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EAN : 9782207261156
400 pages
Denoël (05/03/2009)
3.76/5   53 notes
Résumé :
2320, ouest de la Chine. Les élèves de la très chic pension des Conglin s'ennuient dans leur prison dorée. Marquis, le plus enragé d'entre eux, se révolte brusquement : il invente, ou plutôt réinvente, une musique pleine de colère qui va fédérer tous les élèves contre les surveillants. Fuyant la répression qui s'abat sur les Conglin, Marquis se réfugie dans les sous-sols de Shangai où l'attendent l'amour et la guerre.

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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Outrage et rébellion m'a parfois été présenté comme le meilleur roman de Catherine Dufour. Après l'avoir lu, j'abonde dans ce sens – mais si vous n'avez jamais lu cette autrice, je déconseille vivement de commencer par celui-là.

Nous sommes dans la Chine du 24e siècle, dans le même univers que le goût de l'immortalité (l'histoire est indépendante, quoique les liens entre les deux oeuvres soient bien présents). Dans une « pension' », sorte de prison de luxe pour ados délaissé·es par leurs richissimes parents, les jeunes, à la fois très surveillé·es et complètement désoeuvré·es, finissent peu à peu par réinventer le punk, tant musicalement qu'idéologiquement.

La narration est très particulière, plus encore que dans le goût de l'immortalité : l'histoire est contée sous formes de bribes d'interviews des protagonistes, sans aucun élément de contexte extérieur. L'immersion est brutale, ardue, on se noie dans cet univers âpre sans en avoir toutes les clés. Si vous parvenez à embarquer, ça donne une impression de réalité très saisissante et colorée, mais il y a des chances pour que de nombreux·ses lecteurices restent sur le carreau.

Peu à peu, on prend ses marques, même si de nombreux détails continuent à nous échapper. Pas grave, on a compris l'idée générale et on a envie de suivre les protagonistes jusqu'au bout de leur trashitude, dans un bizarre mélange d'attachement et de répulsion… Et puis, à la fin de la première partie arrive LA révélation : on comprend alors ce qu'est réellement cette « pension' » et en quoi cette révolte adolescente n'a rien, mais alors rien à voir avec un simple ennui d'enfants de riches qui veulent meubler leur temps libre. Toute la première partie s'éclaire alors différemment, et c'est juste… wow.

Après cette révélation, l'histoire prend une autre direction, avec le parcours d'un des protagonistes de la pension' dans la dictature futuriste de Shanghai (toujours avec la même narration). Les deuxième et troisième partie sont un peu moins fortes, du fait qu'on repart quasi-complètement avec un nouveau panel de personnages moins flamboyants que les premiers, mais on saisit toujours l'analogie/hommage au punk et son clash avec le pouvoir en place.

On est dans la pure dystopie, un sous-genre que j'ai peu à peu cessé de lire au fil des ans à force d'en voir fleurir partout (et rarement de manière intéressante, tant sur la forme que sur le fond). Mais là, Catherine Dufour prouve qu'on peut encore trouver des oeuvres qui valent le détour dans ce courant littéraire. Bref, si vous êtes peu sensibles à la mode du hopepunk et que vous cherchez de bonnes dystopies, tournez-vous vers elle. Et les attentes concernant la fin sont brillamment balayées par l'autrice qui brouille les cartes et nous offre un dénouement magnifique d'ambiguïté.

Grandiose!
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La Chine des années 2320 n'a que peu à voir avec celle d'aujourd'hui. La Terre est en train de rendre l'âme, rongée par la pollution, mais certaines bonnes vieilles habitudes quant à l'organisation de la société, elles, perdurent : aux riches les tours et une longue vie dans le luxe ; aux pauvres, les caves et une existence misérable et souvent brève. Et puis il y a les pensions, ces espaces totalement déconnectés dans lesquels les nantis des tours envois leurs rejetons jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge adulte. Une bulle que Marquis et ses compagnons vont tentés de faire éclater grâce à leur musique. Une musique révolutionnaire, digne héritière du rock, du punk ou encore du métal à travers laquelle notre héros déverse sa colère et réveille celle des autres. L'idée est originale et j'ai toujours jusqu'à présent beaucoup apprécié les écrits de Catherine Dufour et sa plume souvent crue, seulement cette fois, cela ne passe pas. Oui il y a de bonnes idées, oui on ressent et comprend sans mal la rage des personnages, seulement à aucun moment je ne suis parvenue à me sentir concernée par l'histoire. Il faut dire que le procédé narratif choisi par l'auteur n'est pas vraiment d'une grande aide puisque le roman se compose de petits paragraphes, chacun donnant la parole à des personnages différents qui, en ce qui me concerne, auraient aussi bien pu être les mêmes tant j'ai peiné à distinguer leur personnalité.

