Ma première incursion dans le monde paysan au cours du premier conflit mondial remonte à mon adolescence avec le roman "
Des grives aux loups" de
Claude Michelet. Et ça avait été une véritable découverte. Mais il faut reconnaître effectivement que la saga de Michelet était plutôt « masculine ». La présentation du roman de
Raphaël Delpard promettait de combler cette lacune en mettant dans la lumière toutes ces femmes, et plus spécifiquement, Louise, dont le jeune époux se voit appelé au front, laissant le jeune femme totalement démunie face à la gestion de la ferme familiale. Mais voilà, tout se révèle beaucoup trop simple pour moi.
Le roman s'annonce ainsi comme une sorte de roman initiatique. Mais tout va trop vite à mon goût. Certes, Louise se retrouve confrontée à de multiples problèmes d'intendance qui la dépassent mais qui trouvent en un temps éclair des solutions d'une simplicité parfois déroutante. Alors oui, on imagine bien que la solidarité ait pu intervenir durant cette période entre les femmes contraintes d'endosser le rôle de leurs époux mais je doute que les choses aient pu se révéler aussi faciles. L'intrigue de ce côté manque pour moi de complexité. En effet, je m'étais attendu à des rivalités, des coups fourrés entre ces femmes pour qui s'en sortir ne relevait pas forcément de l'évidence. Or, là, elles se donnent systématiquement des coups de main sans contreparties. Ou plutôt avec certaines contreparties immédiatement oubliées, ce qui laisse apparaître dans l'intrigue, parfois, des incohérences. Un exemple parmi d'autres : des religieuses viennent donner un coup de main pour la moisson. Leur mère supérieure précise à Louise que tout est arrangé avec l'une de ses amies pour leur dédommagement. On imagine soit une question d'argent soit un pourcentage sur la récolte… Et pourtant, cela ne revient jamais sur le tapis alors qu'on apprend que Louise a vendu l'intégralité de la moisson et qu'elle a gagné moins que ce dont elle avait besoin pour payer une autre de ses voisines… Ce flou dans l'histoire m'a personnellement gêné, d'autant qu'il y a eu d'autres incohérences de ce type.
J'ai parfois eu l'impression que le prétexte de l'histoire était avant tout de suivre le personnage de Louise dans l'apprentissage de son émancipation vis-à-vis d'une société où les hommes règnent en maîtres. Compte tenu de cela, le contexte historique m'est apparu finalement secondaire, l'intrigue et les thématiques abordées pouvant être transposées à toute autre époque moderne (par exemple, l'histoire de la mère de Louise). C'est, je crois, cela qui m'a le plus gêné et a fait que ce roman ne m'a pas complètement séduit.
Malgré cette déception, il y a eu quelques satisfactions mais étrangement, dans un roman qui se voulait mettre en avant les femmes, la plupart de ces passages furent liés à des personnages masculins. Ainsi, le récit fait par Fabien Lagrange, revenu quelques jours des tranchées en permission, montre bien le degré d'insouciance avec laquelle la France semble avoir envisagé ce conflit franco-allemand qui ne devait, selon elle, durer que quelques mois. le contraste avec le retour de combattants à la fin de la guerre est alors terrible dans la mesure où on découvre alors ce que la guerre a causé comme séquelles physiques mais aussi psychologiques. La scène des retrouvailles entre anciens combattants (Justin et Constantin) où tout se dit en silence car finalement qui peut comprendre l'incompréhensible s'il ne l'a pas vécu. En cela,
Raphaël Delpard réussit à bien rendre ces destins anéantis par quatre années d'horreur. On apprécie également l'histoire de Marguerite Schneider, autre facette importante du conflit et dont les conséquences furent sans doute encore plus difficiles à vivre. Mais je vous laisse la découvrir par vous-même.
Au final, un roman qui se lit agréablement même si, du côté historique, j'aurais bien aimé une intrigue un peu plus complexe concernant la vie à l'arrière et le destin de ces femmes.
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