La Tour de Nesle - Henri III et sa cour

Ce livre réunit deux pièces d'Alexandre Dumas : « Henri III et sa Cour » et « La Tour de Nesle ».

Leur réunion par Sylvain Nedda est loin d'être un choix aléatoire. D'abord elles constituent les premiers succès de Dumas sur scène. On est en 1829 pour Henri III et 1832 pour Nesle et il faudra attendre encore une décennie bien tassée pour que l'auteur accouche en quelques années de ses chefs d'oeuvre qui sont encore de nos jours lus avec passion.

Ensuite, elles parlent toutes les deux des temps de chute d'une dynastie : les Valois pour Henri III et les Capétiens Directs pour Nesle. Et ceci n'a rien d'innocent à l'époque des derniers sursauts de la monarchie en France. Faut-il rappeler que Dumas était plutôt républicain convaincu et a participé à la révolte qui a menée à la chute du régime de Charles X en 1830 ? Pourtant elles n'ont pas été si mal reçues que cela par le pouvoir. Après tout, taper sur les Valois quand on est descendant de Bourbon, c'est de bon aloi.

J'ai dit en détail ce que j'avais ressenti à la lecture de chacune (sur les liens dédiés à ces pièces). Pour résumer, j'ai moyennement apprécié « Henri III et sa Cour » dont la description des évènements historiques, s'ils sont intéressants et toujours admirablement relatés par Dumas, étouffent malgré tout l'histoire de la pièce qui veut tourner autour des amours adultères de Saint-Mégrin et de Catherine de Clèves, épouse de l'abominable et ambitieux duc de Guise. Il y a comme un problème d'équilibre. La pièce est doit être de plus assez difficile à suivre sur scène de nos jours si l'on n'est pas bien armé historiquement ; le nombre de notes de bas de page décrivant la biographie des intervenant en témoigne.
En revanche « La Tour de Nesle » m'a littéralement assommé de joie. Partant de la légende noire de Marguerite de Bourgogne, reine et épouse de Louis X le Hutin, elle met en scène une lutte à mort entre cette femme implacable, et pourtant parfois si faible, et Buridan, autre homme assoiffé de pouvoir. Stratagèmes, traitrises et incroyables révélations s'enchainent pour le plus grand bonheur du lecteur et du spectateur.

Ce fut un plaisir de découvrir l'auteur de théâtre après le romancier dont j'ai à peine abordé l'oeuvre. Mon prochain Dumas, je le connais : ce sera « La Dame de Monsoreau », assez proche, je crois, de l'univers d'« Henri III et sa Cour ».

Je renoue avec le drame romantique avec La Tour de Nesle de Dumas.
La pièce reprend la légende des amants de Marguerite de Bourgogne à la Tour de Nesle, amants d'un soir, condamnés à mourir et être jetés dans la Seine au petit matin. Dumas ne se préoccupe pas outre mesure de vérité historique mais garde ou enrichit le texte de tout ce qui peut contribuer à porter le drame à son maximum.

C'est bien rafraichissant tous ces retournements, cette exaltation, cette vie poussée à incandescence et sans cesse côtoyée par la mort. Il y a là une liberté sans pareille : foin des unités de temps et de lieu, foin de la bienséance, Dumas fait feu de tout bois. Et ça marche, on est emporté par l'action, la fureur des personnages (quel que soit le sentiment qu'ils éprouvent). C'est une marche vers l'accomplissement d'un destin comme dans une tragédie antique, et plus les personnages luttent et se débattent, plus ils resserrent les liens qui les condamnent et plus la vérité se révèle.

Alexandre Dumas père était très jeune lorsqu'il a écrit Henri III et sa cour. C'était en 1829, alors qu'il avait 27 ans ; il n'était pas encore connu. Henri III et sa cour est souvent considéré comme le premier drame historique de l'ère romantique.

L'histoire se déroule vers 1575 en France, sous le règne du roi Henri III. Catherine de Médicis va voir un étrange astrologue et lui demande de l'aide pour évincer ses ennemis, Saint-Mégrin et le Duc de Guise. Pour se faire, rien ne vaut une dispute amoureuse autour d'un triangle amoureux. Catherine de Médicis va donc organiser une rencontre entre Saint-Mégrin et la duchesse de Guise, l'un comme l'autre s'aime, mais les liens du mariage l'unie au Duc. Va découler de cette situation une vengeance amoureuse et un drame romantique. Catherine en profite pour asseoir son pouvoir sur son fils : elle le fera promettre de lui obéir, afin de déjouer le coup d'état organisé par Saint-Mégrin. Henri III lui offre tous les pouvoirs, Catherine évince Saint-Mégrin, ne reste plus qu'à se débarrasser du Duc de Guise, mais Catherine détient déjà des informations compromettantes…

Si on ne s'attache qu'à l'intrigue du point de vue amoureux, on sera déçu. Mais il faut bien comprendre que dans cette pièce, Catherine de Medicis, la « reine-mère », est celle qui tire les ficelles dans l'ombre, celle qui détient le pouvoir. Elle est la vraie force de cette pièce puisqu'elle est à l'origine du drame qui s'accomplit sous nos yeux. N'oublions pas que toute l'intrigue se construit autour de sa volonté : retrouver tout le pouvoir d'une reine, au détriment de son fils, et vaincre ses deux ennemis, Saint-Mégrin et le Duc de Guise, qui pourraient, l'un par ses rapports avec le roi, l'autre par son intelligence politique, finir sur le trône.

Le style est plutôt pauvre, il a l'honneur de se vouloir naturel. À la fin, le rythme est haltant, quoi de plus vrai pour décrire un sentiment amoureux et une menace de mort qui plane dans le ciel ? Cette pièce est vraiment agréable à lire, on en retiendra l'histoire, on se souviendra d'un roi pas tout à fait roi, d'un favori très puissant et d'une mort étrange. Mais attention ! Alexandre Dumas s'est servi de sources pour trouver son histoire (c'est bien le but d'un drame historique), mais pour le plaisir des spectateurs du XIXe, il a pris des libertés et a modifié la destinée des personnages, pour les rendre dramatique, romantique.

Voici donc une pièce qui se lit vite et qu'on apprécie plus pour son naturel et son accessibilité que pour un style qui serait recherché et travaillé. Il faut le dire : cette pièce a fait le succès de Dumas père, qui, après avoir été très connu comme dramaturge, n'a plus été reconnu que comme romancier.

Lien : https://culturelivresque.fr