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EAN : 9782213716541
480 pages
Fayard (18/08/2021)
  Existe en édition audio
3.73/5   127 notes
Résumé :
Le jeune Hiram Walker est né dans les fers. Le jour où sa mère a été vendue, Hiram s’est vu voler les souvenirs qu’il avait d’elle. Tout ce qui lui est resté, c’est un pouvoir mystérieux que sa mère lui a laissé en héritage.

Des années plus tard, quand Hiram manque se noyer dans une rivière, c’est ce même pouvoir qui lui sauve la vie. Après avoir frôlé la mort, il décide de s’enfuir de chez lui, loin du seul monde qu’il ait jamais connu.

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Critiques, Analyses et Avis (39) Voir plus Ajouter une critique
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Rentrée littéraire 2021 #34

Virginie. Dans une plantation de tabac en déclin comme toutes celles du secteur à la veille de la guerre de Sécession. le mur de l'esclavagisme commence à s'effriter. Les gros propriétaires sudistes, par incompétence et cupidité, ont travaillé leurs terres jusqu'à leur épuisement, réduits à brader leurs esclaves pour maintenir leur vie de luxe oisif. C'est là qu'est né Hiram, d'une esclave et du maître, d'une Asservie et d'un Distingué si l'on reprend le vocabulaire de l'auteur.

« Et c'est le seul endroit où j'aurais pu l'apercevoir, là, sur le pont de pierre, une danseuse drapée de bleu diaphane, parce que c'est ainsi qu'ils avaient dû l'emmener, quand j'étais petit, à l'époque où la terre de Virginie était encore rouge comme la brique et rouge de vie, et, même si d'autres ponts enjambaient la rivière Goose, c'est celui-ci qu'ils avaient dû lui faire traverser, pieds et poings liés, car c'est par ce pont qu'on accédait à la grand-route qui s'enfonçait en serpentant entre les collines vertes jusqu'au bas de la vallée avant de bifurquer dans une direction, une seule, et cette direction était le sud. J'ai toujours évité ce pont, car il était entaché du souvenir des mères, des oncles et des cousins qui avaient disparu sur la route de Natchez. Mais conscient aujourd'hui du formidable pouvoir de la mémoire, conscient qu'il peut ouvrir une porte bleue menant d'un monde à l'autre, (...), conscient que la mémoire est capable de replier la terre comme un morceau de tissu, (...), je sais aujourd'hui que cette histoire, cette Conduction ne pouvait commencer que là, sur ce pont fantastique entre le pays des vivants et le pays des disparus. »

Ce sont les premières lignes et elles m'ont embarquée direct. La plus belle idée de ce roman est de placer la mémoire au coeur de la question raciale. Hiram possède un pouvoir extraordinaire, mystérieux, lié à l'eau : la Conduction qui lui donne la capacité de se transporter magiquement d'un endroit à un autre. Mais pour activer ce pouvoir, il doit puiser dans son passé, il doit déverrouiller des souvenirs d'enfance traumatiques, il doit se souvenir de sa mère qui lui a été arrachée lorsqu'il avait neuf ans. Et il a tout oublié. Dans la majeure partie du roman, Hiram cherche à comprendre ses mécanismes de déclenchement, les explorer pour obtenir une maitrise totale et s'en servir pour libérer d'autres esclaves, à commencer par sa mère adoptive et son grand amour. Des mentors, blancs ou noirs, seront là pour l'aider, en Virginie ou en Pennsylvanie où il intègre le fameux réseau de l'Undergournd railroad.

