Voici un album issu de quatre nouvelles des
Lettres de Mon Moulin qui n'est pas extraordinairement bon à mes yeux et je tiens à m'en expliquer. Un rapprochement thématique ? Point. Nouvelles hétéroclites sans rapports entre elles. Une recherche particulière dans l'illustration ? Bof, bof, ça ne fait pas frétiller mes rétines. Alors d'où peut provenir cet album ?
Ingrédient n°1, prenez le nouvelle la plus " bankable " (comme on dit désormais) du recueil, à savoir,
La Chèvre de Monsieur Seguin, histoire d'assurer des ventes. Ingrédient n°2, sous couvert de faire découvrir des nouvelles moins connues du recueil, vous piochez au hasard dans le milieu et vous en extirpez trois, peu importe lesquelles. Ingrédient n°3, vous bâclez des illustrations à la va-comme-je-te-pousse pour boucler un album dans les temps.
Vous mélangez le tout énergiquement dans un grand bol Tupperware et vous obtenez... ça. Alors évidemment, elle tient toujours la route cette histoire de
la Chèvre de Monsieur Seguin. Voici donc notre brave monsieur Seguin, habitant auprès des pré-Alpes provençales, a déjà perdu nombre de chèvres qui, ayant jugé bon d'aller brouter l'herbe sauvage des versants plutôt que les pousses chétives et rébarbatives du clos, ont fini par s'échapper et terminer entre les crocs dévastateurs du loup qui hante ces montagnes.
Monsieur Seguin, résolu à essayer, une nouvelle et dernière fois, d'élever une chèvre se décide à la prendre jeune et malléable afin qu'elle s'habituât mieux à la captivité et aux contraintes de la vie simple et monotone que pouvait lui offrir le bonhomme.
La petite Blanquette a pourtant tout pour plaire : un bon caractère, une belle allure… Mais résistera-t-elle aux attraits de la montagne et de la liberté, si alléchante, vue d'en bas ?
Une belle fable à méditer, qui peut avantageusement être lue en relation avec la fable de la Fontaine, le Loup Et le Chien, sur les avantages et les inconvénients de la domesticité et de la liberté sauvage.
La seconde nouvelle, le Curé de Cucugnan, qui est déjà un peu moins al dente et pourrait vaguement faire penser à un conte philosophique, est une sorte de Divine Comédie à l'envers. Un brave Monsieur Martin, curé de la paroisse de Cucugnan se désole du peu de foi et de moralité de ses ouailles. Il décide alors, pour promouvoir quelque peu la vertu, de leur parler de certains de leurs aïeux qu'il serait allé visiter aux cieux, tel
Dante.
Sauf que notre brave curé de Cucugnan, probablement trop confiant en la nature humaine, a commencé lui son voyage par le Paradis, puis a été contraint d'ouvrir les portes du purgatoire pour finalement terminer la balade dans les tavernes de L'Enfer. À chaque fois, il posait la même question aux gardiens des lieux : " Avez-vous parmi vous des gens de Cucugnan ? " Je vous laisse découvrir où prolifèrent les trépassés Cucugnanais...
Dans
Les Trois Messes Basses,
Alphonse Daudet continue d'étriller l'Église (un peu dans le genre de L'Élixir du Révérend Père Gaucher, voilà un rapprochement qui eût été pertinent, Mesdames et Messieurs de chez Équinoxe, mais je dis ça comme ça). On y rencontre donc Dom Balaguère, un prêtre qui se soucie bien plus de sa panse que des choses de la religion et qui, un soir de Noël, se la bourrera, sa panse, jusqu'à s'en faire éclater... Gare à la sentence divine !
La dernière nouvelle du recueil est une apologie du poète
Frédéric Mistral, archétype, selon Daudet, du poète occitan. On y lit une franche prise de position de l'auteur pour la préservation du patrimoine culturel régional, un peu comme dans
le Secret de Maître Cornille.
Bon, c'est sûr,
Alphonse Daudet a toujours ce verbe alerte, ces mots pétillants et ces formules ensoleillées qui sont fort agréables à lire et relire. de vous à moi, vraiment, cet album n'est pas trop folichon. Mais ceci étant dit, cela reste à voir car ce n'est là que mon avis, un souffle même pas provençal dans les ailes d'un moulin digne de
Don Quichotte, autant dire, pas grand-chose.