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EAN : 9782020050586
407 pages
Seuil (01/01/1979)
3.8/5   5 notes
Résumé :
" Le premier objet de ce livre est la citation [...] ; le second, le travail de la citation, l'appropriation ou la reprise, c'est-à-dire le produit de la force qui saisit la citation par le déplacement qu'elle lui fait subir ; le tout est l'écriture elle-même, ce coup de force, ou le livre, ce déplacement, les livres qui filent la citation et se la refilent comme au jeu du furet, la série des livres, la patristique par exemple, qui s'engendrent par l'entreglose. "No... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce que j'aime avec Antoine Compagnon, c'est qu'il rend la théorie littéraire accessible… Ici, il nous propose un essai sur la citation et sur la manière de se l'approprier, une fois extraite du livre et du contexte d'écriture et de lecture, sur son comportement dans l'expérience immédiate de lecture ou d'écriture, sur sa signification une fois énoncée et sur son originalité, sa validité…
Beau sujet pour nous autres, ici, sur Babelio qui citons allègrement… La citation n'est pas qu'un passage rapporté d'un auteur ou d'un personnage célèbre.

En tant qu'elle-même, la citation est souvent en effet sortie de son contexte après l'activité de lecture qui désagrège le texte. Avant la citation intervient le soulignement qui surcharge le texte de notre propre trace. Nos notes de lecture s'enrichissent de phrases à retenir, parfois relevées avant d'être totalement comprises. L'intérêt pour une citation peut-être fortuit, lié à une circonstance particulière, à un état d'âme ou de corps qui crée l'illusion d'une coïncidence. Une lecture érudite produit plus de citations qu'une lecture en dilettante.
Une fois prélevée, la citation se voit greffée, transplantée. Elle devient matière et sujet. Son sens peut alors varier car redire n'est pas répéter : la citation est à la fois un énoncé répété et une énonciation répétante, mais cet énoncé n'a de sens que dans son énonciation singulière.
Si la citation se reconnaît aux guillemets qui l'entourent, elle doit aussi être vue comme un opérateur d'intertextualité et d'inter-discursivité et faire appel à nos compétences de lecteurs. Dans sa forme primitive, elle est comme un refrain ; dans ses formes plus complexe, elle devient signe. Si elle n'est ni obligée, ni nécessaire, elle est motivée.
La citation est reconnue, puis comprise (ou pas) et enfin authentifiée, interprétée, jugée… le sens d'une citation est « la constellation de ses interprétants ». Je vous laisse découvrir les équations d'Antoine Compagnon qui codifient ce réseau de résonnances et de relations p. 76 et suiv.

Antoine Compagnon retrace la préhistoire de la citation depuis Platon et la mimésis, le discours indirect, le simulacre en passant par Aristote et la citation rhétorique, Quintilien et la sentencia, figure à part entière de l'elocutio (logos, pathos, ethos), ou encore Cicéron … pour démontrer qu'elle n'a jamais valeur de preuve en tant que telle.
Nous apprenons que le moyen-âge fut la grande époque de la citation, avec le discours théologal, sorte d'infinie répétition d'une seule parole divine.
Le XVIème siècle est une époque de transition : le français est devenu la langue nationale, la citation grecque ou latine fait jurisprudence pendant la Renaissance. Avec l'imprimerie, la citation insérée dans le texte se reconnaît par sa typographie particulière (guillemets et italique) et acquiert son sens moderne. Descartes assujettit la citation, le cogito devenant le sujet. Elle prend une valeur emblématique dans le texte : on fait la distinction entre citation (liée aux individus en tant que sujets) et l'allégation (relations d'argument et de preuve entre un sujet et un objet). La citation est le moment où l'auteur s'absente, laissant la parole à un autre.
Montaigne a une place de choix dans l'essai d'Antoine Compagnon car il avait peint des sentences sur les poutres de la pièce circulaire de sa tour qui lui servait de salle de travail, la sentence étant vu comme une projection du MOI, un mot d'ordre auquel il adhérait. Pourtant, selon lui la même sentence ou la même citation pouvait avoir des significations différentes selon les individus : une citation met en correspondance le cité et le citant comme deux vases communicants ; l'emprunt vaut appropriation. L'éthique classique de l'écriture est de la répétition s'élaborera dans la critique des Essais de Montaigne
Les rhétoriciens du XVIIème siècle intronisent officiellement la citation, comme relevé des icones de l'auteur. L'épigraphe devient la citation par excellence.
En 1793, la loi sur la propriété littéraire clarifie un peu les notion de possession, d'appropriation et de propriété littéraires.

La bibliographie retrace la topographie des excursions littéraires de l'auteur ; ses sources et ses références composent un réseau et des repères. Sans les citations, l'écriture a une existence incomplète : la citation était là avant, comme un intertexte que le texte recouvre...
La citation déviante n'est ni motivée, ni nécessaire, mais arbitraire et autoréférentielle. La citation peut-être aussi perçue comme un symptôme : entre le désir de citer et l'angoisse du plagiat, elle est inséparable de la mort dans la répétition.

