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Antoine Duhamel (Préfacier, etc.)
EAN : 9782258075856
807 pages
Omnibus (20/02/2008)
3.8/5   5 notes
Résumé :

En cette année 1920, le docteur Duhamel, médecin juste rentré du front, prix Goncourt 1918 pour Civilisation, publie Confession de minuit ; il crée là, dans une langue d'une précision rigoureuse qui en fera un des grands stylistes de son temps, le premier héros de ce XXe siècle qui vient de naître dans la plus grande des douleurs. Quinze années durant, à travers cinq romans et une nouvelle, le personn... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Avec Vie et aventures de Salavin, Duhamel introduit dans la littérature française ce type d'anti-héros aux prises avec ses problèmes existentiels et universels que l'on retrouvera dans La Nausée de Sartre ou dans L'Etranger de Camus. Salavin est un terne employé de bureau, qui, sur un geste stupide et gratuit, a perdu sa place. Sa chambre de vieux garçon, chez sa mère, et les rues de Paris, sont les décors privilégiés, de ses soliloques désespérés et de ses remises en question. C'est un être qui a le malheur – ô combien répandu! - de ne pas se contenter d'être seulement lui-même, et qui rêve, de don de soi, de sublimes dévouements, d'actes totalement gratuits et désintéressés, de bonté noble et d''héroïsme. Ce personnage d'écorcé-vif est humblement humain, et cependant, universel, dans sa quête de sens à sa vie et d'absolu.
J'ai le sentiment que Duhamel, grand lecteur de DostoÏevski, a cherché à transposer , dans l'atmosphère de Paris,un personnage du génial russe, une sorte d'homme complexe, paradoxal, ténébreux et torturé. La greffe a pris avec des résultats inégaux, et ce n'est pas faire injure à ce grand romancier de dire que peu d'auteurs peuvent soutenir la comparaison avec le grand Fiodor.
Pour obéir aux goûts de l'époque en établissant une comparaison, chose aventureuse en matière d'art, je dirais que j'ai mieux goûté, de Georges Duhamel, la Chronique des Pasquier.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
30 Juillet. – Au troisième étage, de l’autre côté de la rue, dans l’hôtel neuf, loge depuis quelque temps un homme qui m’intéresse beaucoup. J’ai , sur sa chambre, un coup d’œil plongeant. Le soir, j’éteins ma lampe, je m’assieds dans le fauteuil crapaud, ce qui est une façon de ne pas le voir, ce fauteuil, puisque je n’ai pu m’en défaire, et, pendant de longues minutes, parfois des heures, je regarde l’inconnu de l’hôtel. Sa fenêtre est ouverte, à cause l’extrême chaleur. Il n’a pas même l’air de soupçonner qu’on peut le voir.
Les premiers jours , je l’observais négligemment. Je me passionne à ce jeu. L’inconnu se tient, le plus souvent, assis devant une petite table, comme moi-même. Il écrit, sur des calepins, remue toutes sortes de petits papiers, ou bien lit, un stylographe aux doigts. De temps à autre, il recule son fauteuil, allonge les jambes et s’étire en soupirant. La nuit est si calme que j’entends l’homme soupirer. Ah ! voilà qu’il enlève ses chaussures. Il soulève doucement le bout de ses chaussettes, ce qui repose le pied. Il se remet à lire. Il baille.
C’est un homme seul. Du moins il se croit seul. Peut-il imaginer que, là-haut, immobile comme une araignée à l’affut, un autre homme seul épie, dans l’ombre de la mansarde ? je ne suis pas très sûr de ne pas faire une chose coupable. Il me semble que je viole un secret terrible.
L’inconnu baille encore. Il se passe la main sur le front. De minute en minute, il glisse un index distrait dans son pantalon et se gratte. Un homme seul, que c’est triste ! Comme il est immobile ! Il dort ? Non, il doit rêvasser. Ah ! Il se met les doigts dans le nez. Il se lève. Il boit un verre d’eau
Je ne devrais pas rester là. Ce n’est plus de l’indiscrétion, c’est un crime de lèse-humanité.
Voilà qu’il se lève. Il se tord les doigts. Il remonte vers le fond de la chambre et disparait aux trois-quarts : je ne vois plus que ses jambes. Oh ! oh ! Il vient d’éteindre la lumière.
Que fait-il ? je frissonne d’une sorte d’horreur. Et j’éprouve un infini soulagement. En éteignant sa lumière, il m’a délivré, désenchainer. Je vais mettre mes paperasses en ordre et me coucher. Je fermerais ma fenêtre. Il n’y a de solitude que dans la mort.