Le second point négatif tient au côté « trash » trop accentué du roman. La crudité ne me choque d'ordinaire pas, mais ici certains passages semblent être là davantage pour ajouter plus de glauque à l'histoire et pour provoquer plutôt que pour servir l'intrigue (descriptions des malformations des personnages et leur manie de se faire greffer des parties génitales n'importe où sur le corps, habitude du protagoniste de vomir ou pisser sur son public en plein concert...). le titre des chansons écrites par les personnages sont du même genre, de « sens mon doigt » à « pisse-moi sur la gueule » ou encore « chie-moi sur le ventre ». Très poétique... Mais je crois que ce qui m'a le plus gêné c'est en fait la musique en elle-même, dépeinte tout au long du roman par les personnages eux-mêmes comme d'une nullité affligeant et dont l'intérêt ne tient pas à la mélodie ni même aux paroles mais plutôt au comportement de ses créateurs. Comme le résume parfaitement l'un des personnages : « ce n'était pas que de la musique, c'était toute une attitude : « On est amoraux, on est sales, on est improductifs, on ne mérite pas de respirer et vos oreilles vont nous le payer. » » Un concept auquel je n'ai pas réussi à adhérer, d'autant plus que l'auteur nous noie de termes techniques sans aucune explication : plasma, structure du glucagon, mire musicale..., bref, encore une fois je me sentie totalement en retrait.

Catherine Dufour signe avec « Outrage et rébellion » un roman très atypique qui ne manquera pas de séduire certains lecteurs mais duquel je suis complètement passé à côté. Un aspect glauque trop exagéré, des personnages qui restent de parfaits étrangers tout au long du récit, une musique sans attraits..., bref, si l'idée d'origine est bonne, le roman, lui, ne m'aura pas convaincu. Dommage, car il s'agit pourtant d'une auteur que j'apprécie d'habitude énormément...
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Dans les tours vivent les riches. Dans les pension', ils envoient leurs enfants, où ils seront à la fois abandonnés et emprisonnés. Voilà que l'un d'eux, Marquis, se met à chanter -hurler- leur rage, leur colère, leur quotidien. le mouvement s'étendra jusqu'au suburb' où la révolte gronde ...

Autant le dire tout de suite, Outrage et Rébellion n'est pas un livre facile. Commençons déjà par la forme. L'histoire nous est racontée par une chiée de personnages, un peu à la manière d'un micro trottoir : ASHTO nous dit quelques mots sur la situation du moment, FADO ajoute son commentaire, LEIGH embraie sur un autre truc ... Et ainsi de suite. Ensuite le style : dans la continuité du micro-trottoir, les intervenants parlent. Seulement, nous, on lit. Pour en rajouter une couche, ces personnes qui parlent, parlent mal et avec un vocabulaire du futur pas toujours évident pour les pauvres êtres du monde archaïque que nous sommes. La troisième chose qui rend le livre pas évident du tout c'est le fait que rien ne nous est expliqué. Ces jeunes qui racontent leur histoire, ils savent de quoi il retourne, ils n'ont pas besoin d'expliquer comment le monde en est arrivé là où il est arrivé, comment il est organisé socialement, le vocabulaire et les technologies. On est laissé tout seul en plan avec notre incompréhension et nos questions, pas de gentille voix off pour nous mettre sur le bonne voie. Tout ceci est assez déroutant et rend l'univers très difficile à appréhender. On est obligé d'accepter.

Outrage et Rébellion, c'est aussi un livre dur. Pas dur dans le sens difficile, ça c'est au paragraphe au-dessus, mais dur dans le sens terrible, pessimiste, violent. La Terre est mal en point, il n'y a plus d'animaux ni de végétation. Ceux-ci sont passés dans la légende à tel point que lorsqu'ils sont mentionnés, c'est avec une majuscule. Par contre, les noms de personne l'ont perdue leur majuscule. Pour vous dire l'importance de l'individu dans cette société limite post-apocalyptique. Et puis il y a la façon dont ils malmènent leur corps. C'est vraiment terrifiant, toute cette drogue, ces mutilations, ces greffes aberrantes, le sexe-n'importe-comment-n'importe-où-avec-n'importe-qui. Quasi complète absence de morale, une identité qui se construit de manière complètement folle. Rien d'étonnant dans le fond quand on voit le manque d'affection et l'ennui dans lequel ils se trouvent.

