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3,49

sur 1405 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La répétition lancinante et obsédante d'une routine quotidienne observée par la protagoniste à peine troublée par de légères variations. Dans un style toujours aussi dénudé et profondément poétique rappelant par ses images étonnantes certains écrits d'Apollinaire, Marguerite Duras décrit l'ennuie d'une femme aisée qui ne parvient pas néanmoins à l'épanouissement total.
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Pour comprendre la genèse de ce roman, qui amorce un virage dans l'écriture durasienne, on saura que la dédicace en revint à Gérard Jarlot, dont s'était éprise Marguerite Duras, décrit comme « quelqu'un qui aimait vraiment l'alcool, qui buvait chaque jour ».il sera fort utile de se rappeler ceci : « C'était un amour violent, très érotique, plus fort que moi, pour la première fois. J'ai même eu envie de me tuer, et ça a changé ma façon même de faire de la littérature : la femme de Moderato Cantabile et celle de Hiroshima mon amour, c'était moi ».
Pour Duras l'alcool est à petite dose un puissant moteur d'écriture. On sait quel fut son parcours de femme et d'écrivain malheureusement imprégné d'alcool. Il n'est donc pas étonnant que ce roman parle de l'enivrement d'une femme désoeuvrée de la Bourgeoisie, qui va trouver dans un petit bistrot le prétexte et l'occasion de fuir sa vie qui l'étouffe, en cherchant à comprendre les motifs qui ont poussé le meurtrier à étrangler sa maîtresse, dont elle a entendu le dernier cri quand elle accompagnait son jeune fils à sa leçon de piano.
En partageant son ivresse et ses paroles avinées avec un ouvrier qui l'incite lui aussi à boire, nous sommes ballotés sur une mer de mots eux-mêmes déstructurés et labiles, ou la syntaxe parfois est bancale, temps verbaux et vocabulaire extrêmement travaillés pour donner l'illusion d'une perte d'équilibre et de maîtrise. Cette sensation de nausée et d'ahurissement éprouvée autant par le lecteur que par les protagonistes ne quittera le roman que jusqu'au dernier mot de l'excipit.

Moderato Cantabile est une chanson d'ivrognes qui se bercent à demi mots et sans se presser d'illusions à coup de vin en sachant parfaitement qu'aucune relation sexuelle ne comblera ce vide chantant . le compositeur Diabelli dans son onomastique incarne le Diable-tentation qui joue les angelots avec l'enfant (qui seul représente le bon sens et la mesure - même s'il ne joue pas en mesure parfaitement. La « modération » n'est pas le propre des deux adultes, en particulier de la mère qui ne peut réaliser son désir d'adultère et se fera ainsi remarquer lors d'un dîner par ses propres invités, avinée complètement et incapable de manger une miette. Sur le plan symbolique ou métaphorique, on remarquera qu'elle ne cessera de triturer son camélia blanc (fleur aussi très à la mode pour signifier une appartenance à la bourgeoisie parisienne dont Duras se moque tout au long du repas avec les plats traditionnels sophistiqués de l'époque, notamment le canard à l'orange) qu'elle a piqué au dessus de ses seins, cette fleur qui représente son intimité de femme désirante mais se privant de cette réalisation de plaisir avec son inconnu. de fait la fleur entêtante tout au long du repas se fane et se déchirera au contact de ses mains, pour assouvir et symboliser une passion désirée - non aboutie.

L'homme Chauvin resté cette même nuit dans le jardin de Madame Desbaresdes, pour l'observer, ne la verra pas le rejoindre. Au contraire, elle vomira, au pied du lit de son fil, son vin accumulé durant toute la soirée, signe que la consommation de la chair est impossible. Image hautement symbolique, le vin restitué est celui d'un sacrifice sur l'autel (tapis de l'enfant) de la chasteté, émanant d'une âme corrompue qui a failli et s'est repentie. Elle s'interdit ainsi toute étreinte.

Les dernières lignes offrent des mains qui se referment sur elles-mêmes, Madame Desbaresdes ne souhaitant peut être qu'une chose, de ne plus exister, à l'image de la femme morte par amour, ou qu'elle s'imagine être morte de plaisir en mourant. Souhaite-t-elle être étranglée par Chauvin ? Oui et non. Ces deux-lá vont ils se revoir ? On ne sait pas. La fin se clôt comme elle a commencé, presque en chantonnant et d'une manière très modérée - la vie est ailleurs, sans doute comme l'amour, la Musique demeure un fil d'Ariane sinueux et labyrinthique.

