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EAN : 9782940431984
180 pages
La Baconniere (10/05/2019)
3.95/5   10 notes
Résumé :
Le narrateur, Dalmatov, est un journaliste russe émigré à New-York qui travaille à la station de radio russe antisoviétique : « Troisième vague » en référence à la troisième vague d’émigrés russes. Il est marié et a deux enfants. Un jour, il est envoyé comme correspondant à Los-Angeles où a lieu un congrès de dissidents intitulé « La Nouvelle Russie » qu’il observe avec beaucoup d’ironie. Il y retrouve Tassia, sa première femme, qui décide de squatter sa chambre d’h... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique

Le Dovlatov de l'histoire (il est difficile de déterminer dans quelle mesure ce récit est autobiographique), âgé de 45 ans, vit à New York et travaille comme journaliste à la radio "Troisième vague" pour l'émission "Faits et gens". Une cinquantaine d'émigrés russes y travaillent pour suivre attentivement, d'un oeil évidemment fort critique, ce qui se passe au paradis de leur naissance. Parmi eux, il y a le petit-neveu de Kerenski, un lointain descendant des tsars, des anciens combattants de l'armée de Vlassov et Rudi, un intellectuel noir américain amateur de la poésie d'Anna Akhmatova.

Or, probablement parce qu'en URSS c'est la période de la perestroïka, où la lecture de Vladimir Nabokov n'est plus taboue et où les premiers cafés privés s'ouvrent, de l'autre côté des États-Unis, à Los Angeles, un grand symposium est organisé sur "La nouvelle Russie".

Vu l'importance de l'événement, le chef de la Troisième vague Tarassevitch décide d'y expédier notre Dovlatov en mission, ce qui ne l'arrange pas du tout, parce qu'il préfère rester près de sa femme et fille à Manhattan et y écrire de la littérature.

Signalons que le vrai Sergueï Dovlatov, né à Oufa en Bachkirie en 1941 et d'ascendance juive par son père et arménienne par sa mère, est effectivement parti pour New York en 1979 avec sa mère, sa femme Elena et sa fille Katarina.

Je me permets de renvoyer à ce propos à mon billet du 20 octobre dernier relatif à son ouvrage fort instructif de l'eldorado communiste "Le compromis".

Le symposium, organisé par l'institut californien des droits de l'homme et qui réunit 90 participants venant d'un peu partout, y compris d'Europe et d'Australie, est axé sur 3 thématiques : politique, religieux et culturel.
Il s'agit en fait "d'une tentative de modélisation futurologique de l'image civile, culturelle et spirituelle de la Russie future.
À ce moment, il n'y avait bien sûr pas encore de Poutine, à l'horizon.

À ce symposium assistent plusieurs célébrités, tel le poète Abrikossov (de son vrai nom Katsenellebogen - coude de chat en Français), l'artiste Boris Pinkhoussovitch (avant Pétrovitch)... et la séduisante Tassia (diminutif d'Anastasia), un ex-premier grand amour de notre héros et femme fatale par ambition.

À partir de ce moment le lecteur a droit à des retours en arrière sur la liaison problématique et franchement impossible, à Kronstadt et Leningrad, entre le jeune futur écrivain et la capricieuse beauté.

Roman ou plutôt une longue nouvelle de 135 pages, l'ouvrage est surtout intéressant pour les vues de l'auteur sur la vie en l'Union soviétique des "Dinosaures" (Brejnev, Kossyguine, ...) et sur la communauté new-yorkaise de réfugiés russes.

J'aime beaucoup le style précis de Sergueï Dovlatov et son excellent sens d'humour. C'est pourtant avec une bonne dose de mélancolie que j'ai lu "La Filiale" à cause du décès de l'auteur peu après la parution de son oeuvre en 1990, à seulement 48 ans (d'insuffisance cardiaque) et l'évolution que la Russie a prise sous la direction du criminel Poutine et son gang de mafieux et qui va donc exactement à l'encontre des espoirs du symposium de Los Angeles sur la "nouvelle" Russie.

