AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,77

sur 638 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Manhattan transfer » est sans doute le plus « passosien » des romans de John DOS PASSOS. En effet, dans ce long roman d'accès parfois peu aisé, tous les ingrédients de l'un des maîtres états-uniens de la plume acérée sont présents. Il peut être même vu comme le livre charnière entre ses premiers romans de structure plus classique, et la trilogie « U.S.A. », l'un des plus labyrinthiques romans de toute la littérature d'Amérique du nord. « Manhattan transfer » est le quatrième roman de DOS PASSOS, paru en 1925, deux ans après « Les rues de nuit » (roman déjà chroniqué en nos pages) et quelques années avant le premier volet de « U.S.A. », l'ossature commence à se complexifier. On peut sans peine arguer d'une oeuvre annonçant « U.S.A. », puisque déjà de nombreux personnages se croisent, s'imbriquent, des tranches de vies superposées et structurant un récit assez déconcertant dans sa forme. Déjà, des coupures de journaux sont glissées çà et là, révélant des faits divers.

« Manhattan transfer » est la représentation des Etats-Unis, en gros entre 1890 et 1920, donc se terminant quasi en même temps que son écriture. Comme toujours ou presque avec DOS PASSOS, les personnages mêmes représentent chacun une image des U.S.A., il n'est peut-être d'ailleurs pas nécessaire d'indiquer ici leurs noms, leur statut social et leurs convictions, leurs objectifs, ils sont les Etats-Unis. Qu'ils soient bourgeois, capitalistes, socialistes, rentiers, ouvriers, chômeurs, anarchistes, qu'ils aient participé ou non à la première guerre mondiale, qu'ils soient ou non déjà sortis de New York (« personnage » central du roman), qu'ils aient un vécu lisse ou tumultueux, tous vont témoigner, par des anecdotes, des affaires en cours, des amours, des regrets, des rejets, etc. le mouvement de populations est prégnant, certains personnages vont quitter la Grosse Pomme, d'autres y arriver en bateau, accoster dans le port et découvrir ce monde bruyant.

Chez DOS PASSOS, la fiction est un prétexte pour dépeindre un monde : celui de « Manhattan transfer » représente la fin du monde considéré comme ancien, et l'avènement du monde moderne, peu après à la fois la révolution industrielle et la première guerre mondiale, monde dans lequel l'homme n'est pas près pour vivre et évoluer. L'homme pas assez moderne justement, truffé de coutumes féodales ou arriérées, qui ne sait pas utiliser la technologie en marche de manière correcte et compétente.

1925, l'homme DOS PASSOS est encore idéologiquement très proche des mouvements anarchistes, ce qui se ressent dans les traits de ses personnages les plus corrosifs et dans ses propos les plus irrévérencieux :

« - C'est pas nous qu'avons fait le monde… C'est eux, ou Dieu peut-être bien.
- Dieu est de leur côté, comme un agent… Quand le moment sera venu, on tuera Dieu… Je suis anarchiste.
Congo fredonna : ‘Les bourgeois à la lanterne, nom de Dieu !'.
- Êtes-vous des nôtres ?
Congo haussa les épaules :
- J'suis ni catholique ni protestant ; j'ai pas le rond et j'ai pas de travail. Regardez ça.
De son doigt sale, Congo montra une longue déchirure sur son genou :
- C'est ça qu'est anarchiste… »

Ce qui frappe toujours chez DOS PASSOS, c'est sa maîtrise déconcertante de la langue, il tient les rênes, c'est lui le pilote, le lectorat se retrouve dans l'incapacité d'envisager une quelconque marge de manoeuvre, DOS PASSOS pense et écrit jusqu'au minuscule détail pour que le lectorat s'imprègne bien de tout ce qui est ici imposé. Par ses descriptions, ses dialogues, l'auteur fait parler le capitalisme, la misère, la compétition, le racisme (pas mal de pics antisémites des protagonistes, volonté de retracer l'atmosphère d'alors ou DOS PASSOS était-il un peu ignorant et partial sur le sujet ?), le progrès, le business, la fin de l'homme en tant qu'identité propre, les magouilles, les bootleggers, les hijackers, la corruption, la prohibition. La fresque est imposante. Il en profite pour glisser quelques thèmes progressistes, l'avortement, le rôle néo-esclavagiste des grandes entreprises, bien d'autres sujets sociaux parfois pertinents voire avant-gardistes. Ce sont autant de thèmes qui déambulent par le biais de personnages parfois errants et désenchantés.

Dans cette immense projection, DOS PASSOS n'oublie pas quelques touches d'humour, bien dissimulé et franchement efficace, comme pour faire une dernière grimace à l'ancien monde en train de disparaître, laissant place à l'absurdité et la déraison du nouveau. Sur ce point, DOS PASSOS peut être vu comme un visionnaire. le monde qu'il montre est violent, égoïste, fait de crimes et d'abus de tous genres, toujours au nom du Dieu argent, la cupidité fait figure d'arme absolue, l'humanisme est rangé aux vestiaires. Pas de héros se détachant franchement de cette vaste étude, car même New York n'est plus une héroïne, car gagnée par la crasse, le béton, le fric et la corruption, elle se fissure et devient témoin impuissant de son propre anéantissement (voir les débuts de chapitres en italique). Sur ce point, il m'est très difficile de ne pas associer DOS PASSOS et plus tard le parcours cinématographique de John CASSAVETES, le rapprochement me semble saisissant.

