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EAN : 9782081216976
191 pages
Flammarion (08/09/2008)
4.75/5   4 notes
Résumé :

A côté des foyers prestigieux que constituent Florence, Venise ou Rome, l'Italie du XVe siècle témoigne d'une étonnante diversité de cours et de centres humanistes qui font appel à de nombreux artistes pour servir leur prestige politique, militaire et culturel. Quel rôle jouent ces cours dans la formation de la Renaissance italienne au Quattrocento? Après avoir défini les notions essentielles pour comprend... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce volume s'intéresse plus particulièrement à la Renaissance italienne - hors des grands foyers connus que sont Florence, Venise et Rome - dans des cours princières dites périphériques, considérées souvent comme « secondaires », et longtemps délaissées par les recherches. Les oeuvres d'art qu'elles ont produites, pour la plupart détruites, étant surtout connues par la littérature ou les documents d'archives et autres traités contemporains. Un regain d'intérêt suscité pour celles qui restent a enfin permis de nombreuses publications, ces dernières années. Tant mieux. Sont donc examinées ici avec un grand bonheur, la cour de Naples sous Alfonso 1er d'Aragon à partir de 1442, la cour d'Urbino (petit état papal acquis par la famille Montefeltro en 1377) sous Federico da Montefeltro (1420-1482), Milan et Pavie à compter de 1450 avec la figure de Ludovico Sforza dit le More, la Ferrare de la famille d'Este, et enfin Mantoue et les Gonzague. le livre est écrit et composé de manière très claire, chaque cour étant étudiée successivement pour ses spécificités artistiques largement mises en valeur par l'iconographie, sans que ne soit oublié le contexte historique et politique dans lequel se noue la vie des princes et des artistes. Un bel ensemble cohérent et instructif.

Des caractéristiques communes essentielles, définissant un « art princier » à l'époque de la renaissance, ressortent de cette lecture : dépenser (pour l'art) jusqu'à l'extravagance pour servir les besoins de la propagande, renforce la dignité et la légitimité du gouvernant (cas d'Alfonso 1er d'Aragon ou de Federico da Montefeltro à Urbino). Mais, nouveauté au XVe siècle, l'art et l'architecture en particulier, la peinture et la décoration, l'enluminure, la musique, deviennent des expressions de la « magnificence » qui s'inscrivent directement, avec l'appui de la pensée humaniste, dans la tradition de la Grèce et de Rome (Giovani Pontano écrit "De magnificientia" vers 1486). le faste de ces cours n'existe pas que pour lui-même ; il doit être replacé dans une échelle de valeur dont il est le reflet : ainsi cette magnificence, tempérée de bienséance par la "virtus" du prince, découle-t-elle directement de l'interprétation qui est faite des textes classiques (L'Ethique d'Aristote, les traités de rhétorique de Cicéron et de Quintilien, le traité de Vitruve « de Architectura », entre autres).

Entourés de leurs conseillers humanistes, ces princes possèdent des bibliothèques très riches (cour d'Urbino, de Ferrare), font aménager et décorer éventuellement un "studiolo" propice à l'étude et à la réception de dignitaires. C'est à Ferrare qu'Orlando furioso fut écrit par L Arioste (1516-1532). Un art qui puise également ses valeurs aux sources de la littérature chevaleresque française et anglaise. le prince, souvent un condotierre, est ce héraut contradictoire dont l'idéal humaniste est confronté aux dures réalités politiques et guerrières. Qu'ils soient de Naples, Mantoue, Milan, Ferrare ou d'Urbino, marquis, ducs ou roi, tous les dirigeants de ces principautés sont d'abord des hommes de guerre, rémunérés comme tels (condottieri) et qui s'y enrichissent, avant de devenir mécènes. Ils se lient par mariage, entretiennent aussi des échanges commerciaux et artistiques plus pacifiques avec toute la péninsule et le reste de l'Europe (la cour de Naples, les Gonzague à Mantoue ou des Sforza à Milan).

