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Eliana Machado (Traducteur)Vitalie Lemerre (Traducteur)
EAN : 9782330150761
160 pages
Actes Sud (05/05/2021)
3.92/5   33 notes
Résumé :
Dans un immeuble de São Paulo, un professeur de biologie souffre des nuisances sonores provoquées par Ygor, son voisin du dessus. L’ énervement vire à l’obsession et tout l’insupporte : la musique, le téléphone, les voix, les grincements du sommier ; la vie, quoi…
Les tentatives pour régler le problème ne font qu’accroître l’animosité entre les deux hommes. Avec la haine, irréversible, vient la volonté de vengeance. Profitant de l’absence annoncée du voisin, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Ce livre de la brésilienne Patricia Melo pourrait s'intégrer à merveille dans le film argentin sorti en 2015 « Les nouveaux sauvages » de Damian Szifron. Un film truculent composé de plusieurs courts métrages mettant en valeur des « pétages de plomb » diaboliques à souhait, présentant différents éléments de contexte pouvant faire sortir n'importe qui de ses gonds et mener à la folie. Mettant en valeur l'engrenage implacable permettant à une personne de franchir la frontière séparant le monde civilisé de la barbarie. Si vous connaissez ce film, pour ma part, ma scène préférée est celle liée à ces deux hommes s'entretuant en plein désert…Quoique celle du mariage n'est pas mal non plus…Dès les premières pages du livre, j'ai pensé immédiatement à ce film qui m'avait tant marquée, vivant tous plus ou moins à la lisière de la folie.

Ici il est question du bruit, du bruit qui rend littéralement fou. En l'occurrence le bruit de plus en plus insupportable, qui agit tel un poison, de ce nouveau voisin, Ygor, voisin du dessus dont les pas, les gémissements coïtaux, les rires, les déplacements de meubles, en pleine nuit, obnubilent notre narrateur, professeur de biologie. Ygor est l'antithèse du narrateur : physique de sportif, jolie petite copine asiatique, voiture de sport rutilante, tandis que notre narrateur dépressif, vivote aux côtés d'une femme délavée, terne, qui se tue à la tâche en tant qu'infirmière en soins palliatifs. Les somnifères lui permettent, à elle, de se tenir à l'écart des bruits menaçants. Notre narrateur est excédé au point de vouloir espérer la disparition de ce voisin. Oui, ce livre, tout comme le film susmentionné, montre l'engrenage implacable aboutissant à la conclusion funeste, le déferlement de violence causé par un détail du quotidien, répété, duquel on ne peut s'extraire, le bruit entrant en nous comme l'air dans les poumons. Fatalité. Et une fois le combat commencé pour se venger, impossible de s'arrêter tant notre homme perd le contrôle de sa vie.

La première partie du livre montre ce déferlement de haine et de violence, depuis les premiers coups de balai au plafond, donnés énergiquement par notre narrateur jusqu'à en effriter le plâtre, jusqu'à la solution radicale, à savoir l'issue meurtrière. La seconde partie met en lumière les conséquences de l'acte tragique, l'emprisonnement de notre narrateur ainsi que le départ de sa femme. Et surtout le procès où deux thèses vont être présentées au juré : notre homme est-il un monstre de plus dans la société brésilienne particulièrement violente, pour lequel la défense a bon dos d'invoquer la folie, personne n'étant coupable de rien, la faute revenant à l'organisme ; ou est-il réellement atteint d'une maladie, en l'occurrence une schizophrénie audiogène, provoquée par des sons et des bruits divers ?

« Il n'y a plus de silence dans les villes comme la nôtre. Des villes comme la nôtre sont acoustiquement hystériques et nocives. Il y a de la musique dans les ascenseurs et les supermarchés. Dans les magasins et les parcs. Quand le bruit envahit notre maison, notre paix, il agit comme un voleur qui nous vole et nous viole, sans pitié. On nous prend nos biens les plus précieux : notre paix et notre raison. Nous réalisons à quel point le bruit est maléfique seulement quand une tragédie comme celle qui est arrivée à mon client fait surface ».

Le titre du livre fait référence à la Bible, Gog et Magog sont en effet un personnage et un lieu du livre d'Ezéchiel. Les peuplades païennes Magog vivent « au nord du Monde », et représentent métaphoriquement les forces du Mal. le couple « Gog et Magog » aurait dès son premier usage biblique un sens de fléau mythique et infernal. Dans un pays à dominante évangéliste, l'auteure fait ainsi référence à cette figure pour présenter la barbarie, le Mal, avec un grand M. L'antéchrist. Toute la question étant de savoir où se niche le Mal…dans notre homme ? en Ygor, le diable, c'est bien connu, se cachant dans les détails ?