Vous l'aurez compris, si vous recherchez une lecture estivale colorée et pleine de surprises et rencontres positives, laissez de côté « Manhattan transfer », roman rugueux et sombre, vertigineux et de structure relativement complexe, ce qui fait de DOS PASSOS un romancier original, avant-gardiste et génial car à rebrousse-poil des formes de son temps. Ce roman a été maintes fois réédité, il est perçu comme le chef d'oeuvre de l'auteur, il en est en tout cas la meilleure et la plus audacieuse empreinte.

https://deslivresrances.blogspot.fr/
Lien : https://deslivresrances.blog..
Commenter  J’apprécie          83
J'ai ai aimé ce roman impressionniste sur New-York et j'adhère complétement aux nombreuses critiques élogieuses ( voir celle de Nastasia B ) J'ajouterai simplement que les destins des personnages de ce livre ,qu'ils soient riches ,pauvres escrocs ,artistes ,financiers etc... en ce début de 20 ème siècle m'ont rappelé que notre passage sur terre n'est que fugace ,que la ville de New-York ,elle, est toujours là ! grouillante ,pleine de vie ,d' énergie et reste le symbole du grand capital ,de l'argent .Elle attire donc toujours l 'humanité entière ,certains réussiront ,d'autres non ,mais chacun ne fera que passer.
Commenter  J’apprécie          60
Manhattan Transfer, c'est d'abord l'histoire d'une ville, de l'enfant du XXème siècle en train d'accoucher. C'est l'histoire de New York.

A travers sa vingtaine de personnages, John Dos Passos nous imbibe tel un peintre des colorations de cette ville géante. Des immigrants des quatre coins du monde, de veilles familles anglais, des Américains de la première génération. Au-delà des histoires individuelles, c'est l'histoire de l'époque qui s'écrit devant nous. La complexité des destins individuels, bien que difficiles à suivre, s'enchevêtre parfaitement pour former un tout à la fois homogène et déconstruit, à l'image même de la ville héroïne.

La ville est omniprésente voire oppressante. Elle écrase les personnages, elle est presque un être vivant qui se régale des aventuriers qui tentent leur chance. Les hommes sont réduits à un stade animal presque primaire, à une foule, une "marée" qui va et vient entre son centre économique et le Bronx.

Manhattan Transfer, c'est aussi une vision teintée (réaliste ?) du rêve américain. L'Amérique est décrite comme le pays de la chance mais les origines, la "dégaine" comptent contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire. Bud fera les frais de cette rancune de la ville qui le reconnaîtra et le poursuivra tel un bagnard en fuite. Les toits, les cheminées, les bâtiments, tout l'accuse et le couvre des rayures ombrées du prisonnier. Il se suicidera, comme une offrande offerte à la ville, en se jetant dans l'Hudson. A côté de lui, nombre de personnages vont espérer à leur réussite future bien que malgré le temps qui passe chacun demeure dans sa condition originelle, celle de son arrivée. Ceux qui se sortiront du marasme le feront au prix de leur bonheur (Ellen) ou de leur moralité (Baldwin). Si elle peut offrir le succès à ce qui veulent bien en payer le prix, la ville peut aussi le reprendre comme ne témoigne Joe Harland. C'est donc un état de vie instable, complexe. Comme si les habitants remettaient chaque jour en jeu ce qu'ils avaient gagné au jeu la veille (cf l'histoire de la chance).

Embarcadère, Métropole, Dollars, Rails, Rouleaux à vapeur (titres des 5 premiers chapitres), telle semble être la destinée des participants au rêve américain.Comme son contemporain Steinbeck avec le cri des campagnes dans "Les raisins de la colère", Dos Passos nous alerte sur le cri des villes. Celui de ces fourmis humaines, enfermées dans un asservissement renouvelé chaque jour, enfermées dans ce présent angoissant.

Manhattan Transfer est une gare de triage, elle pourrait symboliser la liberté de choix qui est offerte par cette ville. Il ne faut pour autant pas oublier que le tracé d'un rail est pré-déterminé et que le conducteur ne peut contrôler que la vitesse et certains points d'aiguillage. La seule et unique certitude pour chacun étant : le terminus

