AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,49

sur 1412 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Lire Duras c'est accepter de lâcher prise au risque de passer à côté de sa transcendance et de la beauté du texte. D'un réel elle finit par s'adresser à l'univers de chacun presque à son inconscient. le texte est magnifique, la trame inquiétantes et en même temps une ironie jouissive et une lucidité sur l'humanité impressionnante. le chapitre sur le dîner est à savourer particulièrement. Pour moi un des meilleurs Duras.
Commenter  J’apprécie          30
« Madame Bovary réécrite par Bela Bartok », c'est ainsi que Claude Roy résumait, dans un article de Libération, "Moderato Cantabile" lors de sa parution en 1958, avant d'ajouter qu'« il s'agissait avant tout, d'un roman de Marguerite Duras (qui ne ressemble finalement à personne) et de son meilleur livre ». J'aime bien la formule facétieuse de Claude Roy mais pour ma part, ce roman m'évoque davantage les tableaux d'Edward Hopper et tout particulièrement le tableau "Nighthawks", peint en 1942, où l'on voit, depuis la rue plongée dans l'obscurité de la nuit, l'intérieur illuminé d'un bar, où un homme et une femme sont accoudés au comptoir, regardant devant eux, silencieux, comme si les paroles qu'ils s'étaient échangées les ramenaient tous deux dans un autre temps ou dans un autre lieu, ailleurs.

La rencontre d'Anne Desbaresdes, la femme de directeur, et de Chauvin, l'ouvrier, dans ce café au bout de la ville où un homme a tué la veille sa maîtresse pour des raisons qu'ils vont tenter tous les deux de comprendre – et peut-être de partager –, tandis que le fils d'Anne joue seul à l'extérieur du café, cette rencontre me fait penser à l'atmosphère à la fois familière et inquiétante, et finalement tellement humaine de ce tableau de Hopper (et de bien d'autres tableaux de ce peintre). Les mots de Duras comme les silhouettes et les taches de couleur de Hopper savent si bien faire parler les silences.

Je ne saurais dire mieux que Dominique Aury, à propos de ce roman : «Modéré et chantant, peut-être, mais Moderato Cantabile est moins fait de musique et de mélodie que de lumière silencieuse, perçante et brusque comme la lumière des phares tournants; et comme la tranchante lumière laisse dans l'oeil une trace de feu, Marguerite Duras laisse dans l'esprit une sourde traînée de phosphore, qui brûle. »
Commenter  J’apprécie          225
Oh la claque ! Encore et toujours Duras. J'adore. Pas étonnée quand Dominique Aury écrit en 1958 « Marguerite Duras laisse dans l'esprit une sourde traînée de phosphore, qui brûle. » Il y a de la soumission dans ce roman, une chienne qui n'entre pas chez son Maître tant qu'il ne le lui a pas permis, qui va jusqu'à lui demander l'impensable et qui le réalisera, lui par amour, à la différence de ce pleutre de Sir Stephen. Mais j'y ai vu aussi du Boulgakov par cet enivrement des sens, comme si le chat -ici sous forme de vin rouge- entraîne Anne dans des tourments qu'elle ne comprend pas toujours, une part diabolique d'elle qu'elle n'avait pas encore entrevue. Et c'est érotique, tant cette fleur qui touche ses seins, la rondeur de cette poitrine dévoilée certains soirs, comme il aurait aimé y plonger, se frotter pour mieux sentir, éprouver. Et cette sensualité dans les jeux de main, ces frôlements, à regret. Chauvin, Gauvain, un autre parallèle qui me vient. Duras laisse le lecteur trouver sens à ce texte si minimaliste. J'y vois tellement, j'en suis encore sous le choc. Évidemment ce ne sont que des sensations, pas forcément justes du reste, mais ce texte est un sacré vibrato. Certainement pas moderato cantabile.
Commenter  J’apprécie          542
Un petit chef d'oeuvre de non-dit, de suggéré, de narration en pointillé, de silences qui racontent toute une histoire. Une histoire d'amour impossible, suscitant la réprobation générale, entre une grande bourgeoise, Anne Desbaresde et un ouvrier, Chauvin, qui se parlent sans se parler, s'étreignent sans se toucher, à peine deux mains qui se recouvrent et des lèvres qui fugacement se rejoignent et qui s'enivrent ensemble à défaut de réciproquement se pénétrer. Un désir résumé à une fleur de magnolia qui se fane sur une poitrine à moitié nue, sensualité aussi retenue qu'enivrante. Un enfant qui est là comme témoignage d'un lien entre Anne Desbaresde et sa vraie vie, un enfant qui disparaît dans la scène finale quand l'impossible, en liséré, pourrait presque paraître réel. Paradoxe aussi que le dialogue entre les deux héros, victimes de tous les impossibles, se noue à propos d'un crime passionnel ancré lui dans le drame et la réalité. Bref, une rare prouesse littéraire, troublante, délicate et d'une inouïe intelligence
Commenter  J’apprécie          51
J'ai découvert ce roman adolescente et il m'a profondément marquée ... je l'ai relu 15 ans plus tard et j'ai toujours autant aimé. le thème de la passion destructrice sûrement ...
Commenter  J’apprécie          20
Moderato cantabile audio de Marguerite Duras.

