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EAN : 9782711852796
64 pages
Réunion des Musées Nationaux (08/11/2006)
4.62/5   4 notes
Résumé :
Que disent les corps des contemporains de Rembrandt et Vermeer, tels que nous les voyons sur les images parvenues jusqu'à nous ? Les tentatives pour élucider les rapportes entre l'apparence extérieure des personnes et leurs émotions, l'idée même qu'elles se font de leur intériorité, se multiplient chez les historiens du XVIIe siècle hollandais. Le Siècle d'or adopta, en effet, mais pour le transformer, l'héritage d'Erasme et de Castiglione quant à l'éducation et au ... >Voir plus
Que lire après Bethsabée tenant la lettre du roi David : RembrandtVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
L'histoire de Bethsabée est racontée dans l'Ancien Testament, au livre deuxième de Samuel. Résumé : le roi David, après avoir surpris Bethsabée au bain, devient fou de désir pour cette belle jeune femme dont le mari Urie, un mercenaire hittite, combat dans son armée. Pour posséder définitivement la belle le roi n'hésite pas à éliminer Urie. Punition divine assurée. En 1654, Rembrandt peint Bethsabée innondée de lumière sur fond obscur, seule, avec une servante à ses pieds à peine visible. Bethsabée tient une lettre à la main (cet élément n'est pas dans le texte biblique), celle que lui aurait fait parvenir le roi pour qu'elle le rejoigne. Sujet récurrent de l'art occidental, la représentation de Bethsabée n'est pas ici dès plus orthodoxe au regard de ce que la peinture antérieure au XVIIe siècle ou contemporaine de Rembrandt donne à voir ce qui est très bien montré dans ces pages.

Hormis la source biblique du sujet et la signature "Rembrandt ft 1654", on ignore à peu près tout de la genèse de ce nu féminin, grandeur nature (1,42 m x 1,42 m), dont Louis La Caze fit don par legs au Louvre en 1869. Pas de commanditaire connu, pas de preuve tangible d'une circonstance familiale ou privée ou de lien probant établi avec une conviction religieuse du peintre, qui pourraient justifier son exécution.

L'histoire de l'art ayant horreur du vide il semble bien dans le cas de Bethsabée, la lecture de cet opuscule de la collection Solo (RMN) le prouve, que les connaissances lacunaires liées à la création de cette oeuvre aient favorisé depuis le XVIIe siècle moult études et commentaires ou divergents ou parfois très contradictoires. Le recul du spécialiste apparaît alors comme salutaire et l'inventaire de ces débats interprétatifs dressé par Blaise Ducos est à ce titre incroyablement révélateur du regard que chaque époque a pu porter sur Bethsabée. Une manière érudite et complexe de faire peut-être encore mieux apprécier Rembrandt et la singularité de cette oeuvre devenue emblématique.

Le tableau a été en effet regardé et analysé depuis le XVIIe siècle jusqu'à aujourd'hui à travers le filtre de préjugés religieux, moraux et culturels propres. Prétexte à peindre un nu féminin ont pensé certains ? Portrait historié, ont rétorqué d'autres qui ont cru identifier en Bethsabée la figure de la jeune compagne de Rembrandt en 1654, Hendrickje, établissant une improbable symétrie avec la réalisation d'un portrait de Saskia (dont Rembrandt était veuf) en déesse Flore, vingt ans plus tôt ; ou cherchant des liens rassurants entre la vie du peintre et son modèle et le couple biblique formé par David et Bethsabée. Quand la lecture d'une oeuvre n'ouvre pas sur des évidences immédiates, les hypothèses évidemment fleurissent, surtout si la nudité suscite, comme ici, des débats. L'étude stylistique de l'oeuvre de Rembrandt a également tenté de fournir des arguments en faveur d'une supposée continuité dans la représentation du corps féminin par l'artiste. Rien de convaincant finalement ne parvient à expliquer cette énigmatique figure féminine mélancolique de Bethsabée, si éloignée du canon traditionnel.

