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3,77

sur 634 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le titre " Manhattan Transfer " évoque une correspondance, un noeud ferroviaire, un aiguillage, un carrefour, un hall bourdonnant comme une gare, à la croisée de tous les chemins, où des millions de gens se croisent, se côtoient et s'oublient, enfermés dans leur vie, ignorant le reste, rêvant d'avenir et de réussite.
Ce titre évoque aussi le flot des émigrants, posant le pied en Amérique via New-York, tel un tremplin, où certains resteront, où beaucoup iront vadrouiller ailleurs, toujours l'espoir au ventre de réussir leur toute petite vie dans cette immense Babel de cet immense pays. Une vie où tout est possible, en bien comme en mal, une ville où tous les coups sont permis. Certains sortiront du lot, d'autres seront engloutis par la masse grouillante.
Dans la première partie (le livre en compte trois), par son écriture faite de simples tableaux esquissés, sortes de mini-nouvelles accolées les unes aux autres, Dos Passos reprend à son compte la technique de Joyce dans Dubliners (Gens de Dublin) et essaie de nous faire ressentir l'ambiance, l'atmosphère de New-York dans les années 1890 à 1900, son ébullition, ses travers, la foule des anonymes qui s'y presse.
C'est une écriture impressionniste, toute faite de touches, avec, en retour, ce petit inconvénient que l'on n'a pas le temps de s'attacher aux personnages qui défilent, un peu au rythme des publicités sur un panneau tournant.
Par la suite, après nous avoir fait suivre en pointillés plusieurs personnages, parfois sur plusieurs années, Dos Passos les fait interagir entre eux dans les deuxième (1910-1915) et troisième (1918-1920) parties, tantôt directement, tantôt via des intermédiaires.
L'auteur se contente de nous faire vivre très vite (à l'image de la vie dans cette ville) certains épisodes marquants de la vie de ses personnages : Ellen l'actrice, Jimmy le journaliste, Gus le politicien, George l'avocat, Congo le tenancier de bar (qui tombera par hasard sur la mine d'or de la prohibition).
Quant au propos, il n'est pas des plus flatteurs pour New York, comparée à une grosse ruche bourdonnante tellement brillante qu'elle attire tous les papillons de nuits et dont nombre d'entre eux se brûleront les ailes, avec tous leurs espoirs tombés dans le caniveau. Nouvelle Babylone, qui attirera probablement bientôt les foudres divines par ses excès en tous genres et dont finalement, le salut semble la fuite.
C'est une critique acerbe de la société du " tout argent ", un peu comme dans Gatsby le Magnifique, et où l'ennui est au bout de chaque rue semée de gratte-ciels déshumanisants, car nous faisant tous ressembler à de minuscules nabots anonymes...
Si vous aimez les recueils de nouvelles, vous adorerez Manhattan Transfer, si vous préférez vous attacher, vous identifier à un même protagoniste dans un milieu donné, un peu à la façon de la famille Joad dans Les Raisins de la Colère ou dans la tradition française des Balzac ou Zola, vous risquez d'être un peu déçu par le picorage superficiel de Dos Passos (attention, je n'ai pas dit que le livre était superficiel), plus destiné à faire ressentir qu'à livrer une formule toute faite et bien huilée.
