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4,03

sur 539 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Monument de la littérature !
Jusqu'où l'orgueil peut-il nous mener...
Je comprends que beaucoup aient abandonné sa lecture en route, le style est superbe, la psychologie des personnages très poussée, mais pendant longtemps, j'ai eu envie de dire au narrateur, "bon, tu accouches !" Mais au final ça valait le coup d'attendre, car ce n'est pas d'une souris mais d'une montagne que l'enfantement résultera, et même si le dénouement ne nous surprend pas, on est surpris du choc qu'il nous procure, on s'y attend mais on ne l'encaisse pas. La force de Conrad est de nous rendre ce destin à la fois acceptable et inacceptable. On est soulagé et en colère.
Et ce livre ne pourra jamais s'effacer de notre mémoire.
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Un récit dans le récit, qui ravira le fan-club de Stefan Zweig. Jim (on ne saura pas son nom de famille, ni celui de tous les personnages), est second sur un navire marchand transportant plusieurs centaines de pèlerins vers La Mecque, commandé par un capitaine à la moralité plus que douteuse. À l'occasion d'un naufrage dans l'Océan Indien, il va fuir le navire en train de sombrer, en compagnie du capitaine et de sa clique, et gagner ainsi la vie sauve sans avoir porté secours aux occupants, tous disparus. À l'issue d'un procès maritime, auquel il aura eu le courage d'assister alors que les autres membres de la bande ont réussi à se défiler à temps, il sera déchu de son titre et vivra ensuite dans la honte perpétuelle de la faute qu'il a commise. Tel est le point de départ d'un récit qui va nous emmener dans les coins les plus reculés d'une Asie insulaire dominée à l'époque (victorienne) par l'Empire Ottoman et les grandes puissances occidentales. Dans un monde régi par la cupidité et la lâcheté des puissants (une peinture sans concession de la "Belle Époque", tout actuelle) "Lord" Jim, ainsi appelé par les habitants d'une île imaginaire peuplée de malais, va racheter sa faute en devenant un parangon de sagesse et de courage, jusqu'au jour où le monde qu'il croyait fuir va se rappeler à son bon souvenir. Une peinture sans concession de l'âme humaine, dans tous ses replis visibles et invisibles, où l'auteur a mis une bonne part de ses angoisses face à son propre passé. Un récit tortueux, parfois ennuyeux dans sa première partie (le procès, qui n'en finit pas...) mais qui restera gravé dans la mémoire du lecteur. Malgré le décor, maritime à souhait, la mer dans ce beau récit à quatre voix (Jim, Marlow, Stein, Brown) est avant tout une mer intérieure...
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Un livre que j'ai lu jeune, il m'en reste comme un éblouissement, je me rappelle vaguement de l'histoire, mais plus sûrement d'un moment de lecture plus qu'agréable. Je le relirai avec plaisir.
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Quel classique et quelle leçon du maître! Sombre, lucide, mais superbe...
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Commençons par un tout petit bémol. L'écriture de Conrad se fait ici foisonnante à souhait, quasiment luxuriante, par moments presque inextricable, à l'image de cette jungle indonésienne du Patusan qu'il nous décrit. Si ce trait stylistique contribue à la puissance d'évocation lyrique chez Conrad, ce qui donne des passages flamboyants de beauté, il tend également à rendre parfois la lecture ardue.


L'effort en vaut cependant largement la chandelle. le récit en lui-même est d'une originalité parfaite dans l'histoire littéraire: sauf erreur de ma part, je n'ai pas de souvenir d'une oeuvre centrant son intrigue sur le devenir d'un marin abandonnant son navire en train de couler alors même qu'aucun passager n'a été évacué.


Dès lors, le roman n'aura de cesse de chercher à répondre à la question suivante: l'honneur une fois perdu peut-il se retrouver un jour? Il semble bien que cela soit le cas: mais cela nécessite de la part de Jim, qui cherche désespérément sa rédemption, à travers sa nouvelle existence au Patusan, une région imaginaire située en Indonésie, une telle exigence à l'égard de soi-même qu'il en viendra à causer sa propre perte.


L'accablement du déshonneur porté dans sa condition d'homme vivant finit par faire préférer à Jim une fidélité à l'idée qu'il se fait de lui-même allant jusqu'à y sacrifier sa propre vie.


Lord Jim, c'est en définitive la tragédie de l'homme incapable d'échapper à son propre passé...Même lorsque les erreurs qu'il a pu commettre ont été réparées, ce passé conditionne les réactions qu'il peut avoir face aux situations présentes et futures, l'amenant à causer de nouveau sa perte.


