Benoît Duteurtre
Pourquoi je préfère rester chez moi.
Encore un livre « réactionnaire » et réjouissant. Décidément, il va falloir que je me fasse à l'idée que les essais qui me séduisent sont ceux qui pensent « mal » !
Voici donc de petites chroniques acides qui décrivent une société qui change, pas toujours pour le mieux, selon
Benoît Duteurtre. Avec ironie, l'auteur nous parle de son neveu qui ne s'exprime qu'en anglais pour faire « style » et qui n'a plus de chaussures mais des « shoes » branchées, à la mode des USA. Moins drôle mais plus absurde est la situation de ces représentants de l'Europe, francophones ou germanophones qui pour communiquer emploient l'anglais, d'autant plus ridiculement que la Grande-Bretagne vient de claquer la porte à l'Europe. L'emploi de l'anglais dans les institutions qui nous gouvernent ne serait pas si grave si cet usage n'appauvrissait les nuances des idées et la complexité des relations qui seraient à défendre.
Voici donc un homme qui regrette de temps en temps le monde passé et le raconte avec nostalgie : les hôtels perdent peu à peu leur charme en essayant de copier les motels américains dans lesquels le buffet « brunch » remplace -sans qu'on y gagne rien- le petit-déjeuner au lit auquel on avait droit dans le monde d' « avant ». Cela ne l'incite plus à sortir de chez lui, d'où le titre « Pourquoi je préfère rester chez moi ».
C'est aussi un livre politique qui fustige les politiques de nos deux derniers quinquennats, qui s'alignent bêtement sur la politique américaine, sans recul ni réflexion : politiques de mauvais choix sur la scène internationale qui entraînent le chaos dans tout le Moyen-Orient.
Par ailleurs, l'auteur est mélomane, mais il n'aime pas tellement la musique de
Pierre Boulez. On ne le lui pardonne pas. Il raconte avec finesse les mécanismes qui président à l'exclusion des intellectuels qui n'encensent pas les artistes qu'il « faut » aimer. Même logique dans les autres arts : peinture, littérature, théâtre. Et il dénonce avec amertume les polices de la pensée bienséante.
Pas toujours très nouveau comme observations sur le monde moderne, mais souvent saisissant, joliment écrit, léger mais grave.