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Je suivais le trottoir, marchant de préférence sur la bordure de granit. Je laissais le bout de ma canne tremper dans le ruisseau. J’aime les ruisseaux des rues. Ils coulent sur des pavé et tarissent à une heure fixe, je sais; ils ne naissent pas d’une source, mais d’un robinet de fonte. Tant pis! On n’a jamais que la poésie qu’on mérite. J’ai passé une partie de mon enfance, malgré ma pauvre maman, à pêcher des épingles rouillées et des boutons de bottines dans les ruisseaux de la rue Tournefort. Aujourd'hui, je ne patauge plus dans l’eau sale, mais je regarde encore avec attention les petit morceaux de vaisselle, le gravier, les infimes débris que le courant lave et entraine peu à peu vers l’égout. Et puis, le ruisseau chante quand même sa petite complainte. Cela me fait penser à des prairies, à des fleuves, à des pays que je connaîtrai jamais. C’est de l’eau civilisée, de l’eau pourrie. De l’eau, de l’eau malgré tout! La mer, les grands lacs, les torrents dans la montagne! Si vous passez rue Lhomond, le soir, assez tard, à l’heure où les bruits de Paris s’engourdissent et s’endorment, vous entendrez, au dessous de vous, tous les égouts de la montagne Sainte-Geneviève qui chantent doucement, comme des cataractes lointaines. Ce sont les cataractes de mes voyages, à moi.
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Pendant plusieurs semaines, je me suis trouvé si recru, si démoralisé que je faisais semblant de ne pas vivre, pour n’être point tenté de me détruire. Petit à petit, le calme est revenu. L’oubli suivra ; c’est ce qu’il y a de plus terrible. Je reprends mon journal et j’écris, pour ne pas oublier. J’ai fait, de ma personne, un examen général sans indulgence ; car, si je manque d’indulgence pour les autres, j’en manque aussi pour moi-même. Que cette justice dérisoire me soit, en secret, rendue. Je suis faible et lâche. Voilà. Me délivrer en me tuant serait trop simple et trop beau. Je suis faible et lâche pour l’éternité. Je ne crois pas à l’immortalité de l’âme et, pourtant, je suis faible, lâche, triste pour l’éternité, car la tristesse et la lâcheté ne sont pas que de Salavin, elles sont de l’éternité. Elles me survivront, comme le feraient mes vertus, si j’en avais. Je n’ai pas mérité cela, pas plus qu’Alexandre et César ne méritaient leur courage et leur gloire. Je n’ai pas mérité ce lot. Si je ne me suis pas tué, pendant le mois de septembre, c’est parce que ma mort ne suffirait pas à tuer toute la lâcheté du monde, l’éternelle lâcheté, l’éternelle tristesse du monde.
L’automne est venu. Je vis encore. Chose affreuse, je me suis repris à espérer. Déjà ma pensée, comme un chien, trotte en reniflant sur une autre piste.
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Ce que je pensais de la solitude, hier soir, est absurde. La solitude est partout. Quand je marche dans la rue, s’il arrive, par hasard, que le rythme de mon pas s’accorde au rythme d’une autre personne qui va dans le même sens que moi, l’un de nous, tout aussitôt, fait en sorte que cet accord sois rompu, en pressant ou en ralentissant l’allure. C’est comme une amère politesse. Mille pardons ! Chacun chez soi, chacun dans son trou.
Le mot « nous » me dégoûte : il sert à tout. Il me prostitue à n’importe quelle société. Cerbelot et moi, c’est encore « nous ». Je rêve d’un mot plus chaste, qui ne me servirait que pour ceux que j’aime et pour moi.
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Il y a, sur la toilette, un petit miroir fêlé. Je l’ai retourné contre le mur. Je n’aime ni mon visage, ni mon âme, ni mon destin, et, pourtant, si je m’interroge avec franchise, je sens bien que je ne voudrais changer d’essence avec personne. Je ne connais pas d’homme qui voudrait changer vraiment et totalement d’essence avec qui que ce soit. D’un autre, on aimerait les dents, le teint, les traits, la prestance, le savoir, la fortune. Pas la racine, pas l’être profond, par cette chose qui est le moi, se moi que l’on préfère, malgré tout, même en le haïssant.
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Vidéo de Georges Duhamel
Première partie de la conférence sur Georges Duhamel donnée le 25 mai 2016 à l'Institut Henri Poincaré à l'occasion du Festival Quartier du Livre (Paris 5ème) par Philippe Castro.
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