Pour ne pas terminer mon billet sur une note négative en cette période de fêtes de fin d'année, quelques considérations dovlatoviennes amusantes. "Des Nezov, on en trouve autant qu'on veut, mais Bouchov, par exemple, c'est moins courant. Il y a des Tulipov, mais je ne connais aucun Dahliaov."
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Tout d'abord "spassiba balchoïe" (= grand merci) aux éditions La Baconnière et à la Masse Critique de Babelio grâce auxquelles j'ai reçu "La Filiale" de de Sergueï Dovlatov.
Si j'ai un peu tardé pour rédiger ma critique, c'est parce que j'ai eu du mal à commencer ma lecture. La principale raison en étant la tristesse de savoir que l'auteur est mort précocement à l'âge de 48 ans. Arrêté en plein vol, comme Vyssotski. Et aussi parce que ce récit publié aux États-Unis en 1990 a été écrit à une époque où on pouvait encore penser que la Russie sortirait meilleure de l'après URSS. Ce qui n'a évidemment et malheureusement pas été le cas du tout...
Trop contestataires, c'est-à-dire trop réalistes pour être publiés en URSS, les premiers écrits de Dovlatov ont circulé sous le manteau, en samizdat. Il a fini par émigrer aux États-Unis où il a rejoint nombre de ses compatriotes. Il y a continué à travailler comme journaliste pour une revue russe. Et les Américains ont édité ses livres en anglais...
Premières impressions sur ce livre, la couverture. le fond d'un sobre bleu passé m'a rappelé les couvertures des éditions slaves de l'Âge d'homme et le motif argenté, différent sur le recto et sur le verso, évoque pour moi une tuyauterie dysfonctionnelle, celle de l'URSS et celle de sa Filiale, à savoir la diaspora russe, dispersée, disparate et divisée.
La traduction de Christine Zeytounian-Beloüs est fluide, si bien qu'on ne se rend pas compte que ce n'est pas un texte original. Même si l'idéal serait de le lire en bilingue en commençant par le russe.
La forme du récit : il s'agit d'un compte-rendu de mission : Dalmatov (alter ego de Dovlatov) est envoyé de New York à Los Angeles pour chroniquer un symposium (aussi pompeux que son titre) de dissidents russes. le ton, très humoristique, du loufoque à l'humour noir avec beaucoup de dialogues. Dovlatov décrit en détail le quotidien, les réunions verbeuses, la vie à l'hôtel et l'irruption de Tassia, son ex-amour de jeunesse. Il nous raconte leur histoire, brève et inachevée, à l'université. Tassia est sa femme fatale à lui, inconstante, frivole, dépensière, infidèle, mais si belle... Lucidement il sait dès le début qu'il la perdra tôt ou tard. Vingt ans après, telle Milady, Tassia n'a pas changé : toujours aussi immature, elle ne lui apporte que des problèmes, tout comme jadis, et un chiot superflu. le congrès vire au grotesque, chacun défend ses intérêts et veut avoir raison, les différentes factions luttent avec mesquinerie. le slogan "Unissons-nous" n'a d'avenir radieux ni dans leur mère patrie ni dans celle qu'ils idéalisent.
Ce qui m'a touchée c'est la sensibilité d'écorché, l'autodérision, l'humour omniprésent, sans lui la vie est insupportable en exil ou "chez nous/ou nass" comme on dit en russe. J'ai parfois ri tout fort de l'absurdité générale (voir citations ci-dessous). J'ai eu les larmes aux yeux devant tout ce gâchis politique, religieux, humain. Et personnel. le héros est marié, père de famille et il sait, comme autrefois, qu'il n'a aucun futur avec Tassia. Quoi qu'il en soit, un Russe, ici ou là-bas, reste profondément, indélébilement russe. Et la vodka, un recours automatique.
Tout le monde va dans le mur. La vie est dérisoire. Est-ce que ce monde est sérieux ? Et pourtant...