L'histoire maintenant. C'est l'histoire d'une révolte. Une révolte qui tourne mal. Mais les révoltes, ça tourne toujours mal. Ca commence dans les pension' où des gamins sont laissés en semi abandon par leurs géniteurs, surveillés par des mono' qui ne semblent préoccupés que par leur intégrité physique. Ça dure 150 pages et c'est long. J'en avais marre à la fin. Et puis je me suis pris une claque dans la figure, littéralement. --> Là si vous n'avez pas lu le livre, arrêtez vous et reprenez au dernier paragraphe.

La claque c'est la révélation de ce que sont les pensionnaires. Des clones. Des clones élevés pour remplacer les organes défaillants de leurs géniteurs. Je me suis vraiment pris cette révélation en pleine poire. Je ne m'y attendais absolument pas. La construction mentale que je m'étais faite de leur monde était tout autre. Pourtant en y repensant les indices ne manquaient pas. En fait, je me suis sentie trahie. J'ai dû reposer le bouquin pendant quelques jours, histoire de me faire à l'idée, accepter. Je n'ai pas lu le Goût de l'Immortalité, qui se situe dans le même monde. Peut-être que l'auteur y explique déjà tout ça, je ne sais pas.

Bref, après, on descend dans les caves et les suburb's et une fois lancé dans ce nouvel environnement, ça devient de nouveau long. On s'ennuie un peu. Mais moins que tous ces gamins qui ne savent tellement pas quoi faire de leur vie qu'ils se collent des clitoris sur le visage, se coupent des morceaux d'oreilles et se droguent en permanence. C'est là que la musique de Marquis va les unifier, leur donner une identité et le courage d'aller contre les riches, ceux des tours. La fin laisse un sentiment de malaise, car dans le fond, rien ne change. Reste une humanité honteuse, déshonorée. LINERION l'explique bien dans un des derniers paragraphes du livre :

Et d'un coup, ça m'est venu à l'esprit, que ce n'est pas le soleil qui est terrible. Que c'est nous ! Que c'est le soleil qui a peur de nous. Qu'il ne veut plus voir de champ de marins rayés morts. Que c'est pour ça qu'il nous a chassé de devant sa face.