C'est ce qui arriva à Jim...Qui péchera non plus par lâcheté, mais par imprudence, lorsqu'il n'osera pas faire éliminer une bande de pirates venus envahir son village du Patusan, menés par un Blanc qui ne lui rappelle que trop bien le paria qu'il fut un temps (sans l'écrire explicitement, Conrad semble faire dire à Jim en son for intérieur "Qui suis-je pour jeter la pierre sur un pirate, moi qui ai commis une faute pire encore dans le passé?"). Je n'en révèlerai pas davantage, ce serait aller trop loin...


Je comprends mieux pourquoi Fitzgerald estimait tant Conrad...Au delà de leurs différences, il existe chez eux une même vision tragique de l'homme, en ce que le combat qu'il entreprend pour échapper à la condition qui est la sienne demeure toujours vaine, ainsi qu'un même goût pour une écriture aux images et au lyrisme foisonnants, irradiant le lecteur de sa puissance évocatrice.
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Très beau livre sur l'amitié et la fidélité. Lord Jim est un aventurier ténébreux qui va passer sa courte vie à expier ce qu'il pense être une faute. le texte est dense, il faut se rendre diponible pour la lecture.
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J'ai lu Lord Jim parce que Finkielkraut l'a placé dans son livre sur l'intelligence de la littérature (le coeur intelligent) et parce qu'Eric Orsenna en a fait le livre qu'il emporterait sur une Ile déserte.
Avec de tels parrains, je pensais ne pas courir trop de risques.

Jim a des rêves d'aventure, de grandeurs.
Mais lorsqu'il est confronté à la première véritable épreuve, il n'est pas à la hauteur.
Blessure et traumatisme pour une belle âme qui assume devant la justice.
Mais commence alors le combat de sa vie : la lutte contre sa conscience et surtout contre le regard des autres, ou du moins ce qu'il imagine être le regard des autres.
La deuxième chance arrivera sous la forme d'une fuite qui révélera que nous avons à faire à un héros, un véritable héros.
Mais Conrad n'écrit pas des livres pour Hollywood…
Ou alors, en se penchant sur ce livre, des scénaristes Hollywoodiens pourraient en tirer une dizaine de films, et des scénaristes du cinéma indépendant une dizaine supplémentaire.
Bref les intellectuels que j'ai cité en début de commentaire ne disent pas que des bêtises : sur une île déserte avec le seul Lord Jim on peut voir venir et améliorer sa connaissance de cette drôle de bête qu'est l'être humain.
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Sans doute l'ouvrage le plus facile d'accès de Conrad, et pourquoi pas : son meilleur ! Outre l'aventure, l'ambiance moite de la Malaisie, la réflexion terrible sur la culpabilité et le rachat, on se délecte du récit enchâssé dans des flashbacks et narrateurs successifs, procédé dont Conrad était un maître (et qu'il utilise presque exclusivement mais jamais à ce point de virtuosité). On pourra trouver quelques plaisir à voir l'adaptation cinématographique avec Peter O'Toole dans le rôle titre et l'inénarrable Eli Wallach dans celui du méchant général.
Lien : https://www.tristan-pichard...
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« Imaginez une grosse araignée velue à la tête verte et dont les yeux sont des points brillants, s'affairant par un matin de rosée sur une extraordinaire toile, – et vous avez l'intrigue de Lord Jim. Son fil se déroule à partir de rien, elle est pleine de digressions qui ne mènent nulle part et de voies transversales qui repartent en arrière, puis recommencent et finissent à nouveau – parfois au bord du vide, parfois au centre même de l'intrigue. »
Telle est la réaction du journal « Critic » en 1901 à la parution de l'ouvrage.
Il y a en effet quelque chose dans Lord Jim qui résiste à l'explication, et qui demande à se fondre comme l'auteur dans la jungle opaque des métaphores.
« « Qu'est-ce qui remue là ? » se demande-t-on. « Est-ce un monstre aveugle ou seulement un reflet perdu de l'univers ? » ».
Dixit Conrad. Comme dans « Au coeur des ténèbres » avec lequel il devait être publié, avant qu'il ne prenne l'ampleur d'un roman à part entière, Lord Jim possède une atmosphère envoûtante, sombre, située cette fois-ci dans la mer de Chine, du côté de la Malaisie, dans un Patusan imaginaire. L'imaginaire et le réel, l'héroïsme rêvé et la monstruosité humaine, le colonialisme et la souveraineté de l'océan et de la nature, ce sont ces affrontements que travaille le texte, par vague, par pointes.

Lord Jim est un roman de la dérive, de la fuite et de la non-rédemption.