Pour ma part, j'hésite entre 4 et 5 étoiles, 4 parce qu'il m'a manqué quelques points d'accroche, 5 parce que dans son style, c'est vraiment bien fait, mais ceci n'est que pure subjectivité, idiosyncrasie, tout ce que vous voudrez, enfin juste mon tout petit avis, autant dire, pas grand-chose.
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Manhattan Transfer est publié en 1925, pratiquement au même moment que le grand Gatsby de Scott Fitzgerald, et l'Ulysse de Joyce.
Le grand Gatsby présente la bourgeoisie et ses « affaires »de la « génération perdue » expression rapportée par Hemingway dans Paris est une fête. (Gertrude Stein se plaignant auprès d'un garagiste à Paris, le mécanicien lui répond : « vous êtes tous une génération perdue ». Parmi eux, Faulkner, Dos Passos, Hemingway, Joyce, Scott Fitgerald,
La manière stylistique totalement nouvelle de « Gens de Dublin » nous permet de comprendre l'écriture , nouvelle elle aussi, de Manhattan transfert.
Plus encore, et bien qu'aucun film n'ait intéressé Hollywood, le voyage que Dos Passos fait en Russie et sa rencontre avec Eisenstein, lui inspire un roman coloré et surtout construit en petits plans très différents les uns des autres. Comme un film.
Pour l'européenne que je suis, Manhattan transfert est le roman du foisonnement des habitants, parfaitement raconté par le nombre de personnages qui s'égrènent les uns après les autres, et celle de la solitude complète de chacun d'eux. Les récits s'enchainent sans qu'aucun chapitre ou marque nous indique que le héros, ou plutôt l'anti-héros, a changé.
le personnage principal du livre est la ville, ou plutôt le port de cette île, à travers trois décennies. Manhattan est une île, pas moyen ni d'y entrer ni d'en sortir, sauf par le port (et aussi le pont construit en 1909, unissant Brooklyn à Manhattan)
Les couleurs des habits de chacun sont toujours décrites, comme un rappel (ceci est ma vision et simplement elle) de la grisaille des rails, du port, de l'acier. Il y a du vert, du bleu, du jaune dans les habits, mais une sorte de complaisante immobilité les figent tels qu'ils sont, cherchant leur chemin, trompant le mari qui travaille, attrapés par le tramway.
Les hommes forment une tapisserie multicolore, ils ne semblent pas dans la première partie avoir un quelconque rapport les uns avec les autres, les saynètes se suivent et ne se ressemblent pas. Ils caractérisent aussi des types d'hommes différents : le politique, l'ambitieux, le mendiant, celui qui échoue coûte que coûte, le criminel qui se suicidera, l'actrice femme fatale, dont nous assistons à la naissance et au rejet de sa mère, le marchand, les juifs, constamment présents.
Ceci sur un laps d'une trentaine d'années.
Comment tout ce petit monde se rencontre-t-il ? autour d'un verre. Après la ville, le deuxième personnage qui lie les individus, c'est la boisson.
Pour entrer dans le roman, j'ai studieusement noté tous les personnages les uns après les autres.
Puis j'ai eu vraiment l'impression de « lire » un tableau d'Edward Hopper.
Et là, « Manhattan transfert » a comme sauté sur mes genoux, j'avais besoin de cette grille de lecture. Ce n'est qu'en regardant Hopper, ses verts, ses bleus, ses jaunes, et la solitude de chacun de ses modèles, la manière plaquée et immobile de chacun, que l'on apprécie Manhattan transfert de Dos Passos.