Mais ce livre documente parallèlement, et d'une manière tout aussi passionnante, à travers l'illustration de ces cinq cours italiennes, le statut des artistes de la période : Pisanello, membre de la maison du roi Alfonso 1er à Naples ; Piero della Francesca à la cour d'Urbino ; Léonard de Vinci quittant Florence et sollicitant Ludovico le More à Milan ; Mantegna en résidence à la cour de Mantoue. Bien d'autres. Avantages, inconvénients et enjeux pour ces derniers - l'artiste a été considéré très longtemps comme un travailleur manuel - d'avoir à sceller leur sort à celui d'un mécène de manière ponctuelle ou permanente. Autant de personnalités, autant de parcours différents et de stratégies qui se dessinent où se mêlent ambitions personnelles, attrait de la gloire et de l'argent, mais aussi, besoin de reconnaissance. Car c'est aussi de liberté artistique qu'il s'agit. Dans cette période charnière, on voit peu à peu des figures fortes, comme Titien ou Michel-Ange, bâtir aussi leur réputation et leur prestige sur leur indépendance et contribuer à faire émerger l'idée que l'artiste n'est plus tenu de "servir" un prince.

S' il ne fallait retenir que quelques oeuvres parmi les nombreuses qui sont présentées, je citerais l'arc de triomphe qui orne l'entrée du Castel Nuovo à Naples, un des dernier témoignage de l'époque d'Alfonso 1er d'Aragon, le buste en marbre d'Eleonora d'Aragon (v. 1489-1491) par Francesco Laurana, "La Dame à l'hermine" (v. 1483-1485) ou le "Portrait d'Isabella d'Este" (1499-1500) de Léonard, le double portrait de Federico Montefeltro et de sa femme Battista Sforza par Piero della Francesca (v. 1472), les enluminures chères à la famille d'Este et La chambre des époux par Mantegna (1465-1472) à Mantoue.

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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Cette dépendance de l'artiste de cour apparaît dans un passage de la Vita de Benvenuto Cellini (1558-1562), où il raconte comment François 1er le prit un jour à partie :
Il est une chose très importante Benvenuto, que vous autres, artistes, devriez avoir présent à l'esprit, quel que soit votre talent : c'est que vous ne pouvez à vous seuls déployer vos dons ; votre valeur ne peut se révéler que grâce aux occasions que nous vous offrons. Il vous faudrait être plus dociles, moins orgueilleux et moins obstinés (p.179).
La Vie de Benvenuto Cellini (1500-1571) écrite par lui-même. Trad. N.Blamoutier, Paris, Scala, 1986, p.291.
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Les premières biographies d'artistes ont donné un lustre romantique à la profession d'artiste de cour : le roi Robert de Naples accordant à Giotto le privilège de s'inclure dans un cycle de fresques d'hommes célèbres ; Charles Quint ramassant gracieusement le pinceau de Titien après que le peintre l'eût fait tomber par terre ; Léonard expirant dans les bras de François 1er, qu'il servit dans ses dernières années. Mais pour l'écrasante majorité des artistes de cour à cette époque, la vérité est plus prosaïque. Grâce aux quelques informations que l'on a pu conserver sur le protocole suivi par les cours dans leur fonctionnement journalier, on sait que l'artiste était classé parmi les tailleurs, les cordonniers, les musiciens, les barbiers et autres stipendiarii (salariés de la cour).
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Les cours "périphériques", avec leur soif de nouveauté, de reconnaissance et leur amour de la magnificence, jouent un rôle clef dans la diffusion et le développement des idées de la Renaissance. La manière dont elles se sont emparé des innovations et des tendances les plus récentes, dont elles les ont adaptées à leurs traditions locales et à leur programme politique, contribue à rendre compte de la richesse et de la diversité de l'art italien de cette époque. Il n'est donc pas inutile de s' intéresser à la splendeur des productions artistiques de cinq cours princières : Naples, Urbino, Milan, Ferrare et Mantoue.
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Aucune des cours italiennes n'avait cependant l'autorité internationale dont jouissait Rome à la fin du XVe siècle. Pourtant, en un certain sens, l'art opérait un nivellement entre elles, puisqu'elles rivalisaient de prestige et s'efforcaient de suivre les modes dominantes. Les princes italiens imitaient ainsi la splendeur intérieure des châteaux bourguignons, collectionnaient les romans de chevalerie français, convoitaient les ordres de chevalerie français et anglais et adoptaient le costume élégant et les manières des Espagnols.
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