent naturel. Un peintre. Un homme faisant sa prière en plein air comme les moulins à vent. Il y avait sur lui des grimaces qui ne me donnait pas envie de rire. En distingué c’était une sorte de mendiant des routes. Il semblait ne rien voir, cherchant l’introuvable, pressentant à la fin de sa vie qu’il était en lui. Un martyr sans cierge et sans église comme il en existe pas mal. Je l’avais suivi et je savais où il habitait. p 40