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Aimer New York et adorer la littérature américaine, c'est incompatible avec le fait de ne pas avoir lu Manhattan Transfer. Erreur réparée!
Et de fait, on est servi sur les deux tableaux : du côté d'un grand roman américain qui mérite amplement sa célébrité avec son évocation incroyablement vivante et crédible de la vie américaine dans le premier quart du 20ème siècle; mais également et surtout par le tableau dressé de la ville de New York, tout en pointillisme dans la description de la ville où les tramways aériens courent au-dessus de rues sales ou d'avenues trépidantes et les néons crépitent sans arrêt, rouge, jaune, vert, marquant le temps de la ville qui ne dort jamais. Pointillisme également dans la mise en scène de nombreux personnages de tous milieux, évoqués par petites touches séparément puis dans leurs interactions, tantôt fébriles de rêves et d'envies, tantôt écrasés par le destin que la ville semble imprégner dans leur chair. Superbe!
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J'ai découvert ce livre célèbre de Dos Passos. J'avais déjà fait quelques essais de lecture auparavant, sans succès. La forme qui ressemble à priori à un roman, mais qui n'en est pas une vraiment, avec ses nombreux personnages qui se croisent sans se rencontrer forcément m'avait un peu déroutée..
Cette fois je suis allée jusqu'à la fin du livre, par curiosité.
Trop habituée au parcours classique d'un récit je me suis souvent perdue (bien qu'ayant fait des fiches pour me retrouver.
Ce que j'ai le plus apprécié c'est l'écriture claire, précise,, la descriptions de la ville de New York par tous les temps, les couleurs, les sons, les odeurs, le défilé des images, tout à fait comme au cinéma.
Une oeuvre originale, d'un style tout à fait moderne, nouveau, et aussi, bien sûr la critique d'une société où riches et pauvres se côtoient tout en s'ignorant, menée par un désir d'ambition sociale, de gagner de l'argent,.
Une oeuvre qui marque l'esprit, qu'il faudrait relire encore une fois, plus tard, pour apprécier cette nouvelle manière de raconter.
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Si vous pensez qu'un roman, c'est un début, un développement de péripéties et une chute, le tout autour d'un personnage, alors oubliez tout cela en ouvrant Manhattan Transfer et acceptez de laisser l'auteur tourmenter vos méninges. Car le premier mot qui vient à l'esprit à la lecture de ce roman est : déconcertant. le roman est à l'image de son décor, New York : foisonnant, grouillant, fourmillant… Dans la première et la deuxième parties, la capacité de l'auteur à créer les images et les sensations est époustouflante et tout est palpable : vous ne lisez pas le destin de personnes vivant à New York au début du XXe siècle, vous êtes à New York en 1900. La lecture n'est cependant pas toujours simple et souvent, vous cherchez où vous avez déjà rencontré le personnage cité. Ce roman est un puzzle, toutes les pièces se mélangent sans arrêt et vous perdez vos repères. Mais une fois ce concept accepté, je me suis laissé porter surtout grâce à cette langue magnifique. La troisième partie est encore plus nébuleuse, même si le nombre de personnages s'est un peu rétréci, certains ayant disparu, noyés dans cette ville tentaculaire, qui est briseuse d'hommes autant que créatrice de destins. Cependant au final, je ne regrette pas cette expérience et des phrases magiques et magnifiques me trottent toujours dans la tête.
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Lu quand j'étais à la fac. J'ai malheureusement passé tellement de temps à écouter des profs le décortiquer, que ce livre est devenu pour moi un objet d'étude, d'analyses et commentaires d'intellectuels éclairés... Bref, il a perdu tout intérêt à mes yeux.
Je lui mets quand même quatre étoiles parce que Guillaume Gallienne lui a consacré une émission ("ça peut pas faire de mal") sur France Inter et tout ce que me lit G.G. je le (re)découvre, je le goûte et je le savoure...
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Dans le New-York de l'entre-deux guerres, descriptions et dialogues se répondent au gré de périgrinations travaillées par la lumière, sous toutes ses formes, les séries, qui ponctuent et dynamisent le récit ; tout se déroule comme en un rêve crayeux.
Les destins filent, tantôt dans l'ombre, tantôt dans la lumière, se croisent comme autant d'ilots, isolés, proches ou lointains.
Les détails des collages et des décors, les discussions (parfois ennuyeuses – seul bémol), les projets et les rêves se jouent des coudes et composent un patchwork coloré et bruyant, insouciant malgré les drames – peu nombreux mais qui ne suscitent guère d'émotion, tant ils sont digérés, nivelés - sur fond de ville organique : figures des individus, figures des décors, osmose, fusion parfois, les deux intimement tissées ; odeurs, bruits, couleurs, états d'âme. « Gorge de cuivre palpitante qui hurle dans les rues aux doigts gourds. Regards curieux des gratte-ciel aux yeux de verre. Éclaboussement de minium sur les cuisses en poutrelle des cinq ponts. Etc. » le personnage est campé et vit à l'unisson des vies qu'il abrite. L'auteur passant d'une à l'autre par des fondus, au noir, de fermeture…
« […] Un roman où il ne se passe rien parce que tout s'y passe. » - Comme dans Outremonde de de Lillo. Qui « scintille bruyamment ».
Et servi par les illustrations impersonnelles et "irradiantes" de Miles Hyman.
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On entre dans "Manhattan Transfer" de manière quelque peu abrupte, et il faut un peu de temps pour apprivoiser ce texte que son rythme bien particulier rend si dense et si vivant.
On y passe sans transition de séquence en séquence, pour suivre sur une durée plus ou moins longue des personnages qui n'ont a priori guère de rapports les uns avec les autres. Au fil du récit, ils vont se croiser, sans forcément se rencontrer, ils vont parfois s'aimer, se détester, se déchirer...