Outrage et Rébellion est un livre à lire mais il ne plaira pas à tout le monde. de mon côté, j'y ai trouvé du bon et du moins bon. Les longueurs, la difficulté de rentrer dans l'histoire à cause de la pluralité des points de vue, l'impossibilité de s'attacher à un quelconque personnage, le style difficile à suivre ... Mais c'est aussi une bonne grosse claque dans la figure de l'humanité. J'aime bien les livres qui mettent des baffes à l'arrogance humaine.
Lien : http://ledragongalactique.bl..
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Ce roman raconte en plusieurs étapes l'ascension artistique de Marquis, jeune pension'aire de la chine futuriste (théoriquement la même chine futuriste que celle du [b:Goût de l'immortalité|1860037|Le Goût de l'immortalité|Catherine Dufour|http://d.gr-assets.com/books/1327935669s/1860037.jpg|1860696]). Pension'aire ? Qu'est-ce que c'est ? Je vous laisserai le découvrir.En revanche, ce que je peux dire, c'est que dans cet univers très protégé, Marquis et ses potes vont découvrir la transgression musicale, exprimant leur rage en massacrant joyeusement le style musical en vigueur. Ca ne changera pas beaucoup leur destin ... sauf pour Marquis dont les aventures rebondiront dans les bas-fonds (souterrains) de cette chine étrange.Dit comme ça, c'est assez simple ... mais en fait non. Parce que les gens peuvent changer de sexe ... ou se faire greffer des organes étranges à des positions inhabituelles (le plaisir de s'ajouter un clitoris derrière le pli du genou me paraît par exemple évident).Bon, il faut maintenant ajouter l'essentiel.Ce roman n'est pas écrit n'importe comment. Il reprend en fait le mode de narration (des interviews entrelacées des protagonistes, donc dans un style très parlé) et même le scénario, en un sens, d'une histoire du protopunk ([b:Please kill me|14595|Please Kill Me The Uncensored Oral History of Punk (An Evergreen book)|Legs McNeil|http://d.gr-assets.com/books/1347762524s/14595.jpg|1820137] de [a:Legs McNeil] et [a:Gillian McCain|9096|Gillian McCain|http://www.goodreads.com/assets/nophoto/nophoto-U-50x66-251a730d696018971ef4a443cdeaae05.jpg]). Et effectivement, on sent la même rage chez ces jeunes d'un âge futur que celle qu'on peut encore entendre - même affadie par le système commercial diront les amateurs plus radicaux - par exemple dans "God Save The Queen" des Sex Pistols. Pourtant, en lisant le roman, on sent bien qu'il ne s'agit clairement pas de la musique : rien de commun entre le titre précité et "Maintenant j'ai plus qu'un seul pied" (dont le titre s'inspire peut-être de Matmatah, mais dont j'imagine très mal que la musique et le texte ait le moindre rapport). Et une fois que la première partie (en pension, donc) se termine, on comprend bien mieux - et on partage - la raison de la révolte des potes de Marquis (par contre, sa révolte à lui reste un mystère).Malheureusement, je dois dire que ce qui vient par la suite est beaucoup plus "classique" : la révolte initiale est récupérée par divers intervenants, qui vont modeler les textes et l'image de Marquis pour pouvoir mieux utiliser cette musique, cette médiatisation, à leur intérêt. Et du coup, je dois dire que j'ai moins accroché, d'autant plus que les personnages mis en scène étaient un peu moins percutants que les premiers pension'aires.Attention, ça reste toutefois de la vraie littérature qui frappe façon ampli balancé dans la tronche. Mais, avec la lente déchéance de Marquis qui comprend sa - mauvaise - place dans la société, l'intérêt baisse un peu. Parce qu'autant un type qui chante "mes tes leurs nos rognons" (sans réellement comprendre le sens de ces paroles alors que tout son public le comprend) est absolument génial, autant le même qui ne fait que végéter entre deux concerts oubliables (parce qu'il est trop défoncé pour chanter) me paraît moins sympathique.Cela dit, je crois que je comprend l'intérêt de nous décrire la déchéance plus que l'explosion de talent initial.Je m'explique ...Dans votre vie, vous avez vu combien d'artistes grandir ? Par grandir, je veux dire le voir s'améliorer presque à chaque performance ...Ca n'arrive jamais : les artistes sont comme des fleurs, vous en voyez un bouton qui, un jour, explose en une fleur magnifique, mais éphémère. Et à chaque fois que l'artiste - ou pire encore, son "entourage" - essaye désespérément de surnager quand le talent l'a quitté, on le voit pourrir sur place. C'est en un sens ce qui arrive à Marquis, qui s'enfonce dans une déchéance sans fin, avant que le courant musical qu'il a créé ne se dilue dans toute la musique de ce futur étrange.Bon, je n'irai pas jusqu'à dire que ce roman est une espèce de miroir que se tend l'auteure à la façon d'un memento mori, ce serait surinterpréter. Je pense plutôt qu'elle a essayé - et réussit - à nous montrer ce que peut être la vie d'une authentique rock-star.Et malgré la drogue de mauvaise qualité, malgré l'oxygène en quantité limitée, malgré le tapin, mon dieu que ce Marquis est sexuel. Sexuel comme ... je sais pas moi, un mélange entre Jim Morrison, Robert Plant, et toutes ces autres rock-stars dont la simple vue à l'écran suffit à instiller les fantasmes les plus torrides.Et pour ça, et pour d'autres raisons moins avouables, je pense que c'est quand même une oeuvre qui vaut le coup, largement, absolument même, de lire. Parce que l'esprit de la musique rebelle, qu'elle soit rock, punk, rap, jazz, ou n'importe quelle autre est entrée dedans et en a rempli chaque page.
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C'est par hasard que je suis tombé sur Outrage et Rébellion. D'ailleurs c'est un peu normal : il n'est sorti en poche que cette année (la version brochée datant de 2009). du coup, je me suis jeté dessus sans hésiter car Catherine Dufour est de ces auteurs à qui je fais confiance. Deux de ses bouquins ont suffi à m'emballer : le goût de l'immortalité, roman SF aux multiples récompenses (voyez donc ici pour plus de détail) et L'accroissement mathématique du plaisir, un recueil de nouvelles bourré de bonnes choses. Non, je n'ai pas encore lu le reste (ses parodies de fantasy par exemple) car je prends mon temps, voyez-vous. Outrage et Rébellion se déroule dans le même univers que le goût de l'immortalité : on y retrouve donc un avenir dystopique (je ne le souhaiterais en tout cas pas à mes descendants) dans lequel the place to be pour l'humanité amochée semble être la Mandchourie, et plus précisément Shanghai.