Je remercie Masse Critique et les éditions Thélème qui ont créé le CD Moderato cantabile lu par Pauline Huruguen. Je n'avais pas lu cette oeuvre de Marguerite Duras et je l'ai donc découverte à travers la lecture et la voix d'un tiers. Et cela est important surtout pour ce type d'oeuvre.
L'histoire : un petit garçon, accompagnée de sa mère Anne, prend des cours de piano avec Mlle « Giraud ». Pour cet enfant et ce professeur, un rendez-vous hebdomadaire à contre coeur, très difficile, exécrable tandis que dans la rue existent des cris, le mouvement, l'amour, un crime passionnel et la police. La vie passe par la fenêtre et remplit la séance de piano ponctuée de la sonatine de Diabelli. Sa mère est seule, un peu perdue avec son fils et se lie avec un monsieur dans un bar. En fait, peut-être que l'histoire est secondaire. L'important est l'atmosphère, les bruits, les odeurs, le temps qui passe lentement, un temps inutile, un parc, un enfant avec un cartable, un port avec son quai trop long, la mer, un remorqueur qui passe dans le silence, les usines. C'est un chant lent, modéré, très modéré.
Tout ceci raconté avec une voix bien timbrée qui laisse à entendre les silences. Écouter un livre, c'est un peu comme aller au théâtre. Une fois la pièce vue et entendue, c'est le souvenir de cette interprétation qui reste.
Bien sûr cela donne envie de lire cette oeuvre très originale et personnelle.
Commenter  J’apprécie          41
Une ambiance surréaliste dans un décor très précis
un enfant qui apprend le piano à contrecoeur
une femme assassinée dans un café
la mère de l'enfant, étrange, étrangère à sa vie, désorientée
un homme mystérieux
Un texte tout en poésie.
C'est beau, c'est très beau.
C'est troublant et envoûtant
C'est comme une chanson triste, comme une longue plainte
Paradoxe d'un texte écrit d'une manière froide et détachée d'où émergent émotion et sensibilité.
Musical comme la sonatine de Diabelli, je relirai ce livre avec déléctation
Commenter  J’apprécie          499
Je le conseille particulièrement : soit pour découvrir ce genre qu'est le Nouveau Roman, ou l'écriture de Marguerite DURAS, ou rien que pour plonger dans un univers particulier dans lequel le lecteur est prisonnier jusqu'à la fin, tellement le cycle est envoûtant. En tout cas, Moderato cantabile ne m'a pas laissée indifférente.
Lien : http://eternalbooksinwonderl..
Commenter  J’apprécie          60
"Moderato Cantabile" est un roman de Marguerite Duras publié en 1958. C'est un de mes préféré car les leçons de piano accompagnent la musique des mots. Si l'écriture de Duras est simple et dépouillée, la façon dont elle aborde des thèmes profonds à partir d'un fait divers est tout à fait exceptionnelle et propre à l'auteure.

Anne Desbarèdes emmène son fils à sa leçon de piano du vendredi dans un appartement du port. Elle mène une vie bourgeoise sans doute trop bien organisée. Elle aime son enfant dans ses entêtements, ses oppositions farouches à l'autoritarisme du professeur de piano; elle aime cette vie difficile qu'il lui impose, même si elle ne sait comment s'y prendre pour lui faire aimer ces leçons et lui faire accepter la nécessité d'obéir.

