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3,43

sur 123 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Mai en automne » est le legs que nous a confié Chantal Creusot (1947-2009) juste avant son décès. Un livre unique, l'oeuvre d'une vie, faisant vibrer par-delà la mort un peu de la voix mélodieuse d'une artiste qui, en regard de ce superbe premier et seul roman, aurait certainement pu nous offrir d'autres belles découvertes si le destin, la fatalité ou quel que soit le nom des mystères régissant les destinées humaines, n'en avaient décidé autrement, donnant à ce roman valeur testamentaire.
De cette fiction offerte en héritage, Chantal Creusot fait sourdre les passions et les désirs, les espoirs et les désillusions, les unions et les filiations, les trahisons, les deuils, les bonheurs et les drames d'une petite ville du Cotentin à l'aube des années 1940 et jusqu'à la fin des années 1950.
Sur près de 20 ans, les vies de nombreux protagonistes vont se faire et se défaire, s'accorder, se nouer, se dépendre ou s'unir, dessinant une géographie de l'intime en même temps qu'une fresque provinciale pleine de finesse et de sensibilité.

Telle une tisseuse à son métier, Chantal Creusot entrelace en un délicat travail d'aiguille les fils d'une dizaine de destinées issues de diverses couches sociétales ; tirant un fil ici, le coupant là, le nouant d'un côté, le sectionnant de l'autre, elle dévide ses multiples histoires de famille comme autant de fibres entrelacées, pour offrir une broderie aux points de croix d'une exquise délicatesse où l'amour, ce sentiment ardent et universel, apparaît en motif central, avec son lot de joies et de douleurs, d'attentes et de déceptions.

De la servante à la fermière, de l'avocat au médecin, de la libraire à la femme de procureur…les portraits, façonnés avec une minutie de peintre pointilliste et une empathie attentive nous saisissent et nous touchent car Chantal Creusot aime ses personnages. Ils sont pourtant nombreux mais le lecteur s'attache à chacun d'eux car les sentiments qui affleurent chez eux sont empreints d'émotion juste et le talent de l'auteur est tel que jamais on ne se sent perdu tout au long de ces histoires individuelles qui s'écoulent avec la fluidité et la pureté d'une eau vive.
De l'étrange et éthérée Marie à la nonchalante Solange, de la délurée et torturée Marianne à l'indépendante Madame Darban, de la famille du chef de clinique Vuillard à celle de l'avocat Laribière…les âmes de cette petite ville de la côte normande, vivent, meurent, s'aiment, se marient, enfantent, pleurent, espèrent, regrettent, s'interrogent et tentent de trouver un sens à leur vie tandis qu'irrémédiablement, les vents de l'existence les emportent comme autant de feuilles automnales au gré des époques et des courants.
Le style sensible et nostalgique de l'auteur oscille entre une narration réaliste quasi naturaliste et une grâce toute musicale, entre l'acuité subtile avec laquelle les personnages sont perçus et la poésie avec laquelle ils sont peints. Ce bercement, cette impulsion de balancier alliée au velouté du phrasé donnent à l'oeuvre une respiration et un mouvement très séduisants, qui enjôlent et qui charment comme le frémissement délicat des feuilles chutant doucement et glissant sur le sol.

On a dit qu'il y avait une aura de Flaubert et de Chabrol dans « Mai en automne ». C'est certainement très vrai dans la manière très perspicace d'esquisser les drames, les arrangements, les désenchantements, la rigidité affichée d'un monde provincial vivant sur la pointe des pieds.
Nous serions aussi tenté d'ajouter qu'iI y a comme une petite musique Tchekhovienne dans cet enchâssement de destinées aux diverses positions hiérarchiques et générationnelles, cette petite musique douce qui joue sans exagération ni emphase.
Un peu comme dans « La Cerisaie », l'une des pièces majeures d'Anton Tchekhov, les personnages - parents, enfants, notables, paysans - révèlent la fin d'un monde ou d'une époque, un temps suranné qui n'est pas loin de s'éteindre, et leurs vies intimes se font l'écho de quelque chose de plus vaste, de plus métaphysique et universel : la fresque sociale éclot ainsi sur l'individu et vice-versa dans un mouvement constant de l'un vers l'autre.

Comme « La Cerisaie », « Mai en automne » reflète tout ce qui meurt et tout ce qui renaît, tout ce qui palpite et qui vit, tout ce qui s'étiole et s'éteint, le révolu faisant place au présent qui s'inscrira lui-même dans un passé en perpétuant le cycle des saisons de l'avenir. Tout s'en va et tout se perd et cependant tout recommence. Joies, peines, amours, espoirs, désillusions, tout coule le long de la vie et finit par mourir mais aussi par rejaillir dans un autre homme, une autre femme, une autre mère, un autre enfant ; tout se suit et se perpétue, les deuils et les douleurs tombant comme les feuilles mortes; les idylles, les unions et les naissances affleurant comme les bourgeons.
Quelque part et en chacun de nous, c'est toujours la fraîcheur du printemps, la mélancolie de l'automne… Mai en automne
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Unique roman de l'auteure, écrit à la fin de sa vie, il est marquant, superbement écrit et psychologiquement passionnant.