Outrage et Rébellion est un gros bouquin, de 500 pages environ, et il s'y passe plein de trucs. Pas question que je dévoile quoi que ce soit de son intrigue, j'ai pris trop de pied à la découvrir pour gâcher ce plaisir à qui que ce soit, mais en décrire les bases n'engage à rien. Tout part d'une pension' (avec une apostrophe, c'est comme ça) où sont reclus tout un tas d'ados priés de rester en bonne santé et de s'enrichir l'esprit jusqu'à ce que leurs parents les réclament. L'ensemble est baigné dans une joyeuse ambiance de tradition et de compétition et si la majorité des pensionnaires jouent le jeu, d'autres s'emmerdent copieusement et se demandent un peu à quoi tout ça rime. C'est là qu'arrive l'idée du siècle : jouer de la musique ouvertement provocatrice, si possible très fort, que ça plaise ou non au public. Il s'agit là d'un concept que n'importe qui ayant un peu entendu parler des Sex Pistols devrait piger : désespoir latent, cheveux gras, hurlements rauques, public médusé, drogues dures, subversion… de là naît un mouvement particulier, quelque chose de différent dans la morosité de cette pension' coupée du monde. Rien de joli : c'est crade et la majorité des sympathisants sont défoncés en permanence, mais un petit quelque chose est lancé, centré autour d'un type nommé marquis (sans majuscule, c'est comme ça), qui n'a pas fini de faire parler de lui.

Inutile d'en dire plus, même si j'en ai bien envie. Passons plutôt à la forme. On devine rapidement qu'on a sous les yeux une espèce de documentaire historique, la reconstruction a posteriori d'une époque restée dans la mémoire collective. Bref, ce n'est pas un seul narrateur qui nous raconte cette histoire, mais plusieurs dizaines. Chaque protagoniste survivant apporte sa pierre à l'édifice et fait appel à ses souvenirs. Cette façon de présenter les choses rend le tout très dynamique, d'autant que chacun d'entre eux possède sa propre façon de parler (en général des plus fleurie). du coup, on finit assez vite par les reconnaître à leurs tics de langage, à leurs expressions, mais aussi à leurs opinions sur les autres et sur les événements. Un personnage peut très bien nous être présenté comme héroïque à une page et comme un tas de merde à la suivante. Question de point de vue.

J'avais été frappé par l'ambiance dramatique et violente du Goût de l'immortalité. Ici, on se rend compte assez rapidement que de l'eau a coulé sous les ponts depuis les événements du premier opus (dont Outrage et Rébellion est une sorte de suite) mais qu'on ne baigne pas pour autant dans l'optimisme débridé*. En fait, l'ambiance est grosso modo toujours aussi glauque mais une différence de taille réside entre les deux bouquins. Là où le Goût de l'immortalité est narré par une très vieille dame à qui la vie n'a pas fait de cadeau, Outrage et Rébellion est raconté par une palette haute en couleur d'anciens paumés, junkies, musicos et déchets humains un peu étonnés d'être toujours en vie. du coup, ça donne une tonalité vachement détachée à des événements pourtant tout aussi déroutants que dans le goût de l'immortalité. En fait, j'avais aussi dénoté un certain détachement dans ce dernier, mais de nature plutôt sinistre, alors qu'ici il serait davantage rigolard, parfois revanchard, nostalgique, délirant ou carrément vulgaire.