Sur le plan esthétique (le débat a porté sur la fameuse harmonie des formes), le plus beau et dernier nu du peintre est loin d'avoir fait l'unanimité. Dès la fin du XVIIe siècle, l'oeuvre a subi les attaques d'artistes férus de théorie. L'approche réaliste de la nudité telle que l'a montrée Rembrandt, et qui n'a été parée de vertus que bien plus tard, s'oppose en tout point à l'idéalisation du corps prôné par le courant classicisant (Gérard de Lairesse) qui se fait jour à Amsterdam à ce moment là. A l'inverse, en 1950, un éminent spécialiste croira avoir trouvé une source graphique à Bethsabée, issue de l'antiquité et la rattachant à la filiation classique qui lui était justement contestée au XVIIe siècle. Pour l'anecdote, Bethsabée fut aussi déclarée "deficient in beauty" dans un catalogue de vente de la maison Christie's (1811), et férocement caricaturée dans la Vie Parisienne sous le Second Empire, avant d'obtenir sa canonisation universelle aujourd'hui.

Betshabée est un thème biblique et religieux formulé sous diverses narrations et s'inscrit dans une vaste tradition iconographique remontant au Moyen-Age. Souvent associé à l'éternel féminin de la séduction, ainsi qu'en témoignent les représentaions contemporaines de celle de Rembrandt : Willem Drost (1654), Govert Flinck (1659) et Cornelis Bisschop (1660). Avant et après Rembrandt, le thème est généralement traité par une grande théâtralité comme au Loges du Vatican (atelier de Raphaël) ou par Franciabigio (1523) galerie de Dresde, ou encore par Sebastiano Ricci (1720) musée des Beaux-Arts de Budapest, pour ne citer que quelques exemples. le sujet n'est donc pas neuf, mais son libre traitement par Rembrandt est totalement novateur : aucun des tableaux antérieurs ou postérieurs à celui de Rembrandt n'égale par le geste pictural et la manière le sien, pas même "Betshabée à la fontaine" de Rubens. Ici, dans une transposition "moderne", Bethsabée semble totalement absente de sa nudité, tenant la lettre à la main et se laissant sécher les pieds par sa servante. Elle paraît lasse et ne regarde pas le spectateur, plongée dans ses pensées intimes. Ni érotisme, ni voyeurisme dans cette toile qui magnifie les ombres, conclut Blaise Ducos prenant ses distances avec une conception du tableau dit "à clé". Seule la nouvelle manière de peindre adoptée par Rembrandt, à partir de 1654 et rompant avec la tradition, semblerait susceptible de jeter quelque lumière sur l'extraordinaire condensé d'intensité dont le peintre a su envelopper sa Bethsabée et qui touche pleinement le spectateur. "Miracle du corps dénudé imprégné de pensée", selon l'historien d'art britannique Kenneth Clark ou, plus insondable intention de Rembrandt incluant le contemplateur dans l'achèvement de son oeuvre, comme le suggère plutôt Ernst van de Wetering ? Bethsabée n'en finira jamais d'offrir d'innombrables lectures. A chacun sa libre interprétation. En tout point passionnante cette publication de Blaise Ducos conserve toute sa pertinence et reste pour moi une référence.
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Une oeuvre d'art est toujours le témoignage d'une époque et de son milieu culturel. le Louvre conserve dans ses salles tant de tableaux emblématiques que cela en devient une histoire de l'art en soi. Une fois encore, dans la collection Solo, un volume consacré à un « incontournable » de cette collection fabuleuse. Roulements de tambour ! Voici un tableau de Rembrandt (Haaa !) : la « Bethsabée au Bain » (Hooo !). En effet, comme les nus féminins de Rubens, cette femme hollandaise du XVIIe siècle, surprise dans son intimité, ne déclenche que très rarement l'admiration. Pour la simple raison qu'elle est très éloignée du goût, de l'imaginaire, des préoccupations de notre époque.
Le sujet est religieux. Aujourd'hui, la connaissance de la Bible étant ce qu'elle est, bien souvent le spectateur n'y voit qu'un nu féminin alors que Bethsabée est l'héroïne d'une multitude de représentations : de l'enluminure moyenâgeuse au tableau rococo, en passant par la fresque ou la tapisserie. Non, le spectateur moderne y voit plutôt une lourde et grasse femme, plutôt trapue, presque anti-érotique alors que ce sont les canons de cette beauté féminine qui ne correspondent plus à ceux de notre époque.
