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Citations sur Manhattan transfer (89)

Elle s'installa , heureuse, sur la banquette de cuir du taxi, respirant à pleins poumons l'air matinal aux senteurs de rivière. Le chauffeur lui sourit jovialement quand il eut fait glisser le malle de dessus son dos sur le marchepied.

   "Pas légère, miss.

    - Je regrette que vous ayez eu à la porter seul.

    - Oh ! J'peux en porter de plus lourdes. 

    - Conduisez moi à l'hôtel Brevoort, 5è Avenue, près de la 8è Rue."

  Quand il se pencha pour mettre le moteur en marche, l'homme repoussa sa casquette, laissant retomber sur ses yeux ses cheveux roux bouclés.

   "Ça va , j'vous conduirai où vous voudrez", dit-il. Et il sauta sur le siège dans le taxi trépidant. Quand ils débouchèrent dans la lumière ensoleillée et vide de Broadway, un sentiment de bonheur s'éleva en elle en sifflant comme une fusée. L'air la fouettait au visage, frais, excitant. Le chauffeur lui parlait par-derrière, par la fenêtre ouverte. 

   "J'pensais que vous alliez prendre un train pour vous en aller quelque part, miss.

    - Je m'en vais bien quelque part.

    - Ça sera une belle journée pour s'en aller quelque part.

    - Je me sauve de chez mon mari." 

  Les mots lui échappèrent avant qu'elle ait pu les retenir.

   " Il vous a fichu dehors ?

    - Non, je ne peux pas dire ça, dit-elle en riant.

    - Moi, ma femme m'a fichu dehors, il y  a trois semaines.

    - Comment ça ?

    - Elle a fermé la porte à clef une nuit que je rentrais tard et elle a refusé de m'ouvrir. Elle avait fait changer la serrure pendant que j'étais à travailler.

    - Tiens, c'est une idée assez comique.

    - Elle prétend que j'étais trop souvent soûl. J'n'irai pas la retrouver et j'n'ai pas envie de l'entretenir, non plus... Elle peut bien me faire coller en prison, si elle veut... J'm'en fous... J'vais prendre un appartement avec un copain dans la 22è Avenue. On aura un piano et on vivra tranquilles sans s'occuper des jupons.

    - Le mariage ne vaut pas cher, hein ?

    - J'vous crois. Ce qui nous y pousse c'est très bien, mais se marier, ça ressemble au lendemain matin.
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"Il est grand temps qu'on fasse un exemple, hurla le juge. Non que je ne déplore en père tendre et aimant, les infortunes, le manque d'éducation et d'idéal, l'absence d'un foyer affectueux et les tendres soins d'une mère, toutes causes qui ont poussé cette jeune femme dans une vie d'immoralité et de misère, l'ont fait céder aux tentations d'hommes cruels et avides, et aux séductions perverses de ce qu'on a trop bien nommé : l'âge du jazz, mais au moment où ces pensées risquent de tempérer de miséricorde l'austère sévérité de la loi, je sens s'élever en moi l'importune vision d'autres jeunes filles, des centaines peut-être, qui, en ce moment, dans cette ville, sont sur le point de tomber entre les griffes d'un tentateur brutal et sans scrupules comme ce Robertson...Pour lui et ses semblables, nulle peine ne saurait être trop sévère...N'oubliez pas que la pitié mal placée est souvent plus tard source de cruauté. Nous ne pouvons que verser une larme sur cette malheureuse dévoyée et murmurer une prière pour l'innocente petite créature que cette infortunée a mise au monde comme fruit de sa honte..."
Francie sentit un picotement froid partir du bout de ses doigts et remonter le long de ses bras jusque dans le tourbillon confus qui soulevait son corps de nausées. "Vingt ans". Elle put entendre le murmure faire le tour de la salle d'audience. Tout le monde semblait chuchoter doucement, en se pourléchant les lèvres : "Vingt ans."
"Je crois que je vais m'évanouir" se confia-t-elle à elle-même, comme à une amie.
Puis tout sombra dans le noir.
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Elle frissonna et haussa les épaules.
"Qu'avez-vous, Elaine, demanda-t-il ?"
Elle mentit :
"Rien, George...Quelqu'un a marché sur ma tombe, probablement."
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_ Regarde, mon chéri, tu manques un tas de choses...Voilà la statue de la Liberté. Une grande femme verte, en peignoir, debout sur un ilot, le bras en l'air.
_ Qu'est-ce qu'elle tient dans la main ?
_ C'est une torche, mon chéri...La liberté éclairant le monde...et voilà Governors Island de l'autre côté. Là-bas, où il y a des arbres...et regarde, ça c'est le pont de Brooklyn...C'est beau, hein ?...Et regarde tous les docks. Voilà Battery...et les mâts et les bateaux...et la flèche de Trinity et le Pullitzer Building.
...Mugissement des sifflets de paquebots, bacs rouges qui se dandinent comme des canards, battant l'eau blanche, wagons de marchandises sur un radeau poussé par un remorqueur qui ahane, en lâchant des bouffées de vapeur cotonneuse, toutes de même taille. Jimmy a les mains froides. Il frémit d'un bouillonnement intérieur.
_ Mon chéri, il ne faut pas t'énerver comme ça. Descends voir si maman n'a rien oublié dans la cabine.
Un orphéon brille au soleil, casquettes blanches, visages rouges et suant. Il joue Yankee Doodle :
_ C'est pour l'ambassadeur, tu sais, ce grand monsieur qui n'a jamais quitté sa cabine.
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_ J'en ai plein le dos de cette sale ville.
_ C'est pareil dans le monde entier, la police nous bat, les riches nous estampent sur nos salaires de misère et tout ça, à qui la faute...Dio cane, votre faute, ma faute, la faute d'Emile.
_ C'est pas nous qu'avons fait le monde. C'est eux, ou Dieu peut-être bien.
_ Dieu est de leur côté, comme un agent...Quand le moment sera venu on tuera Dieu...Je suis anarchiste.
_ Tout ça, c'est idiot, continua Emile. Les gens sont partout pareils. La seule différence c'est qu'il y en a qui réussissent et d'autres non...C'est pour ça que j'suis venu à New York.
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_ "Comment, vous avez dit que Bob Ingersoll avait été tué par la foudre ? s'écria Olga. C'est bien fait pour cet horrible impie.
_ Non, pas exactement, mais la peur lui a fait comprendre les choses importantes de la vie et il est entré à l'Eglise méthodiste.
_ C'est curieux le nombre d'acteurs qui se font pasteurs.
_ C'est le seul moyen de s'assurer un public", croassa l'homme au bouton de diamant.
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« Est-ce que ce n’est pas un crime ? Est-ce que ce n’est pas un vrai crime ? »