Ce qui est certain, c'est qu'il s'agit d'un roman résolument punk. Catherine Dufour a pris les ingrédients des divers mouvements musicaux nés « en réaction à » (le punk donc, bien sûr, mais pas seulement) et les a expédiés dans trois siècles à Shanghai, parmi des ados désoeuvrés d'une planète moisie. Les éléments SF du bouquin ne sont pas non plus négligeables et s'intègrent à merveille à l'ensemble. L'un ne va d'ailleurs pas sans l'autre : il s'agit tout simplement de SF Punk. Quant aux acteurs de ce punk du futur, la question est finalement de savoir si Catherine Dufour a réservé à leur oeuvre un meilleur avenir qu'à celui de leurs illustres ancêtres. En d'autres termes, ce mouvement finira-t-il digéré par le système, purgé de toute valeur contestataire, ou bien ira-t-il jusqu'au bout de son ambition ? Tout ce que je peux dire là-dessus, c'est que le résultat est des plus efficaces et franchement jouissif.

* Débridé… chinois… non ? Bon.
Lien : http://nonivuniconnu.be/?p=1..
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
C'est une chose de jouer devant cinquante ruinés défoncés. C'en est une autre de rassembler cinq cent pensionnaires qui n'ont aucune autre distraction ! Ils venaient nous poser des questions absurdes sur nos paroles. Comme si nous avions voulu dire quelque chose ! Je leur expliquais que le sens de nos paroles c'était qu'il ne fallait obéir à personne, et ils répondaient : « Obéir à personne ? Ah, d'accord, c'est noté. Et sinon, faut faire quoi d'autre ? » Désespérant.
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Quand il est tombé, c'est là que je me suis rendu compte que marquis était - c'était, comment ? Marquis se battait pas comme les autres avec ses admirateurs. Ses admirateurs - ben, ils l'admiraient comme des fous, c'est tout. Marquis leur donnait des coups sur la tête, mais eux pas. Parce que c'était clair que marquis était à la fois très au-dessus et très au-dessous de tout le monde. Et vachement à côté, aussi.
C'était ça, marquis.
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Ceux des frat' posaient le pied sur leurs mollards tandis que nous, on faisait des concours avec les nôtres ; ils baisaient furtivement entre deux remises de médailles pendant qu'on s'enculaient en couronne ; ils couraient après une musculature parfaite et nous, après le loa-amer ; ils avaient l'ambition de contrôler jusqu'à leurs sourcils et nous, on travaillait à perdre tout contrôle - ils voulaient tuer tout le monde et nous, putain, on avait simplement peur de mourir.

Du coup, ils nous prenaient pour des monstres et nous, on les prenait pour des débiles.
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Je veux dire, vous êtes né sous la pluie avec un Bec-de-lièvre, qu'est-ce que vous pouvez penser, moralement, d'un multisexe qui carbure aux neurotransmetteurs ? A part : "Brûlez-moi ça !" Jusqu'au moment où tous les gens autour de vous vous regardent avec de grands yeux et vous répondent : "Mais ça va bouffer de l'oxygène !"
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ANANA : J'étais horrifié. Mais horrifié ! Je voyais ce pauvre marquis se décomposer encore un peu plus sur sa natte tandis que drime lui expliquait le sens de l'expression "se faire vider".
Mais qu'est-ce que marquis avait bien pu imaginer, bon sang ? Que les sortants grassement médaillés allaient rejoindre leur famille au sommet des tours ? Dans une grande scène de liesse familiale ? Et que les mauvais élèves, une fois vidés - hm, virés de la pension, étaient balancés dans la suburb par des parents déçus ? Pork, un truc stupide comme ça, plus ou moins. Je ne sais pas, vraiment !
Tout le monde savait ce qui nous attendait. Mais je ne sais pas comment, c'est vrai. Est-ce qu'on en parlait entre nous ? Disons : c'était implicite. Quand est-ce que tu as appris qu'il y a une lune dans le ciel, toi ? Moi, je ne me rappelle pas.
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Videos de Catherine Dufour (25) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Catherine Dufour
De "La Main Gauche de la Nuit", au "Nom du monde est forêt" en passant par "Les Dépossédés", l'autrice américaine de science-fiction Ursula le Guin, disparue en 2018, a tissé une toile narrative complexe d'une grande beauté littéraire et d'une actualité thématique brûlante.
Réflexion sur le genre et féminisme, écologie, inégalités sociales, ce sont autant de préoccupations qui se dessinent subtilement dans l'oeuvre monde de cette touche-à-tout
En compagnie de ses invités, Catherine Dufour, écrivaine de science-fiction et Jérôme Vincent, directeur éditorial des éditions ActuSF, Antoine Beauchamp vous propose de découvrir cette immense autrice qui fut un temps pressentie pour le prix Nobel de littérature.
Photo de la vignette : Dan Tuffs/Getty Images
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