De plus, pour beaucoup d'amateurs d'art, Rembrandt est un peintre essentiellement de portraits et occasionnellement de paysages, mais pas de peinture d'histoire. Pourtant, il existe dans l'oeuvre peint de Rembrandt un grand nombre de scènes religieuses, d'Abraham jusqu'au Christ. Si bien que les représentations de figures bibliques ou mythologiques sont fréquentes chez Rembrandt : Bethsabée, Suzanne, Diane, Andromède… Il existe donc toute une iconographie liée à Bethsabée, même s'il semblerait que Rembrandt ait fait appel à une source antique.
Historiquement, nous ne sommes qu'au niveau des spéculations pour connaître le contexte de la réalisation de ce grand tableau carré (142 x 142), faute de documents probants. Mais ce qui a fait sa célébrité est la technique du clair-obscur exploitée ici par Rembrandt, loin de la violence du caravagisme initial. Ce qui explique probablement pourquoi elle figurait en bonne place dans la collection La Caze, afin d'être donnée au Louvre.
Une petite monographie de vulgarisation assez complète que tout amateur du maître hollandais devrait avoir lu pour (re)découvrir tout un pan de son oeuvre et de sa vie. Les illustrations sont parfaitement bien intégrées dans le texte, ce qui facilite grandement la compréhension du propos.
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Livre passionnant sur la Bethsabée au bain de Rembrandt. Quel plaisir de lire un texte interessant sur ce superbe tableau. le texte m'a permit de mieux le comprendre et d'apprécier tout le talent de Rembrandt dans ce tableau. j'ai admiré sa peinture, la manière dont il rend l'émotion de la scène. Quelle beauté! L'érudition de l'auteur est intéressante. Elle nous permet de mieux comprendre le tableau et le contexte dans lequel il a été peint. Je recommande.
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Il faut imaginer la cité d'Amsterdam, métropole d'où s'élançaient les navires des Compagnies des Indes occidentales et orientales, traversée de part en part de toute une activité liée étroitement au fait religieux : enseignement des écoles théologiques ; messes avec prêches dont le père Mapple dans Moby Dick - qui s'adresse aussi à des hommes de mer - peut donner peut-être une idée ; traductions, éditions et exégèses des textes saints. L'effervescence intellectuelle dans la communauté juive d'Amsterdam, de son côté, est un objet d'étude en soi, ne serait-ce que parce qu'elle a enfanté le philosophe Spinoza.
Dans un tel contexte, les éditions de bibles, à Amsterdam, ne manquent pas notamment du fait de la fameuse officine des imprimeurs Elzevier. Certaines sont illustrées, d'autres accordent une place de choix à la musique et comportent des partitions entières accompagnant, par exemple, les psaumes. C'est dire si la vie quotidienne est pénétrée, mise en forme par la religion. Que les Hollandais soient à l'origine du capitalisme n'est pas en contradiction avec cette foi omniprésente, au contraire. (p. 25)
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...Bethsabée tenant la lettre du roi David, une peinture de 1654, réalisée par Rembrandt à l'âge de quarante-huit ans, s'inscrit dans un moment décisif de sa création. La toile témoigne d'une recherche renouvelée du naturel en art, après l'impasse des années précédentes au cours desquelles Rembrandt avait renoncé, dans sa peinture, à la restitution de l'immédiateté du mouvement.
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Si aucun artiste ne s'extrait complètement de son époque, cela ne signifie pas qu'il ne puisse trancher avec elle. Le génie de Rembrandt est d'avoir su redéfinir les enjeux esthétiques d'une scène traditionnellement marquée par des présupposés moraux (p. 32)
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la Bethsabée au bain du Louvre peut être à bon droit examinée en termes de contrastes lumineux: le fond de la scène se perd dans une ombre profonde, alors que le corps de l'héroïne biblique apparaît en peine lumière; les tissus luisent doucement, ou ne demandent qu'à briller d'une pure blancheur; les matières rendent une tonalité sourde ou au contraire sonore, précisément grace à l'action de la lumière.