Pourtant, les personnages, surtout féminins ( les hommes semblent secondaires ou peu valorisés), ne sont pas d'emblée sympathiques. Mais leur complexité attire et retient. L'auteure dissèque admirablement leurs pensées.

Marie, en apparence simple d'esprit, toujours perdue dans un ailleurs, mais suscitant les convoitises. Marianne, passionnée, difficile, obsédée par son père. Lucile, qui renaîtra, alors qu'elle n'y croyait plus. Solange, dont un amour brisera la fragile beauté. Ces destins, ainsi que d'autres, se croiseront à plusieur reprises, dans ce milieu provincial du Cotentin, essentiellement après la seconde guerre mondiale.

le roman procède par bonds dans le temps, en arrière ou en avant, sans que cela soit perturbant car le puzzle s'assemble subtilement et donne un éclairage plus vif aux évènements. Il faut cependant rester attentif.

Voilà une oeuvre prenante, riche, aux êtres de désir et de feu ou d'eau troublante, qui emporte le lecteur. C'est un témoignage précieux, à travers tous les niveaux sociaux, d'un lieu et d'une époque. Je l'ai beaucoup aimée.
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Il y a des livres que je qualifie de lents , non pas que la lecture du texte soit difficile mais parce que la multiplicité des personnages avec leurs histoires, les retours sur le passé, leur généalogie, fait qu' il faut prêter une attention permanente pour ne pas se perdre dans le récit ou ne pas baisser les bras ce qui serait fort dommage !

C'est un roman sur l'amour puisque l'on suit surtout les vies de couple, de leur rencontre à la fin de leur histoire commune, mais surtout du désamour et de la désillusion .

Amer constat car les couples ne réussissent pas à construire leur bonheur à partir des jours heureux, fétus de paille qui s'envolent dès les premières bises ...

Malgré ce foisonnement de vies, je ne me suis pas particulièrement attachée à une de ces figures, elles sont toutes émouvantes , chaque femme a un coté attachant ; je me suis interrogée sur celle qui pouvait être le double de l'auteur , Marianne peut-être car c'est la seule à se confier à un journal .

On y trouve également une critique aiguisée sans être cruelle de la vie bourgeoise provinciale de la première moitié du XXème siècle .

Beaucoup de sensibilité et de nostalgie dans ce beau roman .

JOYEUX NOËL à tous
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Une petite pointe de déception pour ce roman dont je m'attendais à être emportée. Hélas, si le style m'a plu, l'histoire ne m'a pas séduite plus que ça. Trop de familles, trop de retour dans le temps.
Au delà de l'histoire, on ne peut nier la grande qualité de ce roman, la psychologie des personnages finement dessinée, l'époque, la famille, la place de femme également dans cette société en tant qu'épouse par exemple.
En résumé, si je me suis régalée avec la plume, je me suis quelque peu ennuyée avec l'histoire.
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Dieu que c'était long ! J'ai bien cru que jamais je n'arriverai à terminer ce roman pourtant si beau. Sa construction particulière m'a obligée à de nombreux retours en arrière pour me souvenir de qui était qui et parfois je me suis demandée si je n'avais pas raté un épisode... Si c'est typiquement le genre de roman que je n'apprécie guère ( trop d'histoires d'amour ), l'élégance de l'écriture m'a totalement séduite et m'a convaincue d'aller jusqu'à la dernière page.

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A travers plusieurs familles dont Chantal Creusot prend le temps de nous faire une courte généalogie au début de son livre, le lecteur se trouve embarqué dans un autre temps, dans une autre époque, dans un monde où les mariages se faisaient non par amour mais par raison, où l'on s'épousait "entre soi", entre gens du même monde, que l'on s'aime ou non.

D'intrigue, il n'y en a pas fondamentalement, on se prend d'affection et d'empathie pour ces différents personnages, ces femmes et ces hommes de toutes les catégories, du médecin à l'avocat, en passant par la fermière du coin et sa soubrette. On les suit au cours d'un demi-siècle, on découvre la vie de leurs parents, puis celle de leurs enfants. La guerre arrive, mais elle apparaît en toile de fond, n'empêchant pas le quotidien de se poursuivre, les couples de se former et se détruire.

Pour ce premier roman, Chantal Creusot nous livre une fresque sociale marquée par la mort et la disparition mais dont, étrangement, on ne ressort ni triste ni déprimé. Car le lecteur aux yeux ouverts se rendra vite compte que cet univers, s'il fut celui de ses parents ou de ses grands-parents, n'est plus le sien, et que de nos jours, la raison a largement cédé sa place à l'amour dans nos choix conjugaux !
Lien : http://croqlivres.canalblog...
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Ce roman contemporain est d'un très grand classicisme. On pourrait y retrouver du Balzac par son foisonnement et la douceur de la palette.
Belle peinture de la société de province au milieu du XXème siècle.
Les femmes sont vraiment au centre de ce roman et ces différentes personnalités sont toutes chacune dans leur genre magnifique et aussi attendrissante.
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C'est un roman cousu main comme en lit plus beaucoup pourquoi?
Cela ressemble à un canevas tissé serré à l'aide de multiples soies de toutes les couleurs, un point de croix ingénieux fait de fils tendus sur une broderie chatoyante et touchante, parfois impudique.
Nous faisons connaissance avec plusieurs familles, en Province, de la couturière au procureur, de la servante à la fermière, de l'avocat au médecin, de la libraire à l'épouse du procureur.....
L'auteur tisse le canevas de portraits pointillistes et minutieux d'une petite ville au coeur de la Normandie sur près de vingt années, de 1940 à la fin des années 50 .
Voilà Marie, la fille de ferme, étrange, simple et rude, taiseuse et un peu sauvage, tondue à la libération....
Simon, le jeune avocat fou amoureux de Solange qui oublie sa passion peu de mois après son mariage.