Ce livre est également une dénonciation passionnante et acerbe de la violence au Brésil, de sa justice, et du système éducatif, carcéral, politique, éducatif, religieux brésilien. L'air de rien Patricia Melo pique là où ça fait mal et dresse un portrait au vitriol de l'état de son pays. C'est également une réflexion douce-amère sur le sexe en prison, le rôle de la poésie également, et de la liberté…notre homme n'est-il finalement pas plus libre en prison que lorsqu'il était dépressif dans son appartement ?
Et surtout une belle ode au silence, à ses vertus réparatrices et méditatives, notre homme arrivant peu à peu, en prison, à savourer le silence, à savoir faire silence en lui et à user de son esprit pour se balader, voyager dans l'espace et dans le temps, un passage d'ailleurs particulièrement réussi.

« Passé dix heures du soir, quand les lumières s'éteignaient et que le silence s'installait dans le pavillon – un silence humide, organique, vivant, comme le silence de la forêt – je fermais les yeux, je fouillais au fond de moi, je m'y enterrais vivant. Et je partais. Souvent je me voyais marcher jusqu'à la boulangerie, comme je le faisais tous les matins, pour acheter du pain frais. Une courte promenade, de deux pâtés de maisons, sous le ciel incolore de la ville, passant par une petite place qui vivait sous la domination d'un figuier centenaire, dont les racines avaient éclaté le pavement tout autour. J'aimais admirer ses branches se répandant sur le ciel comme un cancer agressif. D'autre fois, j'ouvrais une bière et savourais chaque gorgée (…) Pour celui qui sait rêver, la réalité est négligeable, comme un mauvais film ».

Une écriture simple sans fioriture, un livre agréable à lire sur une thématique bien amenée et bien ficelée, une dénonciation franche et claire, « Gog Magog » est une lecture plaisante et dépaysante.
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Matthieu 19:19
“et tu aimeras ton voisin comme toi-même “( euh... j'ai un peu modifié le verset ...),
Apparemment ici Ygor n'entre pas dans la catégorie du voisin “à aimer”, vu le boucan qu'il déclenche « en vivant » au dessus de notre prof de biologie, notre narrateur, un boucan qu'il défend bec et ongle avec une logique impeccable, “....., ce que vous voulez c'est que je n'existe pas. Vivre fait du bruit..... Ce que vous, monsieur, appelez du bruit, ....c'est moi en train de vivre. Je ne peux pas vivre en mode mute, vivre en chuchotant, vivre au volume deux, et en pantoufles”. le conflit s'envenime jusqu'à devenir criminel.... Nous voilà embarqués dans une histoire diabolique où notre prof de biologie va croquer la pomme comme Ève , "....si nous déclenchons l'action, si nous croquons une première fois, comme Ève, nous ne sommes plus maître de notre vie. Une autre force se met à l'oeuvre, et son nom est fatalité", et à partir de là à perdre tout contrôle sur sa vie.
Une première rencontre incandescente bariolée d'humour avec l'écrivaine brésilienne Patricia Melo . Une histoire policière dont le narrateur-protagoniste présenté par la justice comme un Gog Magog ("Gog Magog, dans le livre de la Révélation…c'est Satan en personne ")au public, se livre à nous en fin analyste et psychologue avec réflexions et passages savoureux sur son aventure qui le mènera jusqu'en prison. Quand à Melo, elle en profite pour passer au vitriol la société brésilienne, y dressant un état des lieux actuel du pays, avec son système d'éducation, ses hôpitaux, sa justice, ses prisons, sa forte délinquance juvénile et sa forte délinquance tout court qui ont fait régresser le pays à jamais . Un livre brillant, bien écrit , bien traduit, qui en vaut le détour.