Après sa mort Dovlatov a été publié en Russie. C'était un homme cultivé ; en URSS, on lisait énormément et si on connaissait par coeur ses classiques, on apprenait aussi les nouveaux textes qui passaient à sa portée, ne sachant pas si on aurait la possibilité de les relire. de nos jours, Dovlatov est lu et apprécié en Russie, sa popularité est telle que ses phrases et ses répliques sont citées dans la vie de tous les jours. Il rejoint ainsi un petit groupe d'auteurs, le Gogol des Âmes mortes, Ilf et Petrov des "Douze chaises" (avec le fameux :"Je ne mange pas six jours"en français dans le texte), Boulgakov "Le Maître et Marguerite", les frères Strougatski. Tassia m'a évoqué la femme capricieuse de l'Aristocrate de Zochtchenko, auteur lui aussi de courts récits comiques et pathétiques sur la vie de tous les jours et Dalmatov, le soupirant fauché. Et bien sûr, Tassia ressemble comme une sœur à la cruelle Zinaïda du Premier amour de Tourgueniev.
Quel dommage que Dovlatov ait eu une vie si courte ("La vie est courte", titre prémonitoire d'une de ses nouvelles). Qu'aurait-il écrit sur la Russie de Poutine ?Comme le chantait Boulat Okoudjava en parlant de Pouchkine, (lui-même tué à 37 ans et que Dovlatov appréciait au point d'appeler sa fille Alexandra) "Dommage quand même qu'on ne puisse pas souper au restaurant [avec eux] ne serait-ce qu'un petit quart d'heure."
Mais quand même, avec de d'imagination et grâce à leurs écrits, on peut avoir l'impression de les rencontrer encore un peu...
PS : Si vous avez aimé ce livre, lisez "Pnine" de Nabokov. Pas du tout le même style, Nabokov était un aristocrate de l'écriture, mais c'est l'histoire d'un autre exilé russe pathétique.
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C'est une belle histoire d'amour slave. Dalmatov, le narrateur, âgé de quarante-cinq ans, anime l'émission « Faits et gens » à la radio « Troisième vague » au centre de Manhattan. C'est une radio politique dont les auditeurs se trouvent en Russie. Son chef lui demande de se rendre à un congrès à Los Angeles sur le thème La nouvelle Russie, organisé par l'institut californien des droits de l'homme. Il sera logé à l'hôtel Hilton comme tous les autres participants. Coup de théâtre : Tassia, son ex-premier amour se tient sur le pas de la porte. Et c'est une longue histoire qu'il se remémore par flash-back tout au long de son séjour à Los Angeles. Sa rencontre avec Tassia eut lieu en 1960 à la Faculté des Lettres de Leningrad où à dix-sept ans, il s'était inscrit, faute de mieux. Ce fut le coup de foudre. L'auteur entremêle la relation du narrateur jeune étudiant pétri de jalousie avec la belle et capricieuse Tassia, et leurs retrouvailles vingt ans plus tard sur fond de perestroïka et d'élections surréalistes au sein du symposium auquel participe le narrateur tout au long de ce récit. Il y a beaucoup d'humour à la Woody Allen, le narrateur prend tout en dérision y compris lui-même. le ton est déjanté, surréaliste et l'alcool s'invite beaucoup à leur table.
Il y a l'histoire du détenu et de sa pelle. On lui ordonne de creuser. Il creuse. « C'est la meilleure méthode pour lutter contre l'absurde. Il faut réagir de manière tout aussi absurde. Et même avec un grain de folie. » Il me semble que c'est ce que fait Sergueï Dovlatov tout au long de ce récit. Très amusant et très plaisant à lire. Je remercie les éditions La Baconnière, et aussi Babelio sous le couvert de Masse Critique de m'avoir fait parvenir ce roman.
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Dalmatov est un journaliste russe qui travaille à la radio antisoviétique « troisième vague ». Cette radio, basée à New York s'adresse aux russes de Russie. Son directeur l'envoie à Los Angeles couvrir un congrès de dissidents intitulé « La Nouvelle Russie ». Il laisse femme et enfants pour rejoindre tous les participants à l'hôtel Hilton. Participants qu'il connait tous et dont il nous livre des portraits incisifs. Son premier amour frappe un soir à sa porte et décide de squatter sa chambre d'hôtel. Les souvenirs refont surface et se mêlent aux évènements du jour.