Hélène, l'épouse du procureur majestueuse et volage.
Michelle, engagée, militante au parti communiste, Marianne, impudique et passionnée, Pierre, orphelin de père et grand médecin....
Les personnages de cet ouvrage sont très nombreux.....
La trame romanesque décrit avec chaleur et limpidité des passions et des désirs, des espoirs et des désillusions, des unions et des filiations, des destinées multiples faites de bonheur et de drames dans ce petit milieu où tout le monde se connaît, où on cultive le secret , où chacun surveille l'autre sans en avoir l'air....

C'est une chronique désuète mais charmante où bruissent sourdement les arrangements et les désenchantements de la vie Provinciale, un monde quasiment oublié, suranné où les codes sociaux rigides autorisaient la façade et l'hypocrisie sur un mode convenu que chacun à sa manière respectait.
Cela ressemble à du Gustave Flaubert ou à un film oublié du regretté Claude Chabrol.
Ce canevas social brosse un tableau aux multiples facettes où le drame intime côtoie la passion amoureuse cachée mais exacerbée, où la liaison adultère se cache à l'abri des autres et des siens, croit - on!
L'auteur décrit les relations humaines d'une manière fine et attentive, presque naturaliste.
C'est aussi le roman de la consommation violente du désir,de l'oubli douloureux des sentiments,de la noirceur et de la perversité de cet oubli, de l'amour filial ressenti mais non dit, de l'immense douleur de la perte d'êtres jeunes à cette époque.
C'est un très beau livre qui nous captive malgré le grand nombre de personnages( l'auteur ou l'éditeur?a ajouté un arbre généalogique à la fin).
C'était encore un coup de coeur de ma libraire à la taverne du livre à Nancy!
Vive les libraires!
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Les arbres généalogiques m'ont toujours angoissée. Les gens vivent et meurent. puis ils laissent au bout des lignes des descendants, qui, eux aussi, vivent et meurent. Et il demeure des arbres généalogiques.
Au début de ce roman gigogne, l'auteur nous donne à voir un arbre. Comme si les personnages étaient là, comme s'ils avaient existé, comme s'ils étaient déjà morts.
Le lecteur s'immisce dans ces tranches de vies qui se déroulent entre Paris et le Cotentin au médian du siècle dernier, et un peu avant et un peu après... Des hommes, des femmes et des enfants pour qui tout semble joué d'avance.
ce n'est pas sans désespoir et résignation que Chantal Creusot (morte désormais) nous livre une fresque romanesque dans une écriture distante et surannée. le vocabulaire semble venu d'ailleurs.
Un bijou démodé, intelligent, délicieusement fataliste.
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Dans cette ville du Cotentin, Chantal Creusot met en scène plusieurs habitants issus de milieux sociaux et d'âges différents. Fille de ferme, médecin, libraire, avocat, femme au foyer, étudiants… tous les destins de ces personnages s'entremêlent.

Ce roman, véritable fresque sociale, s'étire sur trois générations et nous entraine dans la vie des différents personnages qui possèdent tous un lien avec les autres qu'il soit familial, amical, professionnel ou simplement de voisinage. Chacun d'entre eux devient tour à tour le personnage principal du récit et l'auteur nous fait partager leurs espoirs, leurs doutes, leurs amours, leurs désillusions.

A travers ces portraits, Chantal Creusot nous raconte une époque, une vie en province mais aussi l'évolution des moeurs entre la seconde guerre mondiale et les années 50. Elle nous plonge au coeur de relations familiales, amoureuses, lorsque celles-ci s'enflamment ou se désagrègent. L'auteur s'intéresse particulièrement aux portraits des femmes qui peuplent son récit. Victimes ou combatives, jeunes ou plus âgées, en couple ou célibataire, chacune d'entre elles semble être une pièce d'un puzzle qui finit par construire un récit sensible et puissant.

Ce récit a parfois des proximités avec ceux de François Mauriac dans les descriptions qu'il fait de la vie bourgeoise et provinciale et dans le caractère des personnages. de quoi le ranger parmi les classiques de la littérature.

Chantal Creusot n'a malheureusement écrit que cet unique roman avant de succomber à une hémorragie cérébrale qui l'a plongée dans le coma de longues années avant son décès en 2009. Et on ne peut que le déplorer, tant son univers tout en sensibilité, à la fois doux et nostalgique est enthousiasmant.
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