Cette critique concerne uniquement
Angelo Tyran de Padoue
Après avoir écrit tant de romans, de pièces de théâtre, de poésie, et s'être autant engagé dans la société de son époque,
Victor Hugo continue à toujours se renouveler et nous surprendre.
Angelo Tyran de Padoue est un très bon exemple de sa productivité.
L'histoire se déroule à Venise, sous une république en morceau du XVIe siècle. Angelo est le Tyran de Padoue, il est marié à Catarina, mais il est jaloux de la Tisbe qui est son vrai amour. La Tisbe, elle, aime Rodolfo, là encore il y a un hic puisque Rodolfo aime Catarina. Pour envenimer le tout, Homodei, espion puissant du conseil des Dix, qui était lui aussi amoureux de Catarina, va vouloir se venger d'elle en activant la jalousie de Tisbe. Cela va engendrer un drame, des plus violent, qui laissera une trace aux personnages qui y survivront.
La pièce a été écrite en quelques semaines, en 17 jours exactement, c'est-à-dire très rapidement. On y retrouve de nombreuses références à d'autres pièces. L'histoire est travaillée, elle se veut le reflet de toutes les femmes à travers les figures de la Tisbe et Catarina. Il voulait aussi, comme il le dit dans sa préface « [r]endre la faute à qui est la faute, c'est-à-dire à l'homme ; qui est fort, et au fait social ; qui est absurde. » Pour rendre justice aux femmes qui aiment.
La trame narrative, quant à elle, est profondément dramatique ; on y retrouve tous les éléments auxquels on peut s'attendre dans un drame romantique : du poison, un couteau, de la jalousie, de l'amour, une vengeance. Il passe par le mélange du sublime et du grotesque, propice à la création ; mais aussi par les thèmes du drame domestique qui permettent à chacun de s'y reconnaître.
Ce drame romantique est aussi étonnement féministe : le vrai pouvoir est entre les mains des femmes. « C'est bien une odieuse république que celle où un homme peut marcher impunément sur une malheureuse femme, comme vous faites, monsieur ! » (Catarina, Journée III, Deuxième partie, Scène VIII). En quelques lignes, Catarina, victime de la colère de son mari dénonce une machine judiciaire qui ne serait là que pour broyer sous la direction des hommes. Elle reproche aux hommes la pratique du mariage forcé, mariage confondu avec un marché financier. Et enfin, elle crie à l'injustice : pourquoi les hommes auraient le droit de pratiquer l'adultère, mais pas les femmes ? Pourquoi la femme ne peut-elle rien faire sans le consentement de son mari ?
Finalement, le sujet qu'il exploite est encore très actuel. Une violence conjugale, un malfaiteur qui agit dans l'ombre et des femmes qui s'entraident. C'est là ce qu'il souhaitait : « Peindre, chemin faisant, à l'occasion de cette idée, non seulement l'homme et la femme, non seulement ces deux femmes et ces trois hommes, mais tout un siècle, tout un climat, toute une civilisation, tout un peuple ». Pour lui, c'est par la littérature qu'on crée un peuple à partir d'une foule, et cela passe par une morale. Mais toutes les histoires ne finissent pas en drame, bien heureusement !
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