Ta-Nehisi Coates déploie une imagination très féconde à partir d'un trope similaire à Underground railroad, roman dans lequel Colson Whitehead poussait brillamment la métaphore du chemin de fer clandestin en imaginant littéralement un vrai train souterrain permettant aux esclaves de fuir vers le Nord. Ici, l'auteur part du mythe des Africains volants ou marcheurs sur l'eau ( des esclaves qui sautaient des navires négriers les déportant en Amérique pour éviter leur sort et qui retourneraient sains et saufs en Afrique ) en l'adaptant en téléportation surnaturelle. C'est très très réussi. Cette touche fantastique apporte une énergie presque optimiste laissant entrevoir une possibilité d'échapper à un destin tragique. Comme si la mémoire avait le pouvoir de vous transporter vers la Liberté, comme si la transmission de chants, de danses nés en Afrique pouvaient être un moyen de survie. Pas de naïveté pour autant. Toute la condition de l'esclave est décrite de façon très réaliste, dure, avec l'autre face de la mémoire, plus sombre, celle qui s'apparente à un abyme qui peut vous engloutir dans le désespoir. J'ai rarement lu un roman qui décrit aussi bien l'horreur émotionnelle de l'esclavage qui sépare des familles.

Le récit est très riche du point de vue romanesque, empli de personnages, de lieux, de cavales, d'histoires d'amour, de trahisons. Chaque chapitre infuse comme un bouillon qui ne sera pas utilisé immédiatement mais beaucoup plus tard. La construction est parfois un peu alambiquée, avec des personnages secondaires pensés comme des outils pour transmettre des thèses. J'ai parfois eu du mal à suivre les mécaniques de l'intrigue, ce qui a pu m'enlever l'immédiateté de mon plaisir de lecture, ce dernier ressortant très souvent lors de scènes lyrico-poétiques absolument superbes et terriblement sensibles.

Malgré ces quelques réserves, La Danse de l'eau est un roman ambitieux et surprenant qui explore l'héritage de l'esclavage en démontrant puissamment que le crime des Etats-Unis n'est pas seulement d'avoir laissé l'asservissement d'humains se perpétrer dès son origine, mais de refuser de regarder son passé en face en luttant contre ses séquelles contemporaines.

Lu dans le cadre d'une Masse critique privilégiée
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Le sujet de ce roman est vieux comme le monde,et pour cause...Ta_ Nehsi Coates n'est pas le premier à s'en être emparé mais cette Danse de l'eau apporte une vraie nouveauté. Tout d'abord parceque pour une fois l'histoire est racontée par le lion et non le chasseur ! L'esclavagisme dans le Sud des États-Unis prend donc une couleur bien différente,sans mauvais jeu de mots.
D'autre part, le récit s'articule autour du thème de la mémoire. Celle qui fait défaut parce que pour survivre il faut parfois oublier, celle qui est nécessaire parce qu'elle est collective et porte le devoir de résistance, celle qui fait mal mais qu'il est primordial de dompter pour accéder à la liberté. de très belles phrases jalonnent le récit " nous n'avons rien oublié toi et moi,dit Harriet. Oublier c'est demeurer esclave. Oublier c'est mourir." ou "se souvenir mon ami,dit_elle.Car la mémoire est le pont qui permet de quitter la malédiction de l'esclavage pour rejoindre la bénédiction de la liberté."
Et puis, l'auteur apporte un brin de fantastique,de magie à travers Hiram,le narrateur parce qu'il a justement une mémoire hors du commun. Mémoire dont il va découvrir le pouvoir puisqu'elle va lui permettre le don de " conduction" que je traduirais de façon réductrice par la téléportation. Cela pourrait paraître déplacé face au sujet douloureux de l'esclavage,mais l'auteur qui a beaucoup travailler sur ce thème,souligne que la magie faisait partie du monde des "asservis". La nécessité de l'imaginaire pour conserver l'espoir est un bien commun à tous les peuples opprimés.
Le talent de Ta_Neshi Coates est d'avoir su distiller toute la richesse de ses connaissances historiques tout en écrivant une histoire totalement romanesque. On y trouve l'amour,la trahison,la solidarité, l'action,le mystère,tout est en place pour passionner le lecteur. Et puis je trouve que l'auteur a parfaitement réussi à faire ressentir la violence indiscible faite aux familles. On a tous en tête des scènes d'humiliation lors des marchés aux esclaves,des scènes de violence physique mais peut-être moins du déchirement vécu par tant de familles qui assistaient impuissante à leur dislocation parce que femme, homme et enfants pouvaient être séparés pour être vendus sans aucun espoir de retrouvailles.
Je conclue en disant que je suis surprise du peu de lecteur pour ce très beau roman qui constitue l'un de mes coups de coeur 2021.
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C'est l'histoire d'un jeune esclave, plus communément appelé un "asservi" dans ce roman.
Fils bâtard du maître et d'une mère esclave dont il a été séparé, il un don.
Un talent mystérieux que le réseau, organisme clandestin qui oeuvre pour libérer les esclave, espère qu'il mettra au profit de leur combat.
D'une écriture envoutante, Ta-Nehisi Coates raconte le destin de ces hommes et femme opprimés, assujettis mais déterminés à trouver la liberté.
Plus que les tortures, la douleur la plus criante est la séparation des familles, des époux, des enfants et des parents.
L'auteur hurle cette souffrance là.
Il a des passages poétiques, presque mystiques.
L'écriture est dense, très dense et élégante.
Ta-Nehisi Coates s'est éloigné de la non fiction pour ce premier roman ; c'est une réussite.