PS : il s'agit là de mon premier commentaire :)
Commenter  J’apprécie          60
le roman date de 1925 et on ne peut pas dire que cela se lit "facilement".
Il peut rebuter rapidement. Mais si on parvient à entrer dedans, que c'est bon.
Une cacophonie de personnages qui se côtoient sans se voir, ni s'entraider.
Ils se fracassent devant leurs illusions.
5 à 6 personnages retiennent particulièrement l'attention mais derrière la narration "en miettes, se dévoile peu à peu le héros du livre, Manhattan, pricipale protagoniste du récit.
Un montage méticuleux avec pour matériau principal , les lieux, l'atmosphère et les habitants.
Pas facile vous dis-je mais un grand livre à lire patiemment !!!
Commenter  J’apprécie          51
Roman choral et kaléidoscopique, à tel point qu'on s'y perd quelque peu, et, donc, parfois déroutant… Peu importe, tant le style est époustouflant et la construction originale. Les descriptions d'un New-York en construction permanente, phare de la modernité, réceptacle de tous les espoirs et de toutes les désillusions, alternent avec les bribes de destin de divers personnages pris au hasard dans la mégapole, comme des papillons tournant autour d'une lampe. Une réputation de chef d'oeuvre de la littérature américaine, non usurpée.
Commenter  J’apprécie          50
Ce livre est construit admirablement. Les histoires se font et se défont, s'emboîtent les unes dans les autres pour tisser une fresque magnifique.
Commenter  J’apprécie          40
Voici un de ces livres que j'ai du relire car une premiere lecture m'a laissé completement absourdi :les héros vont, viennent, vivent, survivent, meurent, disparaissent, réapparaissent, se font oublier ,que raconte ce roman ? la ville? les moeurs ? la naissance d'une conscience commune et donc d'une contre conscience? non et on s'en fout parce que la beauté du roman ne se trouve pas dans son histoire mais dans sa structure,dans sa composition,a etages,dans son architecture,
dans l'habileté de l'auteur, son doigté, son savoir écrire, sa patte,
Nous assistons, béats d'admiration la langue pendante, à la création d'un mythe, celui de New York ; l'action, environ,se situe sur une période allant de 1910 à 1922, me semble-t-il, je crois, enfin peut-être ; Dos Passos utilise tout son art à travers une narration explosée, foisonnante, débridée, pour tout dire :
ça swingue et ça fox- trot un max
Commenter  J’apprécie          41
Souvent comparé à Berlin Alexanderplatz écrit en 1929 et Voyage au bout de la nuit écrit en 1932, Manhattan transfer a pourtant bien été écrit 1925. Aucun doute à avoir donc, on est en présence de la matrice qui ouvrira la voie à une multitude d’œuvres évoquant avec réalisme les grandeurs et les misères de la vie urbaine. Sauf qu'ici John Dos Passos n'en est qu'aux prémisses de son art : sa trilogie USA viendra achever avec maestria sa peinture figurative et polyphonique de New-York.
Car la ville est bien la pièce majeure de ce roman. Toute l'action se passe dans la ville. Ainsi même lorsque la guerre en Europe est brossée, c'est hors cadre et depuis l'ile de Manhattan.

Cette île mystérieuse, qui n'était qu'un bout de terre marécageuse et bucolique il y a 400 ans et qui, pour alimenter son développement inconcevable avale sans relâche les immigrés et les fermiers, les malaxe et les recrache comme des poupées de chiffons. En véritable vaisseau mère de l'Amérique, elle incarne toutes ses valeurs. On peut tout autant profiter des opportunités que se faire broyer sans ménagement (l'impitoyable maitresse de maison qui abuse le pauvre Bud avec son tas de charbon). La ville serait comme ces pompes à incendie qui sillonnent inlassablement les rues et avenues, et qui effrayent ce nouveau né. Pour le rassurer, son père lui dit que ce n'est qu'une pompe à incendie : une fois que l'on a apprivoisé la bête, tout devient plus familier.

Néanmoins il manque pour que l’œuvre soit parfaite une documentation urbaine et architecturale solide et des repères historiques plus nombreux. Mais il n'y a pas de place pour la perfection dans ce roman et comment pourrait-il l'être : c'est le portrait de la métropole du futur.
Commenter  J’apprécie          30
Il est de ces livres qui vous laissent un sentiment volontaire d'inachevé. Manhattan Transfer est de ceux-là. Une odeur d'éphémère planer sur ces personnages de conditions variés où Dos Passos tente de donner la parole aux bébés tellement il ne veut rien laisser au hasard et cela malgré toute cette hétérogénéité. Son double, Jimmy quitte la ville dans les dernières lignes sans que l'on ait eu l'impression de se promener à New York. La question que l'on doit se poser : Aimait-il réellement cette citée…
Lien : https://eric.bonnave@gmail.com
Commenter  J’apprécie          20
Le New York du début du siècle n'a jamais été aussi bien décrit que par ce roman. Une ville où s'entremêlent des personnages, où les histoires ne sont séparées que par des paragraphes. L'évolution de ceux-ci, leurs rencontres. Un style novateur et entraînant.
Commenter  J’apprécie          20




Lecteurs (2253) Voir plus



Quiz Voir plus

Dead or Alive ?

Harlan Coben

Alive (vivant)
Dead (mort)

20 questions
1823 lecteurs ont répondu
Thèmes : auteur américain , littérature américaine , états-unisCréer un quiz sur ce livre

{* *}