La Centenaire
Dostoïevski, 1876
La nouvelle La Centenaire de
Dostoïevski écrite en 1876 est une pensée honorable pour une petite vieille qui a même passé les trois chiffres qui déambule dans les rues de Saint Pétersbourg en claudiquant, s'appuyant sur un bâton et s'arrêtant toutes les dix secondes. Cela ne semble pas très raisonnable pour une dame de cet âge et appelle immanquablement secours et main tendue. Elle déclare à qui veut l'entendre se diriger vers les siens pour dîner. Elle semble appartenir à la petite bourgeoise.
Personne ne s'intéresse à cette "momie", pour reprendre le terme de
Dostoïevski, rien que le fait qu'elle soit là ainsi, dehors, accablée par la faiblesse sans se plaindre, consciente des limites du grand âge le montre, elle a peut-être juste usurper sa faculté de se mouvoir vers sa famille, la dernière force qui lui reste est sa volonté d'aller là-bas, avec ce qu'il faut d'aspect mystérieux dans sa démarche...
Par contre, elle est curieuse et dès qu'un passant s'intéresse à elle, ce passant est étonné des questions qu'elle pose qui semblent sortir de la bouche de quelqu'un de plus jeune sans comparaison. Un don de cinq kopeks lui arrache un sourire, elle ne semble hableuse pour rien au monde, quand bien même le pourrait-elle. C'est donc une bonne âme, elle a bien vieilli et son état usé fait qu'à tout moment son heure peut arriver ..
Les mots sont simples, impérieux, péremptoires ; le trouble est palpable. L'auteur ne force pas le trait, il aurait pu y ajouter la dureté des frimas, non nous sommes dans la psychologie. Un autre aurait pu passer par là dans le sillage de cette vieille dame et ne rien y voir. L'intérêt de cette courte nouvelle réside dans l'oeil original que porte
Dostoïevski sur un monde invisible, à la lisière de l'insupportable et du dérisoire humain pourtant bien réels et quand il charge son narrateur d'inventer la suite de "l'impression" comme il dit et non du récit, ce n'est jamais si vrai..