Lu dans le cadre du prix du Livre de Poche 2023
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Hiram est né dans une plantation de tabac en Virginie, ce qui veut dire qu'il n'a aucun droit si ce n'est celui de servir son maître.
Le jour où sa mère est vendue sur l'estrade aux esclaves, il se retrouve seul et va devoir apprendre à se débrouiller, jusqu'à ce que Thena, une vieille domestique, le prenne sous son aile.
Au-delà du destin d'Hiram, qui devenu adulte n'aura de cesse de défendre la liberté, Ta-Nihisi Coates nous raconte l'histoire d'hommes et de femmes qui ont passé leur vie sous le joug de l'asservissement. Il met en lumière les liens qui les unissent à travers de beaux personnages.
Nous assistons à l'effroyable lorsque les mères et les enfants sont vendus et séparés à jamais, à l'impuissance des hommes dans l'incapacité de protéger leur famille.
Ce premier roman est bouleversant, mais jamais larmoyant, l'ambiance est parfois envoûtante et on assite à des parenthèses de joies éphémères, traversées par les rires, rythmées par le son du banjo et les danses autour du feu.
« La danse de l'eau » a plus d'un atout dans ses pages : roman initiatique, histoire de l'esclavage, histoire de survie, de courage, d'amitié, de trahison et par-dessus tout une ode à la liberté.


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Une étrange alchimie nous emmène dans ce livre étonnant. Dans la lignée des romans américains sur l'esclavage, Coates nous fait découvrir le fabuleux destin de Hiram, né d'une mère esclave et du propriétaire d'une plantation de tabac en Virginie. Lorsque sa mère est vendue, il joue le rôle ambigu de serviteur de son demi-frère blanc et se fait remarquer pour son intelligence exceptionnelle et ses capacités de mémorisation. Tout est posé, sans le moindre misérabilisme : les familles dévastées par les séparations, l'indifférence des maîtres qui deviennent barbares lorsqu'ils s'ennuient, le travail éreintant, les conditions de vie insupportables.
Pendant quelques années, Hiram vit entre deux mondes : celui de ceux qu'il appelle les Distingués et celui des Asservis. Jusqu'à la mort de son frère. Lorsqu'il comprend qu'il sera toujours un esclave, à moins de conquérir lui-même sa liberté.

Cette réalité sordide se décline en même temps qu'apparaît, par petites touches, des bribes de magie, de poésie et de surnaturel qui évoquent le courant du réalisme magique, cher aux auteurs sud-américains. Une poétique de l'eau se met en place, autour de l'image d'une mère rêvée exécutant une traditionnelle danse de l'eau africaine. Et l'on découvre ainsi un singulier pouvoir, celui de la Conduction dont Hiram aurait hérité de sa grand mère. Ce pouvoir, métaphore d'un extraordinaire désir de liberté, permettrait de libérer des esclaves et de leur donner le statut d'Affranchis.
Recruté par un réseau clandestin de libération des esclaves, dirigé par une aristocrate blanche, Hiram va se devouer entièrement à cette cause et apprendre à maîtriser son pouvoir.