« Étrange fatalité, que celle qui donnait, à chacun de ses actes une allure de fuite, de désertion irréfléchie et impulsive, de saut dans l'inconnu. »

En quelque sorte, Conrad joue là un peu son côté Dostoïevski des mers (ou devrait-on qualifier Dostoïevski de Conrad d'eau douce ? A voir). Les courts chapitres à rebondissement – ce qui est lié à la publication en revue – s'enchaînent et croisent des niveaux de récits, avec des excursus et des suspens souvent réflexifs avec, cependant, la voie majeure de Marlow (le narrateur d'« Au coeur des ténèbres » et de « Jeunesse » romans qui forment une trilogie fantôme avec Lord Jim, fantôme, oui, toujours, puisque jamais présentée tel quel en volume). Marlow, jumeau lointain de Conrad, dans le sens où un écrivain peut partager avec ses créatures une fraternité incommunicable, une amitié du plus lointain, stellaire, à demi-mot, même imaginaire, apparaît après un début intriguant où le procès de « Jim » prend place sans que l'on aperçoive exactement le sens de sa faute.
La puissance d'évocation de Conrad est sans égal, pas seulement celle des « hommes de la mer », qui tourne court suite à la mésaventure initiale du « héros ». Pour ses personnages, comme le glorieux Brierly au destin torturé, l'entomologiste allemand, ou la figure magiquement éclairée de la femme de Jim. Sûrement que la part noire des opposants, comme Cornelius et Brown ne sont pas à ce niveau mais révèlent subtilement les failles de l'impeccable Tuan Jim. Au-delà de cet horizon tramé de figures marquantes, avec en son centre l'énigme de la destinée de Lord Jim, la lecture se révèle aussi dans les captations intenses de cet espace exotique rendu sensible, loin de l'exotisme, déjà fantasmatique et déjà cristallisant les tensions coloniales où la division entre barbare et civilisé se brouille.
La fin d'un monde, lit-on sous l'histoire de Lord Jim.
Il y a, à mon sens, quelque chose de purement shakespearien dans ce traitement de l'atmosphère, dans la sublimation du fantastique, des passions, de la langue. Quelque chose de profondément subtil que l'on peut retrouver dans les adaptations de Shakespeare par Kurosawa. Quelque chose d'infiniment rare.

Et bien sûr il y a Lord Jim, Tuan Jim. Personnage romantique et romanesque, comme ne cesse de le marteler Conrad. Il y a quelque chose de l'Idiot dans ce caractère naïf, franc, enthousiaste, mais finalement faible, et pour son cas, attaché au tragique de l'existence. Mais alors qu'il devrait nous apparaître comme ridicule, décalé avec le monde, enfant bercé par les récits d'aventures se perdant dans la jungle de la réalité, il survit et impose son image et forge un moment sa destinée et son petit paradis romanesque.
Cependant, il a finalement sa tragédie, à la fin de sa fantomachie ce sont les fantômes qui triomphent : « Comment peut-on tuer la peur, je me le demande ? Comment peut-on traverser d'une balle un coeur de spectre, trancher sa gorge spectrale, le prendre à sa gorge de spectre ? » C'est l'héroïsme prosaïque de l'impossible que tente Lord Jim, et sa ligne de fuite le porte loin, jusqu'à ce que s'installant, son destin fantasmagorique le rattrape.
Lien : http://lucienraphmaj.wordpre..
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Impossible pour moi de lire celui-ci en refoulant le souvenir que j'avais gardé du film de Richard Brooks… Mais Conrad a sa patte bien à lui pour raconter. En cela le livre n'est pas comparable au film qui en a été tiré. (Quelle idée d'ailleurs de comparer des livres et des films…)

Ici le procès de Jim occupe plus d'une bonne moitié du livre et cette attente - la macération du héros dans la culpabilité et la honte - crée une tension vraiment suffocante et un véritable contrepoids à l'action qui suivra dans le récit : quand Jim tentera de se racheter. Ce sont ces effets de contraction et de dilatation de l'histoire qui nous font ressentir l'emprise saisissante d'un destin sur les personnages. L'intervention d'un narrateur (principalement Charles Marlow) est directement au service de cette machinerie. On a souvent reproché à Conrad l'usage de cet artifice mais quelle ampleur il arrive à en tirer ! Rendre palpable une chose comme le destin, ce n'est pas donné à n'importe quel bonimenteur !

Enfin on voit souvent dans l'histoire de Thuan Jim une réflexion sur l'honneur. Oui, mais après tout qu'est-ce que l'honneur sinon une certaine image que l'on se fait de soi ? À cet égard j'ai trouvé bien âpre cette cruauté à l'oeuvre dans le roman : un homme qui se bat pour l'idée qu'il se fait de lui… jusqu'à la mort.
À la fin Marlow dit à son auditoire : -"maintenant Jim est des nôtre"…
Sans blagues, cette histoire d'honneur c'est bien notre tragi-comédie à tous, tous autant que nous sommes…


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