« Je n'ai pas l'oreille absolue comme certains musiciens, ni l'ouïe sensible comme celle des chiens, mais je n'ai jamais compris pourquoi le bruit n'est pas considéré comme une arme blanche efficace. »

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Marta et son mari, le narrateur, sont des premiers de cordée: elle est infirmière, il est prof; métiers altruistes, tournés vers les autres, de ceux qui tiennent une nation.
Mais que sont les autres pour nous? Patricia Melo, autrice brésilienne, répond en un éclat de rire grinçant : des emmerdeurs. le narrateur n'aime rien tant que faire grève, pour rester chez lui. Malheureusement, son foyer n'a plus le confort habituel depuis qu'un nouveau voisin du dessus a emménagé et s'avise de vouloir vivre. Or les vivants font du bruit et, les oreilles n'ayant pas de paupières, notre pauvre professeur doit subit le martèlement des talons et les ahanements de l'amour. Et nous, lecteurs, blottis sur le canapé, comme nous le comprenons, cet homme, comme nous compatissons ! Il n'est d'ailleurs pas interdit de penser que nous éprouvons une douce jouissance quand le voisin est finalement trucidé et démembré et que s'installe un bienheureux silence.
Bon, bon, la morale bien sûr sera sauve et l'assassin chatouilleux du tympan dûment emprisonné après avoir été quitté par sa femme.
Mais il faut imaginer notre héros heureux: en prison, abruti de cachets, il dort. Il ne fréquente plus que des individus semblables à lui (des délinquants de la classe moyenne). Il excelle dans son travail depuis qu'il doit fabriquer des robinets sans devoir affronter des élèves turbulents. Il faut l'imaginer heureux car les autres ont disparu et son monde ne contient plus que son moi délivré de toute contrariété.
Gog Magog: la coalition des nations contre le royaume du Christ, selon la Bible. Mais dans notre monde, il n'est d'autre Dieu que l'individu ni d'autre Antichrist que le voisin bruyant, l'épouse insatisfaite, le commerçant suspicieux, tous ces autres avec lesquels il faut sans cesse composer et qui se liguent pour nous arracher à la douce torpeur de notre foyer.
A mi-chemin entre « Wilt » de Tom Sharpe et « L'Étranger » de Camus, ce court roman est aussi drôle que terrifiant.
Vous n'êtes évidemment pas obligés d'être de mon avis mais je tiens à préciser que j'ai une tronçonneuse rangée dans mon garage.
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Je découvre Patricia Melo, l'autrice brésilienne (née en 1962) avec ce roman de 2017 au titre intrigant. Gog Magog est une référence biblique à l'affrontement ultime entre le bien et le mal, quand tout dialogue est devenu impossible. Ce roman drôle et terrible raconte comment un homme ordinaire exaspéré par les bruits de son nouveau voisin, s'embarque dans une spirale diabolique de haine.

"Je n'ai jamais compris pourquoi le bruit n'est pas considéré comme une arme blanche efficace."
Le narrateur, anonyme, a cinquante-quatre ans. Il est professeur de biologie et vit à São Paulo avec son épouse Marta qui est infirmière. Son métier l'ennuie, il enseigne à des analphabètes menaçants ; sa femme qui soigne les moribonds et les photographie ne l'écoute plus quand il se plaint. La nuit, elle prend des psychotropes et sombre dans une espèce de coma. Lui prend son balai et cogne dans le plafond. Ygor avec un Y lui met les nerfs à vif avec son barouf , ses gémissements érotiques avec sa copine, sa musique « blasphématoire », ses appareils électriques, sa télévision, ses pas « du diable » qui martèlent sans discontinuer : "Toc toctoc toctoc".... le narrateur le déteste tant qu'il souhaite sa mort. Il imagine qu'il pourrait payer Eder un de ses élèves, une grande asperge avec de l'herbe sur la tête. Ce serait très facile, plutôt commun. Mais bon ensuite Eder pourrait le faire chanter et donc il faudrait payer un autre gamin pour éliminer le premier etc. En attendant, le narrateur et Y échangent des noms d'oiseau : X raye la voiture de Y, Y crève les pneus de X. Et puis le chat noir du narrateur disparaît. Il récupère les clés de l'appartement d'Ygor. Il fouille allègrement partout et tombe sur un revolver dans un tiroir. C'est alors que Monsieur Ipsilon, revient à l'improviste...

Le roman est alerte et grinçant. On se met à la place de ce brave professeur anonyme qui enseigne et évalue ses élèves sous la menace et voudrait enfin avoir la paix quand il rentre chez lui. Ses rêves de meurtre sont racontés au début sur le ton de la plaisanterie. le gars est ma foi bien sympathique et nous compatissons grandement. L'arrivée du chat noir change la donne (les références à Edgar Poe sont nombreuses). le texte toujours réaliste flirte désormais avec le fantastique. Il devient plus noir, plus sarcastique et bien plus pervers. Patricia Melo met à nu les tensions, les divisions extrêmes de la société brésilienne et tous ses dysfonctionnements structurels. Et elle le fait avec grand talent à travers l'oeil peu fiable et de plus en plus détaché d'un narrateur que nous aimons bien. On suit ses aventures à l'hôpital, abruti de médicaments ; en prison avec les délinquants en col blanc et au tribunal, grand moment, avec beaucoup de plaisir. On aimerait qu'il s'en sorte malgré nous et malgré lui, âmes égarées que nous sommes. Qu'il trouve la paix et le silence, celui qui permet de penser et de s'ouvrir à l'autre...


