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EAN : 9782842305369
136 pages
Hoëbeke (14/10/2015)
4.58/5   6 notes
Résumé :
« Nos ancêtres les Gaulois. » C'est ainsi que débutent les cours d'histoire des écoles du Tonkin, du Dahomey ou du Soudan, à l'orée du XXe siècle. Le domaine colonial français 11 millions de kilomètres carrés, 48 millions d'habitants occupe alors le deuxième rang mondial.
Les écoliers d'Afrique subsaharienne, d'Asie, d'Océanie, des Antilles ou du Maghreb sont éduqués pour devenir de vrais Français. Chaque matin les cours commencent après avoir inscrit en fran... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce magnifique livre des éditions Hoëbeke est bien dans la ligne choisie par cette maison d'édition qui ose sortir des sentiers battus. Son grand format permet de découvrir, d'apprécier, de comprendre et aussi d'être choqué par ce qui était présenté comme la vérité dans les écoles de ce qu'on nommait « nos colonies ».
Quoi de mieux que la plume précise et alerte de Didier Daeninckx pour nous emmener au début du mois de septembre 1945, au coeur de la Kabylie, sur les pas du nouvel instituteur, Roger Arvenel, arrivant à Tigali ? C'est lui qui raconte, à la première personne du singulier.
Les formules toutes faites, les a priori fleurissent et sont véhiculés par les plus hauts responsables : « les caractéristiques de leur race résistent à toutes nos entreprises. Paresse, envie, simulation, agressivité… » L'administrateur communal poursuit et prévient l'enseignant : « En donnant l'illusion à nos protégés qu'ils peuvent être nos égaux, on ne fait que fabriquer des déclassés, des aigris. »
Heureusement, il y a les superbes cartes Vidal-Lablache, les tableaux Rossignol mais on trouve aussi des extraits de livres de lecture ou de ce livre de géographie du cours moyen (1925) : « Une grande puissance comme la France ne peut se passer de colonies. Les colonies constituent un marché important où la métropole se procure à bon compte les matières premières et les produits alimentaires dont elle a besoin… » Tout est dit.
Le jeune enseignant ne comprend pas pourquoi ses élèves, habillés de guenilles et dont deux seulement sont chaussés, s'endorment en classe. Il découvre pourquoi un peu plus tard alors que l'armée débarque dans le village à la recherche de bandits et que les cours sont suspendus.
Il correspond avec ses camarades de l'École Normale et voilà qu'Armand lui répond du Sénégal. Il lui décrit une situation encore pire car ses élèves sont utilisés comme des bêtes de somme et il reconnaît que l'instituteur ne fait que du dressage.
Une autre lettre lui arrive du Vietnam, d'Indochine où Jean-Pierre enseigne à Lao Bang, à 300 km d'Hanoï. La situation est très compliquée car Hô Chi Minh a proclamé l'indépendance. Comme le général Giap, tous ces hommes sont issus de nos plus grandes écoles…
Depuis Madagascar, Patrick parle de l'insurrection pour l'indépendance. La France envoie des tirailleurs sénégalais, algériens, marocains pour tenter de mater les Malgaches qui veulent simplement la liberté et qui sont massacrés…
Après avoir expliqué la fabrication du vin à ses élèves, Roger Arvenel se demande pourquoi on produit ici des millions d'hectolitres d'une boisson que les gens du pays ne consomment pas alors que le blé manque pour faire du pain…
Enfin, c'est Marie-Joëlle qui lui écrit de Nouvelle-Calédonie. Elle est en poste à Nouméa et sa première visite a été « pour la modeste maison où Louise Michel, après son incarcération à la presqu'île Ducos, a enseigné aux enfants des communards déportés. » Elle apprenait aussi le français et le calcul aux gamins canaques. Là-bas, « le Code de l'indigénat… supprimé par l'Assemblée nationale… impose toujours sa loi. »
Revenu en Charente-Maritime, Roger Arvenel répond à ses amis le 17 octobre 1957. En Algérie, c'est la guerre : « Je pars dans la lueur des incendies, dans les hurlements des martyrs, moi qui était venu là pour apporter la lumière et la poésie. »
Ce livre est d'une importance immense au moment où l'on déplore, comme l'historien Benjamin Stora, que la France n'ait toujours pas réglé son passé colonial, cette « mémoire du sud » qui pèse toujours aussi lourd aujourd'hui.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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En 10 chapitres chronologiques, l'auteur met en scène Roger Arvenel, un jeune instituteur fraîchement diplômé de l'école des maîtres d'Aix-en-Provence, affecté à Tigali en Kabylie en septembre 1945. Porté par de nobles idéaux, idéologiquement sain, persuadé de la beauté des missions éducatives qui lui sont confiées, Roger venu pour apporter la lumière et la poésie, quitte son poste en 1957 dans la lueur des incendies, dans les hurlements des martyrs.


Il ne lui a pas fallu longtemps pour découvrir que la propagande de l'Etat qui vante les sacrifices que la France s'impose pour apporter la prospérité et l'éducation dans ses colonies, n'apporte en réalité que la misère que seules une épidémie ou une famine pourraient rendre plus grande encore. Au cours des années suivantes, Roger assiste aux premières révoltes, aux premières répressions sanglantes. Dans sa correspondance avec des collègues nommés en Indochine, à Madagascar, en Nouvelle-Calédonie, il assiste à l'inexorable marche de l'Histoire qui apporte au prix du sang, l'indépendance aux peuples opprimés, pillés de toutes leurs richesses, humaines, végétales et minières.


