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Dominique Fernandez (Préfacier, etc.)Bernard Benech (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253933052
248 pages
Le Livre de Poche (01/02/1999)
3.81/5   53 notes
Résumé :
Le livre blanc est une des œuvres les plus personnelles de son auteur " anonyme ", Jean Cocteau.
Au fil d'un texte élégant, audacieux et toujours très actuel, ce roman - récit singulier d'un vécu homosexuel - nous offre un éclairage unique sur une source d'inspiration centrale à toute l'œuvre du poète. Cette édition reproduit en couleur les dix-huit magnifiques dessins de Cocteau qui, en 1930, accompagnaient le texte dans sa première édition illustrée.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Impressions de lecture… Voici un recueil foisonnant ! qui contient quatorze textes de longueurs inégales et aux sujets bien différents. Une belle palette de Cocteau qui offre ses nuances dans l'éventail de pages de ce petit livre de poche ! le recueil porte le titre d'un texte écrit en 1927, publié en 1928 et que Cocteau ne signera jamais. Bien qu'il l'ait enrichi de dessins (signés cette fois, ce qui sonne comme un aveu) et que cette case blanche, vide, cet anonymat n'ait été, en vérité, qu'un secret de Polichinelle, Cocteau ne voulut jamais reconnaître la paternité de l'oeuvre. Une oeuvre dont la première diffusion fût très limitée ; il aura fallu attendre soixante-dix ans pour un tirage plus important. Tour à tour les commentateurs ont glosés sur les raisons pour lesquelles Cocteau n'a pas reconnu ce texte : respect des convenances de l'époque, peur de blesser sa mère, etc., Cocteau apporte peut-être lui-même un élément de réponse quand il écrit, dans la préface de la deuxième édition, en 1930: «Mais, quel que soit le bien que je pense de ce livre - serait-il même de moi - je ne voudrais pas le signer, parce qu'il prendrait forme d'autobiographie et que je me réserve d'écrire la mienne, beaucoup plus singulière encore.».

En 1927, le texte fait scandale. Dans sa préface, Dominique Fernandez, donnant en exemple la déchéance d'Oscar Wilde, nous rappelle à quel point le sujet pouvait être tabou à l'époque. Et quel est donc ce sujet brûlant ? L'homosexualité. L'auteur en parle ici librement. S'inspirant de sa propre vie, il raconte les premiers émois, les expériences sexuelles et y chante la beauté masculine. Son récit a la force de la sincérité, des expériences vécues, mais un vécu qu'il modifie pour lui faire épouser la forme de ses rêves, de ses fantasmes et de son art. Il en est ainsi de Dargelos (nom que Cocteau utilise aussi pour un personnage des Enfants terribles paru en 1929), le beau lycéen qui éveille ses premiers sentiments d'amour. L'adolescent qui inspira à Cocteau celui du roman était un très bon élève mais l'auteur le transforme ici en cancre populaire dont la « virilité très au-dessus de son âge » le séduit (p.63).

Pour les lecteurs d'aujourd'hui, le texte a perdu son parfum d'interdit. Rien de cru dans cette célébration du désir, de la fascination érotique, dans ce compte-rendu des affres de l'amour et de la passion. On y trouve des thèmes, comme l'attente et la jalousie, que Cocteau exploitera, magnifiquement, dans d'autres oeuvres, « Il la rejoignait le soir et passait la nuit chez elle. Cette certitude m'enfonçait dans la poitrine une patte de fauve » (p.85). le texte reste volontiers suggestif, elliptique et Cocteau use de tout l'art du poète pour dire sans nommer, pour aiguillonner l'imaginaire « Un vertige de printemps exalte les corps. Il y pousse des branches, des duretés s'écrasent, des sueurs se mêlent et voilà un couple en route vers les chambres à globes de pendules et à édredons. » (p.76)

le recueil renferme aussi le Cordon ombilical (que je possédais et que j'avais déjà lu dans les éditions Allia), texte fabuleux dans lequel Cocteau explore le rapport entre l'auteur et les personnages qu'il met au monde. Des personnages et des oeuvres (car il évoque aussi ses peintures, ses romans, ses pièces) qui sont voués à lui échapper, à se détacher de lui pour mener une existence autonome : « Parfois même je sens comme une hostilité de mes personnages et qu'ils ne m'appartiennent pas plus que les enfants, par leurs caractères disparates, n'appartiennent à leur famille » (p.181). Cocteau s'étend sur le « paternalisme » (le mot est de lui, p.201) de l'auteur vis-à-vis de ses créations. Chacune émane de lui et, tel un enfant dont on pourrait dire qu'il est le portrait de son père (ou de sa mère), on peut y reconnaître un peu de l'auteur. C'est Flaubert disant « Madame Bovary, c'est moi ». Des oeuvres et des personnages qui survivront à leur auteur par leur « faculté résurrectionnelle » (p.204). Cocteau est un esprit et il écrit si bien… comme c'est agréable, comme cela nourrit ! À lire absolument donc, cette confession bouleversante de l'auteur qui nous en apprend beaucoup sur lui et sur son travail.

