Sans doute les seuls moments heureux que passera malgré la maladie, cet Algérois en exil forcé à Oran, coupé de sa ville comme de ses racines, de sa mère, de ses amis d'Alger, de sa troupe du Théâtre de l'Equipe et de la librairie Charlot, ce seront, au printemps, ces fuites à bicyclette vers les plages de Canastel où "le soleil et le vent ne parlent que de solitude". En été, vers celle de Aïn-el-Turck, de la Madrague, de Cap Falcon, des Dunes et de Trouville où les parents de Manette Chaperon, la cousine germaine de Francine, possédaient une villa au 2, rue de la Pêcherie. Sur ce plateau recouvert d'asphodèles, il lui semble alors que le paysage vibre dans la douceur subite du soir, entre la naissance et la mort, entre la beauté et la mélancolie.
Une autre photo signe sa présence dans la ville, ici même dans l'appartement, près de la cheminée de marbre noir ou trône , souverain et tranquille, le petit Bouddha. Tournant le dos à la rue d'Arzew, cigarette aux lèvres , la main gauche dans la poche, il est debout contre la balustrade de la fenêtre dont l'ombre torsadée se projette sur le sol. Le réverbère derrière lui est toujours là, suspendu au-dessus de la rue.
« Ilots de lumières dans la ville obscure vers lesquels un peuple d’ombres convergent comme une assemblée de paramécies en proie à un héliotropisme » (Carnets II 1942-1945 page 71)
Vendredi 8 mai 2009
Abdelkader Djemaï, romancier franco-algérien, vivant en France depuis 1993 après avoir dû fuir la guerre civile en Algérie, évoque l'exil contraint de l'écrivain, à travers la figure d'Albert Camus et sa propre existence. Il est l'auteur de Camus à Oran (1995) ; dernier roman paru : Un moment d'oubli (Seuil, 2009) dans le cadre du banquet de printemps 2009 intitulé " Exils et frontières"
Abdelkader Djemaï : Né à Oran en1948, Abdelkader Djemaï a été enseignant, journaliste et écrivain en Algérie.
Il arrive en France en 1992, devant fuir la guerre civile algérienne, car il est menacé de mort.
Son expérience lui inspire ses nombreux romans et récits.
Son enfance et la guerre civile en Algérie constituent les thématiques de plusieurs de ses romans ; Eté de cendres (1995), Sable rouge (1996), 31, rue de l'Aigle (1998) qui forment une trilogie autour de la tragédie algérienne, ou encore Camping (2002). de même, le roman-photo : Un taxi vers la mer (2007) sur l'enfance en Algérie.
Ensuite le déracinement, l‘exil et l'errance inspirent : Gare du Nord (2003), le Nez sur la vitre (2005) et enfin Un moment d'oubli (paru au Seuil cette année).
La littérature française constitue pour lui un point d'appui essentiel. Et notamment la figure d'Albert Camus qui a lui-même vécu à Oran, est déterminante. Il a écrit Camus à Oran.
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