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Jean-Claude Lagarrigue (Éditeur scientifique)
EAN : 9782204091312
316 pages
Le Cerf (08/07/2010)
3.86/5   11 notes
Résumé :
Achevée en 1440, La Docte Ignorance du cardinal Nicolas de Cues fait partie de ces livres qui ont profondément modifié le destin de la philosophie. Tirant les leçons à la fois de l’illimitation du monde et de l’éclatement de la chrétienté, il propose une singulière méthode de connaissance qui, par tout un jeu de coïncidences des opposés, de conjectures et d’approximations, défie les savoirs traditionnels et leurs certitudes démonstratives pour mieux penser l’infini ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
En soulevant les textes anciens, on découvre que les modernes n'ont rien inventé. Cela pourrait être décevant, mais c'est aussi fascinant car les idées se répètent sans jamais se ressembler complètement. Ainsi, Nicolas de Cues, pétri d'influences antiques maturées, parvint à extraire d'influences extérieures une intuition intime qu'il exprima selon le paradigme de son milieu et de son époque. Foi et mathématiques s'unissent afin de corroborer et de préciser des idées que Platon n'aurait pas reniées. Pourtant, pour comprendre Nicolas de Cues, il n'est pas nécessaire de traîner derrière soi un lourd bagage philosophique. Partage-t-on ses intuitions ? Ses démonstrations seront limpides. Nicolas de Cues déploie seulement quelques concepts axiomatiques qu'il déclinera ensuite sur différents modes pour en explorer les modalités plus subtiles.


D'un point de vue absolu, le Maximum et le Minimum sont équivalent : « Il est manifeste que de l'infini au fini, il n'y a pas de proportion. Pour cette raison, il est aussi très clair que là où l'on trouve un plus et un moins, on ne parvient pas au Maximum pur et simple parce que les choses qui admettent un plus et un moins sont des grandeurs finies ». On retrouve ce concept dans les valeurs absolues des mathématiques et moralement, une telle disposition d'esprit permet de pressentir le relativisme et les discussions morales d'un certain Nietzsche placé par-delà le bien et le mal. Nous comprendrons aussi le concept de l'Unité trine qui relie Unité, Egalité et Connexion. le Maximum (qui est aussi le Minimum) éternel et absolu peut être tour à tour l'une de ces trois modalités : la physique quantique ne balbutie-t-elle pas derrière cette unité trine polymorphe ? « Ainsi nous avons prouvé que l'Unité est éternelle, que l'Egalité est éternelle et que, de même, la Connexion est éternelle. Mais il ne peut y avoir plusieurs éternels. Si, en effet, il y avait plusieurs éternels, alors, puisque l'Unité précède toute pluralité, elle précèderait par nature l'éternité, ce qui est impossible. […] Donc, Unité, Egalité et Connexion sont un. » En d'autres termes, ces trois principes portent des noms que l'on rencontre plus habituellement dans la terminologie chrétienne : « […] L'Unité est appelée Père, l'Egalité Fils, et la Connexion Amour ou Esprit-Saint. Ces noms ont été donnés seulement eu égard aux créatures […] ». Et Nicolas de Cues aborde cet autre point décisif qu'est celui de la sémantique, considéré ici d'un point de vue essentiellement symbolique.


Notre monde, qui est une contraction du Maximum, ne peut se faire une idée de l'éternel qu'en employant différents moyens qui sont à sa disposition, dont le langage. Cet ensemble de signes arbitraire n'est qu'une convention et ne permet pas d'exprimer ce que Wittgenstein appellera le « mystique » : « Pareillement, les peines des damés sont au-delà de toutes les peines imaginables et descriptibles. C'est pourquoi, dans tous ces signes d'harmonies musicales de joie, d'allégresse et de gloire que les Pères nous ont transmis, se trouvent des signes connus de nous comme des indices pour penser à la vie éternelle, signes sensibles très approximatifs, infiniment distants des réalités intellectuelles qu'aucune imagination ne peut percevoir ».


Nicolas de Cues énonce cela clairement en utilisant les signes mathématiques. Son verbe est aussi concis et précis que ses démonstrations. Il nous fera comprendre que, la ligne finie étant une manière contractée d'être de la ligne infinie, de même le triangle est une ligne infinie, et de même le cercle est une ligne infinie. de là, nous pouvons supposer les différents modes d'être : la ligne infinie, la figure géométrique, la possibilité de la figure géométrique. Nous pouvons également affirmer que tout est tout.