Ce recueil ne semble renfermer que des pépites, comme ces poèmes adressés à Jean Marais, un de ses grands amours. On apprend avec attendrissement que Cocteau les glissait la nuit sous la porte de la chambre où dormait Jean Marais. Des textes de 1937 à 1975, presque quarante ans de poésie en billets qu'on parcoure avec émotion. Et le très beau poème « Un ami dort », dans lequel l'auteur exploite les ressemblances entre la mort et le sommeil, un sommeil qu'il décrit à merveille à travers ce portrait d'un ami assoupi. Mais aussi « La jeunesse et le scandale », relation d'une conférence donnée par Cocteau en 1925 devant de jeunes étudiants : jubilatoire ! Il y parle du théâtre, de la musique, de la danse et du public, distribuant quelques coups de griffes. Même véhémence réjouissante dans « du sérieux », court texte de 1961, dans lequel Cocteau ébauche une réflexion sur le style, la quête sacerdotale de l'artiste. La fin de ce texte nous donne une belle leçon, que je condense ici : « L'existence d'un artiste est une longue crise. Comment serait-elle lisible à ceux qui n'attendent de l'art qu'une agréable détente? [...] Il importe de ne pas défenestrer inconsidérément le travail d'hommes qui se ravagent pour la jouissance de leurs semblables. Il importe d'apprendre à se réveiller en sursaut et de refréner le réflexe qui nous pousse à considérer en ennemis ceux qui nous réveillent. » (p.164). Et d'autres petits textes encore à découvrir. Bref un ouvrage riche et délicieux pour celui qui souhaite s'imprégner de l'âme sensible et intelligente d'un des esprits artistiques français les plus brillants du XXème siècle.
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C'est drôle, c'est frais, c'est léger... voilà ce qu'il y a de bien avec la littérature, on peut raconter n'importe quoi, sans pourtant manquer de rester élégant... de la distance affectée du narrateur Du Livre blanc qui nous partage son apprentissage sensuel le long d'une expression précieuse et faussement désespérée aux poèmes dont les rimes servent à faire surgir des vulgarités, on rit plus qu'on ne s'émeut dans ces textes séduisants où paraissent quelques marques incontournables de l'amour homosexuel : le marin, le frère de la fiancée, le narcissisme, l'adolescent plus mûr que ses camarades - qui impressionne jusqu'aux professeurs... Une sexualité assumée de tous côtés et où les hommes n'éprouvent à aucun moment ce qui se serait appelé "gêne" s'ils étaient cités dans un autre ouvrage à l'idée de partager avec ceux qui les en prient leurs charmes - comme dirait Cocteau - et qui s'accommodent toutefois comme ils peuvent des conséquences de leur comportement que leur reprochent leurs "régulières"... C'est bien d'être écrivain...
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Coming-out littéraire de Cocteau, en 1927,bien moins léger qu'il n'y paraît ce texte....
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Citations et extraits (50) Voir plus Ajouter une citation
Un des élèves, nommé Dargelos, jouissait d'un grand prestige à cause d'une virilité très au-dessus de son âge. Il s'exhibait avec cynisme et faisait commerce d'un spectacle qu'il donnait même à des élèves d'une autre classe en échange de timbres rares ou de tabac. Les places qui entouraient son pupitre étaient des places de faveur. Je revois sa peau brune. A ses culottes très courtes et à ses chaussettes retombant sur ses chevilles, on le devinait fier de ses jambes. Nous portions tous des culottes courtes, mais à cause de ses jambes d'homme, seul Dargelos avait les jambes nues. Sa chemise ouverte dégageait un cou large. Une boucle puissante se tordait sur son front. Sa figure aux lèvres un peu grosses, aux yeux un peu bridés, au nez un peu camus, présentait les moindres caractéristiques du type qui devait me devenir néfaste
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Le cœur et les sens forment en moi un tel mélange qu'il me paraît difficile d'engager l'un ou les autres sans que le reste suive. C'est ce qui me pousse à franchir les bornes de l'amitié et me fait craindre un contact sommaire où je risque de prendre le mal d'amour.
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Un matin d'août, je rôdais dans le parc avec une carabine chargée d'amorces et, jouant au chasseur, dissimulé derrière une haire, je guettais le passage d'un animal, lorsque je vis de ma cachette un jeune garçon de ferme conduire à la baignade un cheval de labour. Afin d'entrer dans l'eau et sachant qu'au bout du parc ne s'aventurait jamais personne, il chevauchait tout nu et faisait s'ébrouer le cheval à quelques mètres de moi. [...] Mes oreilles bourdonnèrent. Ma figure s’empourpra. La force abandonnait mes jambes. Le cœur me battait comme un cœur d'assassin. Sans me rendre compte, je tournai de l’œil et on ne me retrouva qu'après quatre heures de recherches.