Bref, Marguerite Duras ne donne aucune piste, laisse la voie ouverte, la voix aussi, ce qui offre au lecteur toutes les possibilités d'interprétation.

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Anne Desbaresdes amène tous les jours son fils à ses leçons de piano. Un jour se joue un drame passionnel près de cet endroit. Elle retrouve alors Chauvin, ouvrier qui travaille pour son mari, très bourgeois, dans un café ouvrier tous les après-midi. Il la fait parler autour du vin. Beaucoup de non-dits, la frustration, les peurs et les conventions sociales. Il faudrait que je le relise.
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Le récit commence par un enfant qui prend des cours de piano avec une professeure sévère, et assise, près d'eux, une mère dépassée.
En sortant, elle apprend qu'une femme a été tuée dans un bar en bas de l'immeuble.

Et commence une aventure très durassienne entre rêve et réalité. Où sommes-nous réellement ? Les personnages existent-ils ? Ou sont-ils le fruit de notre imagination.

Comme toujours avec Duras, c'est la rencontre d'une femme et d'un homme. Ici, dans ce bar où le sang a coulé. On ne peut jamais prédire ce que l'autrice va leur faire vivre, ils sont des marionnettes entre ses mains.

Pour aimer Duras, il faut accepter les voyages immobiles, l'irréel, le doute, les hésitations des personnages.

J'ai beaucoup aimé cette histoire décalée qui m'a transportée dans un univers hors du temps et de tout ce que l'on peut lire aujourd'hui.

Lire Duras, c'est accepter de se perdre, de ne pas avoir de réponse à nos questions, c'est plonger dans la tête de l'héroïne, de douter et de se perdre avec elle.
Osez rencontrer Duras, osez lire un récit déstabilisant, ce roman est un voyage unique.
Une très belle lecture à la fois troublante et touchante ❤❤❤
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Ce roman, quel chef-d'oeuvre !

150 pages de tension grandissante. Des questions redondantes.

Marguerite DURAS n'explique pas, le lecteur interprète, devine, invente, suppose, s'énerve, s'inquiète, se ronge les ongles, ou savoure puis doute ou bien il peut-être est sûr de lui, tout dépendra du lecteur.

Quelle expérience, et j'ai eu ici la même impression qu'après avoir lu L'AMOUR de la même autrice. Une sensation de ne pas avoir tout compris évidemment, de m'être perdue entre mes suppositions et la vérité plausible, d'avoir eu par-dessus tout, un grand plaisir d'être autant dans l'expectative, de m'être laissée prendre au jeu.

Qui est donc cette Anne Desbaresdes ? Elle n'est plus que mère, assez riche, elle est perdue, et à ce moment de sa vie elle est fascinée par la mort d'une femme.

L'ivresse dûe au vin lui permet d'être au dehors d'elle-meme, de sortir de sa condition de femme issue de la bourgeoisie…

Elle est obsédée par le crimes passionnel dont a été victime une femme alors que son fils prenait sa leçon de piano. 

Comment la morte a-t-elle su à ce point ce qu'elle désirait d'elle et de l'homme à qui elle demandait d'ôter la vie? Alors Anne interroge Chauvin à chaque fois qu'elle retourne au café. 

Enfin, c'est ce qu'elle aime entendre se faire raconter par Chauvin, jeune homme énigmatique qu'elle rejoint au café sur le port pendant que son fils joue dans la rue après ses leçons de piano.

Est-ce que c'est ce qu'elle demande à Chauvin pour elle-même ? 

Et cette professeure de piano Madame Giraud, qui crie, qui hurle, qui est autant frustrée que frustrante.

Ce jeune garçon, l'enfant, qui ne fait que réprimer son désir lui, d'arrêter le piano, mais non, il faut continuer, il faut suivre les codes de la société dans laquelle il grandit.

J'ai vraiment été très sensible à ces dialogues, cette lenteur, ces non dits, la gestuelle, les sons, le vent, la lumière. 

Un coup de coeur !

