SUBLIME OPUS SUR LE DZOGCHEN ET L'ART TANTRIQUE DU TIBET
Voici un ouvrage coupant comme le diamant : mais qui s'y frotte, s'y pique. Il n'est pas vraiment destiné au grand public de par son aspect technique, mais plutôt aux pratiquants du Vajrayana. On y trouve quelques mielleuses, dévotes et respectueuses emphases, formules et extases typiquement tibétaines envers les gurus du passé, et notamment envers Sa Sainteté Dudjom Rinpoché.
Dudjom Rinpoché est encore profondément respecté dans sa mort, et chaleureusement fêté mémoriellement. D'ailleurs,
Tenzin Gyatso le XIVème
Dalaï-Lama, adresse une supplique – carrément – à
Dudjom Rinpoché, afin qu'il vienne renaître au plus vite parmi les siens.
A ce sujet,
Dudjom Rinpoché n'était pas n'importe qui : outre le leader spirituel de sa lignée et de sa tradition, il était considéré comme un Vidyâdhâra (« détenteur de la connaissance ») et un Tertön, c'est-à-dire un dénicheur de « trésors spirituels » (les Termas) cachés par l'initiateur Padmasambhava (Guru Rinpoché) et ses successeurs, dans les montagnes tibétaines. Bref,
Dudjom Rinpoché était une montagne à lui tout seul.
Cependant, rendons à César ce qui lui appartient : je dois vous informer que
Patrick Mandala a accompli pour ce livre un travail exceptionnel et inspiré de traduction, travail précis complété d'explications dans le texte et dans les notes, et de mises en forme et présentations de ces Instructions essentielles de
Dudjom Rinpoché. J'ai trouvé ce travail du traducteur particulièrement poussé et aussi précieux que l'opuscule du maître Dzogchen. Remercions donc
Patrick Mandala.
Ensuite ! La première partie du livre – car il est fait de deux parties : la première est une traduction, et la seconde une création – est dédiée aux enseignements de
Dudjom Rinpoché sur la tradition de la Grande Perfection, appelé Dzogchen – assez similaire au Ch'an chinois, mais avec une facette tantrique. C'est exquis. C'est concis, encore. J'ai appris une foule de choses que je connaissais pas du bouddhisme, mais aussi de ce bouddhisme tantrique tibétain, « secret », initiatique, poétique, et débordant de louanges et d'hommages outrageusement pompeux où les maîtres sont tels des dieux vivants.
On se rappellera toutefois que
Dudjom Rinpoché a déjà donné de semblables instructions, plus accessibles, dans cet autre livre :
Dudjom Rinpoché –
Petites instructions essentielles.
Cependant, pour ce livre-ci, il vous faudra d'abord être familier du jargon tibétain, du bouddhisme tibétain, du bouddhisme Vajrayana et du Dzogchen, bien que
Dudjom Rinpoché aille droit à l'essentiel : ainsi pour venir à votre secours, je vous suggère deux lectures : d'abord l'ouvrage généraliste de référence, excellent, de Kyabdjé
KALOU Rinpoché –
La Voie du Bouddha selon la tradition tibétaine; puis celui du très grand Patrül, nettement moins occidental mais aussi indispensable et carrément révéré par tous les pratiquants du bouddhisme tibétain : celui du maître errant Patrül Rinpoché – le chemin de la grande perfection. Il y a aussi cet ouvrage qui essaie tant bien que mal d'y voir plus clair :
Judith ALLAN +
Julia LAWLESS –
le Dzogchen, voie du bouddhisme tibétain
Pour une découverte du Dzogchen, destinée à des débutants déjà initiés dans cette voie, ces cinquante pages suffiront amplement à les renseigner sur l'objet de leur quête. Dans son ouvrage, Sa Sainteté Dudjom Rinpoché nous enseigne subtilement sur La Nature-de-Bouddha (et ses Cinq Corps ou Principes de Bouddha); puis des Six Véhicules des Tantras, et enfin nous donne quelques pages d'Instructions Spirituelles… tirées du livre de
Dudjom Rinpoché, cité plus haut.
Quant à la seconde moitié de l'ouvrage – nommée « Connaissance de l'art – Connaissance de soi : Symbolique des Mandalas et art tantrique tibétain » – elle est directement écrite de la main de
Patrick Mandala et porte sur l'art tibétain. Je craignais, je ne sais pourquoi, cette seconde moitié : mais cet idiot d'a priori s'est vite envolé quand j'ai constaté, encore une fois, l'investissement et la qualité des efforts de
Patrick Mandala à ce sujet. C'est somptueux, et là aussi et encore, concis. L'auteur nous montre que l'on peut se révéler en révélant la connaissance de soi cachée dans les oeuvres d'art, tels des miroirs, qui demandent au préalable une connaissance de l'art tantrique tibétain. L'art bouddhiste est donc une autre porte d'entrée… vers soi !
Tout d'abord, en une vingtaine de pages
Patrick Mandala relie l'art tantrique tibétain à l'Art tout court et à l'art occidental, agrémentant le tout de citations poétiques et spirituelles : j'ai trouvé cela très bien vu et senti, et nécessaire.
Patrick Mandala est un passionné d'art qui le comprend avec finesse et avec une érudition non feinte. C'est une partie passionnante et très intelligente.
Puis il explique et commente l'art tantrique tibétain choisi, mais s'efface derrière les oeuvres d'art. Il passe en revue les « xylographes » : ils sont conçus en dessinant puis en taillant la surface de bois afin que ressorte le graphisme du dessin, pour qu'ensuite on l'imprime à l'encre de Chine, sur du papier épais par exemple. La précision des oeuvres et la qualité d'impression sont époustouflantes : c'est fin, extrêmement détaillé, et maîtrisé. Dans cet « artisanat », la moindre erreur se voit automatiquement !
Patrick Mandala nous fait ainsi découvrir les Cinq Mandalas du Bouddha. Puis ce sont dix dessins de déités et de maîtres tibétains qui sont examinés (c'est superbe); s'ils avaient été peint sur de grandes toiles, on les aurait appelés Thankgas. Et enfin, c'est au tour de trois statues de bronze, également caractéristiques de l'art tibétain.
De ce côté-là, un ouvrage pleinement dédié à cet art tantrique du bouddhisme tibétain serait bienvenue ! Il existe également un monument dans le genre de Lama
Cheuky Sèngué (
François JACQUEMART) –
Petite encyclopédie des Divinités et Symboles du bouddhisme tibétain
Au bout du compte, cela donne un ouvrage en apparence modeste, mais surprenant et tout à fait exquis, érudit, passionné, et précieux comme je l'ai déjà dis. Ce coup de coeur file dans mon TOP 20 ! Lisez-le et appréciez à sa juste valeur !
Je vous souhaite une excellente lecture !
ZUIHÔ.
Lien :
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