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Je venais d'apercevoir, de profil, appuyé contre le piano mécanique, le spectre de Dargelos. Dargelos en marin [...] On lisait "Tapageuse" sur son bonnet basculé en avant jusqu'au sourcil gauche, un cache-col noir lui serrait le cou [...] Dépouillé des accessoires qui intimident un civil et du genre que les matelots affectent pour prendre du courage, "Tapageuse" devint un animal timide. [...] Sur son torse nu, ce garçon, qui me représentait la chance, portait "Pas de chance". Il me raconta son histoire. Elle était courte. Ce tatouage la résumait.
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Un jour, n'y tenant plus, je m'en ouvris à un élève dont la famille connaissait mon père et que je fréquentais en dehors de Condorcet. « Que tu es bête, me dit-il, c'est simple. Invite Dargelos un dimanche, emmène-le derrière les massifs et le tour sera joué (...) Dès qu'on le flatte il marche. S'il te plaît, tu n'as qu'à te l'envoyer.
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Vidéo de Jean Cocteau
CHAPITRES : 0:00 - Titre
R : 0:06 - RÉFLEXION - Jean Cocteau 0:14 - REMARIAGE - Armand Salacrou 0:28 - REMORDS - Pierre Reverdy 0:39 - REPOS - André Prévost 0:50 - RÉVOLUTION - Maurice Chapelan 1:06 - RICHESSE - Félicité de Lamennais 1:18 - RIDICULE - Jules Noriac 1:32 - RIRE - Jean de la Bruyère
S : 1:42 - S'AIMER - Henri Duvernois 1:52 - SAGESSE - Frédéric II 2:04 - SAVOIR-VIVRE - Saint-Évremond 2:15 - SCEPTICISME - Louis-Désiré Véron 2:24 - SE COMPRENDRE - Romain Coolus 2:34 - SE TAIRE - Comte de Voisenon 2:45 - SE TUER - Théophile Gautier 2:56 - SINGE - Jean-Baptiste Say 3:08 - SOLITUDE - Maurice Toesca 3:18 - SUICIDE - Alexandre Dumas fils
T : 3:29 - TEMPS - Jean Martet 3:41 - TÊTE - Yves Constantin 3:54 - TOMBE - Xavier Forneret 4:04 - TRAVAIL - Jules Renard 4:19 - TROMPERIE - Sainte-Beuve
V : 4:30 - VALEUR - Marivaux 4:40 - VÉRITÉ - Louise d'Épinay 4:51 - VERTU DES FEMMES - Ninon de Lenclos 4:59 - VIE - Louis Aragon 5:10 - VIE ET MORT - Rastignac 5:22 - VIEILLE FEMME - Charles de Talleyrand-Périgord
5:35 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Jean Cocteau : https://filmforum.org/film/jean-cocteaus-orphic-trilogy-testament-of-orpheus Armand Salacrou : https://lotincorp.biz/creation-affiches-publicitaires-etats-des-lieux-ville-douala-1/ Pierre Reverdy : https://lamediathequepatrimoine.files.wordpress.com/2022/09/p5-pr-jeune.jpg Maurice Chapelan : https://www.cambridgescholars.com/news/item/book-in-focus-the-poems-and-aphorisms-of-maurice-chapelan Félicité de Lamennais : https://en.muzeo.com/art-print/felicite-robert-de-lamennais-ecrivain/ary-scheffer Jules Noriac : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Noriac#/media/Fichier:Jules_Noriac_Nadar.jpg Jean de la Bruyère : https://www.ecured.cu/Jean_de_La_Bruyére#/media/File:Bruyere.jpg Henri Duvernois : https://www.delcampe.net/en_GB/collectables/programs/theatre-des-nouveautes-paris-la-guitare-et-le-jazz-de-henri-duvernois-et-robert-dieudonne-1928-1929-1034826850.html Frédéric II : https://www.calendarz.com/fr/on-this-day/november/18/frederick-ii-of-prussia Saint-Évremond : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Saint-Évremond#/media/Fichier:Charles_de_Marquetel_de_Saint-Evremond_by_Jacques_Parmentier.jpg Louis-Désiré Véron : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Désiré_Véron#/media/Fichier:Louis_Véron_-_engraving_-_Mirecourt_1855-_Google_Books.jpg Romain Coolus : https://picclick.fr/Portrait-Romain-Coolus-René-Max-Weill-Scénariste-Cinéma-225296515824.html#&gid=1&pid=1 Comte de Voisenon : https://www.abebooks.fr/art-affiches/Claude-Henry-Fusée-Voisenon
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