Petit florilège :
- Aulu Gelle voyait la citation comme une forme d'éloge
- Selon Hobbes, la citation serait le clou de girofle qui corrompt le met
- Montaigne disait que « nous ne faisons que nous entregloser ».
- Pour Malebranche, le pédant cite à tort et à travers.
- Bernard Lamy mettait la citation dans la catégorie des ornements, « les marques de [l'] esprit [de l'auteur] qui brille dans son ouvrage », mais il ne faut pas trop les accumuler.
- Balthasar Gracián plaidait pour la citation infidèle, ouvrant la voie à l'érosion du discours
- François Mauriac y voyait « un piège à cons ».
- Borges révélait le négatif du fonctionnement canonique de la citation (cf. César Palladion dans Chroniques de Buston Domecq de Borges et Casares, ou Pierre Ménard, auteur du Quichotte)

J'avais emprunté ce livre à la bibliothèque universitaire au début de l'année 2014 et il ne me restait que mes notes de lecture pour rédiger cette chronique. Je vous le recommande si vous vous intéressez à l'intertextualité : c'est abordable et riche d'enseignement.
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Le livre "1979, La seconde main ou le travail de citation" de Antoine Compagnon est une analyse approfondie de la notion de citation dans la littérature. L'auteur examine comment les écrivains s'approprient et réutilisent les textes existants dans leur propre oeuvre.
Compagnon commence par définir la citation comme un "collage" de textes déjà existants. Il explore ensuite les différentes formes de citation, telles que le plagiat, l'emprunt, l'allusion et la paraphrase. Il souligne que la citation est une pratique courante et essentielle dans la création littéraire, car elle permet aux écrivains de dialoguer avec la tradition littéraire et d'insérer leur voix dans un univers déjà constitué.

L'auteur examine également les motivations derrière l'utilisation de la citation. Il soutient que les écrivains citent pour rendre hommage à leurs prédécesseurs, pour enrichir leur propre texte en y incorporant des idées et des styles différents, et aussi pour critiquer et détourner les textes originaux. La citation est ainsi un outil puissant pour exprimer des idées complexes et un moyen de créer des liens intertextuels entre différentes oeuvres.

Compagnon met en évidence le rôle de la citation dans la constitution de la culture littéraire. Il montre comment les écrivains établissent des réseaux de citations et construisent des références croisées entre leurs propres oeuvres et celles d'autres écrivains. La citation est un moyen pour les écrivains de se situer dans une tradition et de contribuer à son évolution.

Enfin, Compagnon analyse le rôle de la citation dans la formation de l'identité de l'écrivain. Il souligne que les écrivains citent souvent leurs propres oeuvres antérieures, créant ainsi un dialogue entre différents moments de leur propre carrière. La citation devient donc un moyen pour les écrivains de se représenter eux-mêmes et de réfléchir sur leur propre travail.

Dans l'ensemble, "1979, La seconde main ou le travail de citation" de Antoine Compagnon fournit une analyse approfondie et éclairante sur la pratique de la citation dans la littérature. L'auteur explore les motivations, les formes et les conséquences de la citation, tout en mettant en évidence son rôle dans la création littéraire et la construction de la culture littéraire. C'est un livre essentiel pour tous ceux qui s'intéressent à l'étude de la littérature et à la manière dont les écrivains dialoguent avec leur tradition littéraire.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
L'élément formel de la citation, libre de ses fonctions éventuelles, est la répétition des mots d'autrui. Comme telle, elle dépend, selon les catégories platoniciennes, de la mimesis, et ne peut être assimilée qu'au simulacre.
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Lorsque je cite, j'excise, je mutile, je prélève.
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Vidéo de Antoine Compagnon
En mai 2023, l'écrivain et critique littéraire Antoine Compagnon est reçu à l'Académie française. Spécialiste de l'oeuvre proustienne, il a édité plusieurs tomes d'À la recherche du temps perdu chez Gallimard. Son épée d'académicien, qui lui a été remise lors d'une cérémonie à la Bibliothèque nationale de France, est le fruit de sa rencontre avec la maison de joaillerie Boucheron. Dans cet entretien, il revient sur ce moment singulier et sur les éléments symboliques qui ont guidé cette démarche artistique commune.
Pour en savoir plus, rdv sur le site Les Essentiels de la BnF : https://c.bnf.fr/TRC
Crédits de la vidéo :
Antoine Compagnon Écrivain, critique littéraire, professeur émérite et membre de l'Académie française
Direction éditoriale Armelle Pasco, cheffe du service des Éditions multimédias, BnF
Coordination scientifique Charline Coupeau, docteure en histoire de l'art et chercheuse à l'École des Arts Joailliers
Coordination éditoriale Constance Esposito-Ferrandi, chargée d'édition multimédia, BnF
Lieu de tournage Institut de France
© Bibliothèque nationale de France
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