L’homme assis à sa gauche se mit à répéter ces mots sans arrêt. Joe Harland tourna la tête. L’homme avait une figure rouge, toute ridée, et des cheveux d’argent. Il tenait dans ses deux mains sales la page théâtrale d’un journal.

« Ces jeunes actrices, habillées toutes nues, comme ça… Pourquoi ne vous fichent-elles pas la paix ?...

– Vous n’aimez pas voir leur portrait dans les journaux ?

– Je le répète, pourquoi ne vous fichent-elles pas la paix ?... Quand on est sans travail, quand on n’a pas de pognon, à quoi qu’elles peuvent bien vous servir, j’vous le demande ?

– Il y a des tas de gens qui aiment voir leur portrait dans le journal. J’étais comme ça, moi, autrefois.

– Autrefois on trouvait de l’ouvrage… Vous n’êtes pas sans travail, hein ? » gronda-t-il sauvagement.

Joe Harland secoua la tête.

« Alors, à quoi bon ? Elles pourraient bien nous ficher la paix, hein ? Y aura pas d’ouvrage jusqu’à ce qu’il soit temps de déblayer la neige.

– Qu’est-ce que vous ferez d’ici là ? »

Le vieux ne répondit pas. Il se pencha de nouveau sur le journal et murmura :

« Habillées toutes nues, c’est un crime, que j’vous dis. » (pp. 184-185)
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Ces jours-là, les autobus se pressent en longues files, comme des éléphants dans une cavalcade de cirque. De Morningside Heights à Washington Square, de Penn-Station à Grant’s Tomb. Les jeunes filles et leurs gigolos s’entrechoquent, serrés, à l’aller comme au retour, se serrent, entrechoqués, d’un square gris à un autre square gris, jusqu’au moment où la lune nouvelle ricane au-dessus de Weehawken, et où les rafales de vent d’un dimanche mort viennent leur souffler la poussière à la figure, la poussière d’un crépuscule ivre.
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- Dis-moi, tu vas peut-être pouvoir m'expliquer pourquoi, dans ce pays, personne ne produit. Personne n'écrit de musique, personne ne fait de révolution, personne ne tombe amoureux. Tout ce qu'on fait, c'est se soûler et raconter des cochonneries. Moi, je trouve ça dégoûtant...
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On était si bien dans le wagon vide, dans le fauteuil en velours vert, avec John, penché vers elle, débitant ses folies. Les sombres marécages glissaient derrière les vitres striées de pluie, et une vague odeur de coquillages pénétrait dans le wagon. Elle le regarda en face et se mit à rire. Il rougit jusqu'à la racine de ses cheveux blond ardent. Il posa la main gantée de jaune sur la main d'Ellen, gantée de blanc :
" Vous êtes ma femme, maintenant, Elaine.
- Vous êtes mon mari, maintenant, John. "
Et ils se regardèrent tous les deux en riant, dans l'intimité du wagon vide.
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