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Comment un si grand roman peut-être aussi court ? derrière ce slogan facile s'exprime ce que met en scène ce roman : la fin d'un monde. Loin des éclats d'une météorite qui s'écrase ou de la terre qui s'effondre c'est ceux de la destruction de l'existence qui par une pesanteur longue mais certaine aboutit à la vérité qui s'appelle solitude. On retrouve dans l'écriture ce qui spécifie la description dans le nouveau roman selon Alain Robbe-Grillet : l'objet ne survie pas à sa description. Mais ici l'objet c'est les humains. Dans sa critique du roman dans le Figaro du 12 mars 1958, Claude Mauriac disait : « L'univers de Robbe-Grillet, c'est celui des hommes parmi les objets. le domaine de Duras, celui des hommes-objets » Que reste-t-il de nous alors detruit en tant qu'objet ? le même critique nous donne la réponse quelques lignes plus loin : « ou celui [univers] non moins étouffant de Marguerite Duras où la personne humaine n'est plus personne mais souffre » Les mots tels un monstre mangent l'existence mais ne digèrent pas, la souffrante solitude qui demeure tel l'os de poulet qui reste coincé entre nos dents. Au final il n'y a pas actualisation de ces mots si nous ne les lisons pas. La plus grande angoisse de perte c'est par nous que ce produit le processus de la fin. Serions-nous inquiets en tant que coupable ? Ou du moins dans la demi-mesure du complice ?
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Alors qu'Anne Desbarèdes accompagne son fils à son cours de piano chez Mademoiselle Giraud et qu'il ne parvient toujours pas à mémoriser la signification de moderato cantabile (modéré et chantant), une série de cris retentit, qui provient du café d'en bas. Une femme y a été assassinée par son amant. Les jours suivants, Anne Desbarèdes ne peut s'empêcher de retourner dans ce café. Elle, la femme riche, l'épouse du directeur des fonderies y rencontre Chauvin, un ancien employé de son mari. Ils s'isolent dans le bar, boivent du vin et parlent, pendant que l'enfant joue sur les quais.

C'est un très court roman de Marguerite Duras que je pensais avoir lu il y a longtemps, et, à peine ouvert, je me suis aperçu que non. de fait, j'ai peu lu Duras. Et je (re)découvre une écriture très particulière, assez peu descriptive, on ne saura presque rien des lieux ni des physiques des personnages, elliptique, tout est dans le non-dit, notamment les questions d'Anne Desbarèdes : pourquoi ne peut-elle s'empêcher de revenir voir Chauvin dans ce café ? L'aime-t-elle ? S'ennuie-t-elle dans sa vie pour qu'elle éprouve ce besoin vital de le rejoindre, boire et parler ? Quel lien avec cette femme assassinée par son amant dans le lieu ?

Marguerite Duras évoque, fait parler ses personnages, ne donne pas de réponse définitive ni précise, c'est à nous lecteurs de les trouver. C'est un genre de romans que j'aime bien, à la condition qu'il ne s'éternise point trop, car il pourrait vite devenir long, ce qui n'est pas le cas ici (120 pages dans sa forme poche). Il y a un côté ennuyeux et fascinant : on ne sait pas très bien pourquoi on aime, mais on ne peut s'en détacher. Un roman de l'attente avec une femme perdue seulement attachée à son fils qui ne vit que par lui "Si vous saviez tout le bonheur qu'on leur veut, comme si c'était possible. Peut-être vaudrait-il mieux parfois que l'on nous en sépare. Je n'arrive pas à me faire une raison de cet enfant." (p.33) et se pose des questions existentielles et seul son amant putatif ou potentiel lui permet d'avancer et d'y répondre.
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Mon avis : Dans Moderato Cantabile, il n'y a rien et pourtant il y a tout. Si vous aimez les livres avec beaucoup d'action, fuyez, sinon, lisez et savourez !
Anne Desbarèdes, une jeune femme riche, accompagne son petit garçon à ses leçons de piano ; elle mène une vie bien rangée, routinière. Un jour, elle entend un cri, une femme est assassinée ; et Anne ressent le besoin de comprendre. Elle va faire la rencontre de Chauvin, témoin de la scène.
Qu'est-ce qui va pousser Anne à retourner chaque jour dans ce café pour retrouver Chauvin ? Quelle est cette attirance qu'elle éprouve pour lui ?
Je ne reviendrais pas sur la plume de Marguerite Duras, c'est bref, minimaliste et tout en non-dits, juste suggéré. Certes pas d'action, mais un véritable panel d'émotions. Un évènement qui chamboule la vie d'une femme, sans qu'elle même comprenne vraiment ce qui lui arrive. Comme un signal de départ, elle va irrésistiblement retourner dans ce café pour rejoindre cet homme , comme une parenthèse dans sa vie, pour comprendre comment un homme peut tuer par amour ? Pour fuir l'ennui d'une vie bourgeoise étriquée ?
Un très court roman sur un instant de vie, un moment d'égarement…