Un récit aigre doux dans lequel on se laisse porter, entre passé et présent, entre sérieux et ridicule, entre rire et larmes mais aussi entre réel et imaginaire. L'auteur mêle la dérision au sérieux et finalement nous incite à nous interroger sur l'existence, sur l'amour et sur la politique.
Un petit livre très agréable que j'ai pu découvrir grâce à Babelio et aux éditions La Baconnière
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critiques presse (1)
LeMonde
28 mai 2019
Le grand auteur satirique russe Sergueï Dovlato explore la manière dont l’émigration vide l’existence du héros de sa substance.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Une heure dans le métro de New-York. Ma gymnastique psychologique quotidienne. Une école de maîtrise de soi, d'humour, de démocratie et d'humanisme. On se croirait dans l'arche de Noé.
Nulle part ailleurs vous ne rencontrerez des policiers avec un tel postérieur. Des employés de bureau aussi ternes. Des sourds-muets aussi excités. Des adolescents aussi bruyants. Ni des voleurs et des criminels dotés de manières aussi impeccables. Ici, on peut vous dévaliser. Mais on ne vous claquera pas la portière au nez. Et c'est ce qui compte à mes yeux.
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Je suis pressé. Petit déjeuner du combattant : une tasse de café et une Gauloise sans filtre. Je parcours d'un œil les titres des journaux :
« Encore un otage... Offensive contre la base des terroristes... Tim O'Connor veut se faire réélire au Sénat... »
Ces nouvelles ne nous concernent pas. La Russie et son avenir ont toute notre attention. Nous connaissons son passé. Et aussi son présent (l'époque des « Dinosaures »). Quant à l'avenir, les opinions sont partagées. Beaucoup considèrent que notre futur se trouve derrière nous, comme pour les écrevisses.
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– Quelle est ta vision du monde ?
– Je n'en ai aucune.
– Mais encore ?
– Je n'ai pas de vision du monde. Je me contente de le contempler.
– Et ce n'est pas la même chose ?
– Nullement. La différence est à peu près la même qu'entre un collaborateur à plein temps et un pigiste.
– J'ai l'impression que tu fais un peu trop le malin.
– J'essaye.
(page 14)
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La secrétaire m'a lu le télex envoyé de Cologne par notre direction. Où figurait notamment une directive assez énigmatique :
"Diminuer de douze pour cent la part de créativité."
Qu'entendaient-ils diminuer précisément et de quelle manière ? La part de créativité de nos émissions n'était pas mesurable. Elle dépendait de tant de choses. Comment calculer le pourcentage d'un nombre inexistant ?
[...]
En réponse j'ai dicté le message suivant à la secrétaire :
"La part de créativité a été réduite de onze virgule huit pour cent."
Et j'ai ajouté :
"Ce qui a sensiblement amélioré la qualité de l'émission."
C'est la meilleure méthode pour lutter contre l'absurde. Il faut réagir de manière tout aussi absurde. Et même avec un grain de folie.
(pages 69-70)
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À peine Bolchakov avait-il achevé sa tirade qu'une Américaine d'âge moyen s'est frayé un passage entre les rangs.
— À bas la censure, s'est-elle exclamée, en Russie et en Occident !
Puis elle a poursuivi :
— Vous avez mentionné Pasternak et Boulgakov. J'ai subi exactement la même mésaventure. Mon meilleur roman, Spermatozoïde, reviens ! a subi les attaques de la censure. Deux bibliothèques scolaires, dans le Connecticut et en Alaska, ont refusé de l'acheter. Je propose de créer une association internationale des victimes de la censure !
— Il ne reviendra pas, a soufflé Gourfinkel, qui était assis derrière moi.
— Qui ça ?
— Son spermatozoïde, a répondu Gourfinkel. Personnellement, je ne serais pas revenu. À aucun prix.
(page 74)
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Video de Sergueï Dovlatov (1) Voir plusAjouter une vidéo
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