-Bref je rec..
-Chut !
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Tout d'abord, réglons le problème , ou l'énigme plutôt du titre. Gog et Magog sont deux personnages du livre d'Ezéchiel . Voilà, cela ne nous avance pas mais c'est dit.

A Sao Paulo, dans un immeuble habité par les classes moyennes faute de mieux , un professeur de biologie est irrité par le boucan du voisin du dessus. Les deux hommes ne s'apprécient pas à un point tel que le professeur de biologie accuse son voisin de lui avoir kidnappé son chat. Pendant ce temps , Marta , femme du prof , se fait de plus en plus distante.

Premier livre pour moi d'une auteure brésilienne et le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle ne donne pas forcément envie de vivre au Brésil. le versant d'un coteau , les fleurs sauvages , le petit village , tout ça , tout ça ...ce n'est pas pour ce livre .
Ici , les profs sont en insécurité constante, le crime est banalisé , la corruption est monnaie courante (mais pas qu'ici :)), le système carcéral ne semble pas des plus sécurisé.
Plongée donc dans un Brésil peu enthousiasmant dans une histoire qui elle l'est , qui en tous les cas accroche le lecteur . Que ce soit l'intrigue initiale entre voisins ou la deuxième partie , plus psychologique , aucun ennui et des interrogations quand à l'issue de l'intrigue !
Une découverte sympa !
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critiques presse (1)
RevueTransfuge
08 juin 2021
Gog Magog de Patricia Melo est une impitoyable petite machine perverse. Dont on ne sort pas indemne…
Lire la critique sur le site : RevueTransfuge
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
......l’homme n’est libre que dans l’inertie. Jamais plus je n’ai cessé de considérer que les Grecs peuvent bien être dans la merde de nos jours, ils avaient raison quant au destin. Désormais, je sais que l’unique et infime part de libre arbitre que nous possédons, nous mortels, réside dans la décision d’entamer une action. En fait, nous avons deux choix, rien que deux. Nous pouvons croquer la pomme. Ou rester inertes comme les pierres. Le libre arbitre n’est rien d’autre : pomme ou pierre. Nous pouvons être une pierre dans le champ. Ne pas créer ni tenir négoce, comme l’enseigne Épicure. Cependant, si nous déclenchons l’action, si nous croquons une première fois, comme Ève, nous ne sommes plus maîtres de notre vie. Une autre force se met à l’œuvre, et son nom est fatalité.
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Le silence a de nombreuses qualités, je m'en apercevais. Cela peut être un silence de machine, comme celui des hôpitaux. Cela peut être un silence de pierre. Comme dans le désert. Ou un silence animal, le fauve qui respire, menaçant. Cela peut être encore un silence qui vient d'en-haut, ou du passé, étouffant, comme le ciel chargé de nuages qui apporte la tempête. Ou un silence qui s'élève, comme l'éther, nous transportant au ciel.
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“Le problème des femmes brésiliennes, disait-il, c’est qu’une grande partie de la population masculine du pays est incarcérée. Dans très peu de temps, si la situation continue de progresser à ce rythme, nous aurons plus d’hommes en prison qu’en liberté au Brésil. Comment les Brésiliennes vont-elles faire ? Ce que Rúbia, très maligne, est déjà en train de faire : apprendre à nous aimer. S’éprendre d’un homme honnête, disait-il, va être un truc de femme perverse.”
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L'amour, pour les esprits cartésiens, est toujours ridicule. Pour la science, il s'agit d'un torrent de phényléthylamines. De hauts niveaux de dopamine et de norépinéphrine. Des phéromones, pour celui qui y croit.
Pour moi, l'amour est la preuve que nos molécules cytoplasmiques savent écrire des rimes. Du coup, les poètes ne me manquent plus. L'amour, c'est vrai, se substitue à la poésie.
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je n’ai pas l’oreille absolue comme certains musiciens, ni l’ouïe sensible comme celle des chiens, mais je n’ai jamais compris pourquoi le bruit n’est pas considéré comme une arme blanche efficace.
(incipit)
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