L'école des colonies n'est pas seulement un roman-document-historique. C'est aussi un splendide objet-livre, aux très riches et nombreuses illustrations faites de documents d'époque : affiches, cartes postales ou géographiques, planches pour la leçon de chose, consacrées au café, cacao, banane, mangue, arachide, hévéa, cotonnier, photos de classes ou des livres scolaires spécifiquement édités pour les enfants africains, aux titres éloquents : “Instruction provisoire pour l'école de jeunes négresses de Saint-Louis” dont le programme est précis : “L'enseignement comprendrait en priorité, la propreté et la bonne tenue d'une maison, la préparation des aliments, le blanchissage, la couture d'utilité domestique et non le luxe, le jardinage des légumes communs, la tenue d'une basse-cour, et, secondairement, la lecture, l'écriture et les quatre premières règles d'arithmétique”. Un enseignement amplement suffisant pour un Noir “qui est à peu près un homme comme les autres. Mais il faudra de longues années d'efforts pour qu'il arrive à valoir les peuples blancs” (Géographie vivante, Ch. Triaud, 1826), ou variante subtile “Les Noirs attendent de la fermeté chez leur formateur. Ils se savent faibles et souhaitent être aidés” (Questions scolaires aux missions, 1954), ou encore “Sous l'influence de la France, le Noir inerte devient un serviteur docile dont la force physique s'applique à un travail utile. […] Partout la France met heureusement en oeuvre le concours de l'indigène, soit pour consolider sa domination, soit pour en aider le développement” (La Géographie par l'image et la carte, 1923).


Didier Daeninckx rend hommage à Aimé Césaire : “Je parle de millions d'hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d'hommes à qui l'on a inculqué savamment la peur, le complexe d'infériorité, le tremblement, l'agenouillement, le désespoir, le larbinisme”, ainsi qu'à Léopold Sédar Senghor qui ne craint pas de proclamer : “J'arracherai tous les rires Banania des murs de France”.
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Un livre que l'on devrait tous lire et donner à lire à nos enfants, plus que jamais utile pour assumer les dérives et les erreurs de la colonisation, pour savoir précisément ce que c'est que la colonisation et ce qu'elle a produit et produit encore. Parce qu'un pays ne peut pas avancer s'il ne reconnait pas ses erreurs et ne les assument pas. On apprend comment l'histoire était enseignée dans les colonies et l'on peut que se rendre compte du ridicule de la situation. Comment croire que demander à des africains d'apprendre que leurs ancêtres sont les gaulois peut donner quelques choses de positifs ? Ca ne peut que donner des êtres déracinés qui ne savent plus ce qu'ils sont, d'où ils viennent , difficile alors de se bâtir une personnalité, de se construire.

Ce livre est très riches en illustrations et documentations diverses et d'époques surtout : documents de l'époque, manuels scolaires, planches pédagogiques de « L'Office colonial scolaire », cartes géographiques et économiques, photos … Une véritable leçon d'histoire et peut être aussi un avertissement pour ne pas recommencer , car il m'est apparu évident que le discours politique actuel fait écho aux termes employés à l'époque coloniale ainsi qu'aux idées qui vont avec.

L'école des colonies, celle qui était chargée d'inculquer à une minorité d'indigènes – 48 millions d'habitants d'Afrique subsaharienne, d'Asie, d'Océanie, des Antilles ou du Maghreb – les bases pour devenir des serviteurs zélés de la République, des producteurs dociles ou de bons soldats, à défaut d'en être des citoyens à part entière.

J'ai été profondément choquée par la stigmatisation des races , la race blanche étant toujours celle des intelligents ensuite celle des jaunes puis celle des noires en bas de l'échelle, choquée des exemples donnés et le degré de formatage aussi, c'est un véritable lavage de cerveaux . “Le savoir transmis était celui de la stigmatisation, de l'infériorisation de ceux auxquels on s'adressait.”

VERDICT

Un livre utile et choc , magnifiquement documenté et qui fait le point sur les désastres de la colonisation et permet de comprendre la détresse actuelle dans laquelle se trouve certains déracinés à qui on a inculqué des inepties. Ne passez pas votre chemin c'est un livre important .
Lien : https://revezlivres.wordpres..
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critiques presse (1)
Liberation
21 décembre 2015
Dans ce livre, on pourrait passer des heures, happé par les photos et les dessins autant que par les textes.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Une grande puissance comme la France ne peut se passer de colonies. Les colonies constituent un marché important où la métropole se procure à bon compte les matières premières et les produits alimentaires dont elle a besoin…
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Aux hommes qui gardent quelque lucidité et quelque sens de l'honnêteté, nous disons : il est faux que l'on puisse défendre la liberté ici en imposant la servitude ailleurs. (Benjamin Perret - André Breton)
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Je pars dans la lueur des incendies, dans les hurlements des martyrs, moi qui était venu là pour apporter la lumière et la poésie.
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En donnant l’illusion à nos protégés qu’ils peuvent être nos égaux, on ne fait que fabriquer des déclassés, des aigris.
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Vidéo de Didier Daeninckx
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