Ce qui est déstabilisant pour le lecteur, c'est que les scènes qui sont représentées, les pensées qui sont rapportées le sont "sur le vif". John Dos Passos ne se perd pas en explications sur l'avant, le pourquoi, le comment ses personnages en sont arrivés au moment où il nous les fait découvrir. Il nous livre comme une série d'instantanés qui semblent pris au hasard, zoomant sur des détails qui peuvent dans un premier temps paraître insignifiants, mais qui finissent par composer un vaste ensemble cohérent.
De capter, ici le cours d'une pensée, là une bribe de conversation, a pour résultat une impression de mouvement permanent, presque de frénésie, qui rappelle certains procédés cinématographiques.

Et puis peu à peu, vous êtes happés : les descriptions brèves mais imagées et évocatrices vous plongent au coeur de la Ville, que l'auteur anime avec ce que l'on pourrait qualifier de "poésie de l'urbanité". Les sons - familiers, quotidiens, de la charrette du laitier, de la sirène de l'usine, ou du camion des pompiers-, les odeurs, propres à chaque quartier, les couleurs (ou leur absence), tout concourt à vous immerger dans cette gigantesque fourmilière qui semble être le centre d'un nouveau monde dans lequel la pierre, le bois, la tuile, vont être remplacés par le verre, l'acier et le béton.

New York, nouvelle Babylone, Babel moderne, dont la porte se matérialise sous la forme de son port, où débarquent immigrants remplis d'espoir, soldats survivants de la première guerre mondiale, où l'on rembarque les "rouges" après la révolution d'octobre... le port par lequel arrive aussi l'écho des événements du monde, sporadiquement mentionnés par un Dos Passos qui préfère, plutôt que de s'attarder sur le contexte historique de son récit, l'évoquer par l'intermédiaire de ses personnages qui, selon leur situation, en deviennent, avec toute la relativité que cela implique, les portes parole et/ou les témoins.

Comme la ville dans laquelle ils évoluent, ces héros semblent pris dans une course perpétuelle, comme poussés par une dynamique qu'ils pensent contrôler mais qu'ils sont en réalité obligés de suivre pour s'adapter et survivre. Ce nouveau monde est en effet placé sous le symbole de la réussite, et seuls les ambitieux y trouveront leur place.
Dans ce roman écrit à la veille de la crise financière de 1929, John Dos Passos pressent déjà les limites du grand rêve américain, qui fait beaucoup d'exclus. Pauvreté, alcoolisme et solitude sont présentés comme les corollaires d'une société dont les fondements sont axés sur le pouvoir de l'argent et sur l'impérieuse nécessité de connaître le succès, dans quelque domaine que ce soit.
Et c'est pourquoi, outre cette frénésie évoquée plus haut, il sourd aussi de ces pages une grande part de désillusion et de malheur.

"Manhattan Transfer" est un texte dont la lecture n'est pas vraiment confortable. On s'y perd parfois, bousculé par cette technique narrative saccadée, agacé de ne plus se souvenir de quelque personnage cité plusieurs dizaines de pages auparavant, et pourtant, on ne peut s'empêcher d'être pris par le rythme que nous impose l'auteur, d'être intrigué par le devenir de ses héros, et de succomber au charme de son écriture à la fois vive et lyrique.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Lire Manhattan Transfer, c'est s'immerger dans un New York disparu, celui des quais d'où débarquaient tous les immigrants., celui de la fin du 19 ème siècle. C'est se confronter à une multitude de personnages qui vont et viennent, se croisent et se recroisent, se parlent ou s'ignorent. Mais c'est surtout se confronter à un style révolutionnaire à l'époque de sa sortie, un kaléidoscope d'informations sous forme de publicités, d'extraits de journaux qui font irruption dans la trame du roman.
C'est le prélude à sa trilogie qui verra l'apothéose de cette forme littéraire. L'histoire peut sembler décousue mais on suit assez bien les différents héros.
A noter que c'est la traduction de COINDREAU que j'ai lu, Jaworski en a fait une autre plus récente.
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Des petites touches, petits portraits, petites histoires pour un roman d'un style et d'une puissance hors-norme.
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