À lire avec un verre de vin, un peu de glace au moka (p. 111) en écoutant un air de piano.

Instagram : @la_cath_a_strophes
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Ce matin encore je ne savais pas ce que c'était, que de lire Duras. J'ai eu une subite envie, une impulsion, comme un besoin vital sauf que c'est pas vital on le sait très bien.

Et là ce soir, je veux des magnolias partout sur ma terrasse, je veux des notes jouées au piano, je veux entendre la mer et qu'il ne se passe quasiment rien, que ce soit conjugué à tous les temps, qu'on me dise que je suis insolent et ce que peut bien vouloir dire modéré et chantant.

J'ai beaucoup aimé les phrases coupées, les non-sens, les relis-moi sinon tu continueras de ne rien comprendre, les blancs qu'on comble mais qui sont comblés plus tard par d'autres mots auxquels on ne peut pas, non, on ne peut pas avoir la prétention de remplacer.

Anyways, j'ai rencontré Duras, ça me fait l'effet d'un festivalier qui découvre quelque chose de manière ponctuelle et qui jurera dans les semaines suivantes qu'il n'existe rien au monde de plus déstabilisant que cette rencontre jusqu'à la suivante. Parce que c'est bien de ça qu'il s'agit n'est-ce pas ? d'une rencontre ?

Alors je laisse l'énergie de la première fois à qui veut la prendre mais je hurle tout de même le merci certain à qui se reconnaitra.

Booyah ! (et pétard minou si t'as jamais lu Duras j'te jure sur ma vie, c'est quelque chose).


Lien : https://www.instagram.com/lo..
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J'avais lu Moderato Cantabile au lycée. Souvent lorsque mon regard s'arrêtait sur ce livre dans ma bibliothèque me revenaient des émotions, des sensations: la sonate de Diabeli jouée par l'enfant, la sensualité des rencontres entre Anne Desbaredes et Chauvin et bien sûr les magnolias. le relire, j'hésitais il y a tant de livres à découvrir...

Aujourd'hui de viens de refermer pour la seconde fois ce roman et de nouveau je suis envoûtée.
L'écriture de Marguerite Duras est précise, incisive et musicale. Elle décrit avec minutie et réalisme les situations, les faits et les gestes.
Anne Desbaresdes jeune bourgeoise femme d'un dirigeant d'usine amène toutes les semaines son fils à sa leçon de piano sur le port. Alors qu'il joue sa sonate à l'extérieur un cri retentit. Anne s'approche de la scène et rencontre Chauvin jeune ouvrier qui lui apprend qu'un crime passionnel vient d'être commis. Jour après jour elle revient dans ce bar, boit du vin, échange avec Chauvin sur cette passion, la passion. le désir s'installe...
Marguerite Duras bouscule la chronologie, entremêle les vies, les souvenirs, le présent, les possibles. Elle ne nous donne aucune clé, au lecteur de construire son chemin, d'interpréter, d'imaginer ce qu'elle nous donne à voir. le texte installe la routine de ces rencontres. L'enfant joue sur le port, ils parlent, boivent, se désirent. Au fil du texte tout s'amplifie, l'addiction s'installe, à l'homme, au vin. Tous nos sens sont mobilisés. La sonate comme le bruit des vagues caressent nos oreilles. le vin rouge coule sur notre langue roule dans notre gorge. Notre peau frissonne au frôlement d'une main et bien sûr l'odeur des magnolias nous submerge. Jour après jour l'ivresse devient addictive, les retours à la villa du bord de mer de plus en plus longs, le désir de plus en plus intense.
Osera-t-elle au risque de tout perdre?

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