Jusque-là, la docte ignorance de Nicolas de Cues nous semble mensongère. de l'ignorance, il ne semble point y en avoir. En réalité, il faut atteindre sa grande compréhension –qui est grande mais pas maximale- pour comprendre qu'il est impossible d'en savoir davantage. On acceptera alors, en se montrant humble, de ne pas pouvoir en savoir plus que notre mode d'être ne peut le supporter. Dans l'ordre des choses, il faut admettre que nous devons nous contenter de ce que nous pouvons comprendre. C'est là la Docte Ignorance.
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Du point de vue des thèses, je ne peux pas ajouter grand chose à ce qui a déjà été dit. Certaines anticipent les révolutions paradigmatiques à venir avec une très grande modernité. La coïncidence des opposés (le maximum et le minimum coïncident) n'obtiendra de ma part aucune répugnance de principe, car elle ne s'obtient pas pour ce qui est à entendre de fini ici, mais d'infini (c'est pour l'infini que le maximum et le minimum coïncident, que la ligne est un triangle, etc), car elle s'inscrit dans une heuristique de l'approximation. La docte ignorance ce n'est rien d'autre qu'être docte dans l'ignorance (et non ignorant dans la connaissance). C'est plutôt sur l'argumentation en tant que telle que j'éprouve des réserves. Bien souvent, elle me semble tirée par les cheveux. J'ai du mal à aller au-delà de l'image par les références géométriques. En fait, je crois que ces références, pour intéressantes qu'elles soient, ne sont pas assez mises en lien avec ce qu'il faut démontrer, que la preuve de l'extension de leurs concepts n'est pas faite. Il y a cependant une illustration que j'aime bien : le polygone maximum tirant son principe du cercle dans lequel il est inscrit, comme pour illustrer la docte ignorance et son heuristique.
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Citations et extraits (65) Voir plus Ajouter une citation
La ligne infinie est donc tout entière dans n’importe quelle ligne, de même que n’importe quelle ligne est en elle. Et, en vérité, il faut considérer cela conjointement : on voit alors clairement comment le Maximum est dans n’importe quelle chose et dans aucune. […] Que l’on écarte la participation de tous les étants, et il ne reste que l’Entité parfaitement simple, qui est l’essence de toutes les choses. Or nous ne voyons une telle Entité elle-même que dans la docte ignorance la plus grande, car lorsque je rejette de mon esprit tout ce qui participe de l’Entité, il semble que rien ne demeure.
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Si, en effet, on dit que Dieu est vérité, se présente la fausseté ; si on dit vertu, se présente le vice ; si on dit substance, se présente l’accident ; et de même du reste. Et comme Dieu lui-même n’est pas une substance, qui ne soit pas tout et à laquelle rien ne s’oppose ; ni une vérité, qui ne soit pas tout et sans opposition ; ces noms particuliers ne peuvent lui convenir sans le diminuer à l’infini. Toutes les affirmations, en effet, posant en lui pour ainsi dire quelque chose de leur signification, ne peuvent convenir à Celui qui n’est pas plus quelque chose que tout.
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Le maximum, en effet, auquel ne s’oppose pas le Minimum, est nécessairement la mesure la plus adéquate de toutes choses, ni trop grande parce que Minimum, ni trop petite parce que Maximum. Or tout ce qui est mesurable tombe entre le maximum et le minimum. Donc, l’essence infinie est la mesure la plus précise et la plus adéquate de toutes les essences.
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Jésus-Christ, Dieu et Homme, est donc né d’un Père éternel et d’une Mère temporelle, la très glorieuse Vierge Marie : d’un Père maximum et absolument parfait, d’une Mère pleine d’une fécondité virginale, comblée de la bénédiction d’en haut dans la plénitude des temps. Il ne put, en effet, devenir homme d’une mère vierge que temporellement et être Dieu à partir du Père qu’éternellement, mais la naissance temporelle a requis la plénitude de la perfection dans le temps, comme elle avait requis dans la Mère la plénitude de la fécondité.
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Or la précision des combinaisons dans les réalités corporelles et l’adaptation exacte du connu à l’inconnu dépassent tellement la raison humaine que Socrate disait que savoir pour lui était ignorer. […] Si nous saisissons ceci pleinement, nous saisissons la docte ignorance. En effet, même l’homme le plus savant n’arrivera à la plus parfaite connaissance que s’il est trouvé très docte dans l’ignorance même, qui lui est propre, et il sera d’autant plus docte qu’il saura que son ignorance est plus grande.
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