Si ce livre est magique, c'est qu'il est terriblement ambitieux et terriblement réussi. Il fallait une grande délicatesse, une sensibilité extrême à la poésie pour réussir le tour de force d'un juste équilibre entre le sordide de l'histoire de l'esclavage et le prodige d'un individu aux pouvoirs surnaturels. Cette divagation romanesque aurait pu faire plonger le roman dans le ridicule., mais elle lui donne au contraire une intensité et une dramaturgie singulières.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Pour vendre un enfant sous les yeux de sa propre mère, il est indispensable que vous en sachiez le moins possible sur cette mère. Pour dénuder un homme, le condamner à être battu, flagellé puis aspergé d'eau salée, vous ne devez pas ressentir ce que vous ressentez pour vos proches. Vous ne devez pas pouvoir vous identifier à lui, de peur que votre main n'hésite; or votre main ne doit jamais hésiter, car à la moindre hésitation de votre part les Asservis comprendront que vous les prenez en considération, et que vous avez conscience de ce que vous faites.
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Et ce n'était seulement le ton de sa voix, mais la nature pas même de son discours qui paraissait inhabituelle. Il est difficile d'expliquer cela aujourd'hui, car c'était une tout autre époque alors, où prévalaient des rituels, une chorégraphie, tout un registre de convenances que se devaient d'observer diversement, selon le rang qu'ils occupaient dans leur classe sociale respective, les Distingués, les Asservis et les Inférieurs. Il y avait certaines choses qu'on pouvait ou ne pouvait pas dire, et chacun se comportait conformément à son rang. Les Distingués, par exemple, ne s'intéressaient pas à la vie intime de leurs « gens». Ils connaissaient nos noms, et ils connaissaient nos parents. Mais ils ne nous connaissaient pas, car cette ignorance était essentielle à leur pouvoir. Pour vendre un enfant sous les yeux de sa propre mère, il est indispensable que vous en sachiez le moins possible sur cette mère. Pour dénuder un homme, le condamner à être battu, flagellé puis aspergé d'eau salée, vous ne devez pas ressentir ce que vous ressentez pour vos proches.
P. 107
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Je comprenais maintenant ce qu'était cette guerre à laquelle se livrait le Réseau. Ce n'était pas un vieux et honorable combat. Nulle armée rassemblée en lisière du champ de bataille. Pour chaque agent, il fallait compter cent Distingués et, pour chaque Distingué, un millier de Blancs inférieurs qui leur avaient juré allégeance. La gazelle ne lutte pas contre le lion - elle fuit. Mais nous ne faisions pas que fuir. Nous complotions. Nous provoquions. Nous sabotions. Nous empoisonnions. Nous détruisions.
P. 217
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aujourd'hui encore, alors que je l'ai vécu, je ne peux pas dire que je comprenne entièrement en quoi consiste la conduction, hormis pour ce qui est d'un seul aspect de ce phénomène, un aspect essentiel- il faut se souvenir."
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Parce que toi, contrairement aux autres, tu es capable de voir un pont qui enjambe ce fleuve, plusieurs ponts même qui relient ces îlots les uns aux autres, une myriade de ponts, construits chacun à partir d'une histoire différente. Et non seulement tu es capable d'envisager ces ponts, mais tu peux les traverser, les franchir, en embarquant avec toi des passagers, aussi sûrement qu'un conducteur de train sait piloters sa machine. C'est ça la Conduction. Cette myriade de ponts. Cette myriade d'histoires. Le chemin qui conduit de l'autre côté du fleuve.
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Videos de Ta-Nehisi Coates (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ta-Nehisi Coates
Alors que la candidature de Donald Trump inquiète une partie de l'Amérique d'un retour du conservatisme au pouvoir, la question des droits civiques revient sur le devant de la scène. le journaliste et écrivain Ta-Nehisi Coates nous partage son expérience des inégalités raciales outre-Atlantique.
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit Ta-Nehisi Coates, écrivain et journaliste américain.
Photo de la vignette : Bennett Raglin / GETTY
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