Vieux cons des neiges d'antan.
Si comme le chantait le Saint Georges à moustache, le temps ne fait rien à l'affaire,
Benoit Duteurtre fait dans ce roman un clin d'oeil aux nostalgiques de la météo de la veille et aux lanceurs d'oeillades dans le rétroviseur.
Le fils spirituel de
Marcel Aymé imagine un soudain renversement de la courbe des températures et un retour à la tempérance du climat des années 60. le fond de l'air est frais mais ça fleure bon le bon vieux temps. Cette fin soudaine de la crise climatique et ce retour des pulls noués sur les épaules réinterrogent forcément les peurs du lendemain. Faut-il lever le « camps du progrès » ? Faut-il se comporter à nouveau avec notre planète comme un touriste français devant un buffet à volonté ?
Le romancier fait le pari assez utopique que la modération du climat s'accompagnerait aussi d'une pondération des comportements et des clivages qui portent à ébullition la société. Pas de retour
en arrière mais pas de fuite en avant. Nous sommes donc ici loin des dystopies actuelles aux vertus surtout contraceptives. Duteurtre aurait-il sombré dans la feel goodie ?
Non, le bonbon est bien acidulé et dans le récit s'incruste le journal intime d'un écrivain grognon, qui ressemble comme deux gouttes d'eau bénite à l'auteur. le pisse-froid s'agace d'à peu près tout, de la disparition des bibliothèques dans le brouillard des sombres nuages du Cloud, des voyages en train perturbés par des contrôleurs dont le zèle rappelle celui des vendeurs des boutiques Nespresso ou encore de la quarantaine des fumeurs sur les balcons pendant les dîners. Autant d'humeurs qui font aussi échos à certaines de mes allergies de quinqua.
Si j'ai retrouvé avec plaisir le ton sarcastique de
Benoît Duteurtre, le récit souffre de cette compilation de scénettes décousues, comme piochées dans un carnet de notes et de souvenirs. Un herbier parfois un peu jauni pour un roman rapiécé d'étoffes bigarrées. Un récit hybride composé de nouvelles qui permettent un tri sélectif mais qui gâchent un peu la trame initiale plutôt affriolante.
Certains chapitres (ou courtes nouvelles donc !) sont particulièrement réussis comme le très provoquant « La rafle des beaux quartiers » qui raconte la condamnation d'une jeune femme bourgeoise à serre-tête à des TIG dans une cité ou « Aimer et mourir » qui décrit le naufrage bouleversant d'une épouse dans l'alcool par son mari impuissant. Je trouve que cet auteur n'est jamais aussi bon que lorsqu'il dépasse ses élans franchouillards pour franchir la douane de l'intime.
Duteurtre, Ravalec, Beigbedder et d'autres publient à tour de rôle des romans dont l'ironie chantonne la rengaine « c'était mieux avant », passant à table du côté des enfants rebelles à celui des aînés nostalgiques lors de repas de famille. Ils rejoignent les ronds de serviette, sauvés par des brins de fantaisie. Moi aussi.
Réécouter Brassens.