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la Bethsabée, ce grand nu biblique, présente une solution neuve à des questions esthétiques précises: l'importance de la narration et la portée du décorum, le rendu des émotions en peinture, la quête de la mimesis, la définition pratique du canon féminin..
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Videos de Blaise Ducos (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Blaise Ducos
Vermeer et les maîtres de la peinture de genre de Collectif, Adriaan-E Waiboer, Blaise Ducos et Arthur-K Jr Wheelock aux éditions Somogy
Vermeer, ou « le sphinx de Delft ». Cette expression, forgée au XIXe siècle, a figé la personnalité de Johannes Vermeer (1632-1675) dans une pose énigmatique et solitaire. Cet ouvrage original permet au contraire de découvrir que ce génie universel s'inscrivait dans un riche réseau d'influences, très loin du splendide isolement avec lequel il fut longtemps associé. La scène de genre élégante hollandaise connaît son âge d'or vers 1650-1680. Cette peinture, mise en scène luxueuse d'activités qui n'ont de quotidiennes que le nom, permet à la République des Provinces-Unies de s'affirmer face aux monarchies. Vermeer en est l'un des maîtres, aux côtés de Gerard Dou, Gerard ter Borch, Frans van Mieris, Gabriel Metsu, Pieter de Hooch... Ces peintres, actifs à Leyde, Deventer, Amsterdam ou Delft, ont eu connaissance du travail des uns et des autres. Leurs rapports alternent hommages, citations détournées, métamorphoses. Vues de la sorte, les sublimations de Vermeer prennent un sens nouveau : celui de ses rejets et de ses admirations.
http://www.lagriffenoire.com/71184-beaux-livres-vermeer-et-les-maitres-de-la-p.html

Vermeer de Jan Blanc aux éditions Citadelles & Mazenod
Souvent considéré comme l'un des peintres majeurs du Siècle d'or hollandais, au même titre que Frans Hals ou Rembrandt, Johannes Vermeer a fait l'objet d'un nombre considérable d'études et de publications. Celles-ci le réduisent généralement à deux images : celle de l'artiste génial replié dans son superbe isolement, construite au XIXe siècle par Thoré-Bûrger ; ou celle du peintre moderne avant l'heure qui, selon Daniel Arasse, s'interroge sur les définitions et les limites théoriques de son art. En se fondant sur les travaux les plus récents qui ont menés sur Vermeer et sur un examen comparatif des pratiques du peintre et des théories artistiques formulées en son temps, mais aussi sur une confrontation systématique de ses oeuvres avec celles de ses contemporains, cet ouvrage propose de sortir de cette alternative en mettant l'accent, pour la première fois, sur la manière dont l'artiste a consciemment construit sa carrière autour de l'ambiton de fabriquer sa propre gloire. trente-sept tableaux authentifiés comme étant de la main du maître sont ainsi précisément analysés par Jan Blanc -parmi lesquels on retrouve la fameuse Jeune Fille à la perle ou La Laitière, mais également des oeuvres moins connues comme la Jeune Femme au chapeau rouge.
http://www.lagriffenoire.com/72025-divers-arts-vermeer.html
Vous pouvez commander sur le site de la librairie en ligne www.lagriffenoire.com
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