Alors qu'elle attend avec lassitude que se termine la séance musicale, elle assiste d'un peu loin, à l'assassinat d'une jeune femme par son amant dans un café voisin. Dès lors, dans son existence saturée d'ennui, Anne va se laisser envahir par une forme de fascination plus ou moins morbide autour de ce drame passionnel. Jour après jour, inlassablement, elle va revenir sur les lieux du crime pour y retrouver Chauvin qu'elle a rencontré par hasard dans le café juste après le drame.

Tout en subtilité, l'histoire d'Anne Desbaresdes est une histoire de sexualité réprimée, de désirs inassouvis. Seule l'ivresse par le vin rouge lui permet peu à peu d'essayer de concevoir l'idée de la jouissance féminine et d'en tenter l'approche pour, à la fin, y renoncer, incapable de se libérer des contraintes qu'elle s'impose à elle-même.
Commenter  J’apprécie          120
En lisant quelques critiques et articles, ici et là, j'en suis arrivée à la conclusion que Marguerite Duras, avec ce magnifique roman qu'est Moderato Cantabile, nous a tous laissés bien perplexes. Pourquoi?

On peut s'attacher aux personnages, à cette femme désespérée qui ne semble plus vibrer que pour son enfant, dans un enfantement sans fin qui la fait terriblement souffrir, peut-être parce que justement, elle sait qu'il n'est pas sans fin. On peut détester cette vieille prof de piano qui a oublié son enfance au pays de la rigueur sévère et de l'opiniâtreté maladive. Qui donne des coups sur le clavier du piano d'un enfant, en répétant "moderato cantabile" comme un perroquet, à tel point que ce n'est plus chantant du tout. On peut avoir beaucoup de sympathie pour cet homme qui attend une femme malheureuse dans un même bar, sans la juger, sans lui faire sentir que parce qu'elle est la femme du chef, elle est exclue de ce monde des ouvriers qui viennent dans ce même bar, tous les soirs, après le travail.

Et bien sûr, il y a cet enfant, que les gammes n'intéressent pas, mais qui ferait n'importe quoi pour faire plaisir à sa mère. Et s'il n'aime pas les gammes et qu'il fait exprès d'oublier ce que veut dire "moderato cantabile", peut-être que c'est parce qu'il voit que la musique est le seul moyen que sa mère a trouvé pour tenter une forme de séparation.

Mais le problème est qu'il n'y a pas que les personnages. Il y a les signes. La mer, le bateau, la lumière. Il y aussi un meurtre, que personne ne voit mais que tout le monde entend. Un crime passionnel qui fascine Anne et Chauvin tant ils aimeraient eux aussi mourir de passion. Alors il va falloir remplir le manque d'images par les mots. Et se raconter une histoire. Il y a aussi le vin, l'odeur des magnolias, une grande maison vide. Davantage de signes que de personnages, pour sûr.

Ainsi en ressort cette impression de vide et d'irréel. le roman est court et épuré, et il parait tellement long, non pas parce qu'il est mauvais, mais parce qu'il fonctionne comme un appel d'air, il nous happe par la présence de l'absence. Et on ne saura pas la fin, comme dans le Square, mais on aura cette certitude, il y a eu une rencontre, et il y a eu du langage.

Paradoxalement, parler est peut-être ce qui reste de mieux à faire pour tenter (peut-être en vain on ne sait pas) de lutter contre, justement, un manque à dire. Et si on ne sait jamais comment ça finit vraiment chez Duras, c'est peut-être parce que la parole n'est jamais vraiment certaine ou acquise, mais elle a le mérite d'exister, et de donner de jolies choses.

Marguerite Duras est pour moi la plus belle poète de l'inaccomplissement.

Commenter  J’apprécie          281




Lecteurs (3637) Voir plus



Quiz Voir plus

Marguerite DURAS

Quel est le bon titre de sa bibliographie ?

L'Homme assis dans le corridor
L'Homme assis dans le couloir
L'Homme assis dans le boudoir
L'Homme assis dans le fumoir

20 questions
190 lecteurs ont répondu
Thème : Marguerite DurasCréer un quiz sur ce livre

{* *}