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EAN : 9782072558887
192 pages
Gallimard (02/10/2014)
3.85/5   17 notes
Résumé :
"... J'ai donc voulu voir Souveraine Magnifique, cette rescapée des vastes massacres qui se sont abattus sur le Rwanda en 1994 avec la fureur de cyclones sanglants. C'est le pouls battant, mais la tête froide, que j'ai frappé à la porte de la jeune femme. On ne sait jamais qui vous scrute derrière des rideaux à peine frémissants. On ignore ensuite quel être, surgissant des fumeroles d'une épouvantable histoire, vous invitera à découvrir sur les marches du soir les f... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
" je n'ai pas honte de ma vie, mais j'ai quelque chose de pourri au fond de la gorge, un dépôt sans âge...."
Ainsi s'exprime " Souveraine Magnifique", cette rescapée des vastes massacres qui se sont abattus sur le Rwanda, la saison des coupe- coupe qui a ensanglanté le pays des mille collines en1994....Elle répond au narrateur qui, le pouls battant mais la tête froide, la retrouve vingt ans après...
Employé des Eaux et Forêts au Cameroun, le pays des Crevettes, il est parti au Rwanda à la suite d' un cauchemar pour comprendre ce qui s'est passé dans ce pays depuis les brumes bleutées des collines Rwandaises jusqu'aux eaux rougeoyantes du Rizizi, la rivière qui sépare plusieurs pays de la région des Grands Lacs Africains. Son parcours l'amène à rencontrer cette survivante Tutsi. Elle avait 8 ans lorsque toute sa famille a été massacrée sous ses yeux par Modeste, le voisin Hutu, avec lequel les relations étaient pourtant cordiales...
Son épouse Mélancolie était l'institutrice de Souveraine et il la chérissait...Elle ne s'en remettra pas et finira sa vie dans un hôpital psychiatrique...
Le ton du narrateur est celui d'un simple citoyen, un curieux. Le témoignage est vivant, humain, trés proche tout en étant documenté.
Le Camerounais observe avec humour et sans langue de bois les différences culturelles.Souveraine dresse le portrait d'un couple de musulmans Sara et Souleymane Babazimpa auquel elle doit d'avoir réchappé au pire en fuyant la menace de Kulto pour se réfugier chez un de ses protecteurs à Bukavu.
Tout au long des conversations, souvenirs, confessions, on ressent douloureusement la trace symbolique des râles, des cris, des coups , du sang et des chuchotements des victimes de cette épouvantable histoire, la colère et la rage intactes de cette jeune femme , vingt ans aprés la tragédie...Elle porte en elle pour toujours les stygmates des fantômes qui peuplent et crucifient sa mémoire ...
Le récit est entrecoupé des questions du narrateur qui essaie de comprendre comment le jugement amenant Souveraine et Modeste le bourreau des siens à s'occuper d'une même vache: Doliba est mis en pratique.
C'est cette réponse tant attendue qui sert de fil conducteur et même de suspense symbolique à cet ouvrage.
L'auteur entend la voix de Souveraine Magnifique, sonde son cœur, son âme avec force et justesse. Il restitue avec compassion verve et couleur la chronique de cette nation aprés un génocide apocalyptique qui résonne d'une manière universelle.
C'est un très beau témoignage teinté d'humour et de sagesse qui tente d'expliquer la sauvagerie des Longs :les Tutsi, des Courts: les Hutus, les racines de ce cauchemar inhumain, les réconciliations et les cohabitations, et aussi l'humanité de certains malgré le pessimisme et la barbarie! Pas facile à commenter un tel livre ! Beaucoup d'émotions et de révolte à la lecture !!
Ouvrage lu dans le cadre "du prix Historique Jeand'heurs."

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Souveraine dialogue avec le narrateur camerounais, du pays des crevettes, venu au Rwanda pour tenter de comprendre ce qui s'est déroulé pendant trois mois lors de « la saison des raccourcissements ». Ce qui se joue encore aujourd'hui, deux décennies après entre « courts, longs et très court », une division ethnique instaurée par les colons, premier traumatisme de cette société.
Son histoire pourrait être celle de nombreux orphelins parmi « les longs » au sortir du génocide Tutsis. Mais il y a tout de même cette incongruité de savoir pourquoi, aujourd'hui de retour dans sa région natale après quinze ans d'exil à Bukavu au Zaïre, elle se voit partager cette vache Doliba avec le bourreau de sa famille.
Ses deux parents sont exterminés devant ses yeux. Elle ne doit sa survie qu'au reflex paternel de la cacher au-dessus de l'armoire familiale. Paralysée par la peur, elle ne peut du haut de ses huit années, s'interposer lorsque Modeste Constellation, le proche voisin, déboule dans leur maison, décapite le père, tente de violer sa mère Beauté Magnifique, enceinte, avant de l'éventrer et de tuer le petit frère qui grandissait dans son ventre.
Cette barbarie la fait s'enfuir et prendre refuge chez les Bazimpa, Souleymane et Sara, un couple d'avoisinants « court », des justes de confession musulmane. Communauté religieuse qui a permis de sauver un certain nombre de Tutsis en 1994.
S'en suit un « voyage » périlleux, irréel car la menace s'intensifie sur les collines de Kuito.
Souveraine ne veut pas abandonner la vie comme Dorlothée, une autre avoisinante longue qui attend que la mort la frappe, pleurant son homme, Epileptique Melchior, un très courts, machetté par jalousie d'un amour jugé inapte, anormal.
Déjà, durant son périple vers Bukavu au Zaïre, vache et lait deviennent objet de convoitise, souvenirs et fantasmes pour la jeune fille qui s'accroche à des plaisirs passés pour surmonter l'insupportable.
Les sauveurs se succèdent dans la fuite tel Polycarpe Logambuga, le passeur du lac Kivu.
La reconstruction passe par le camp de réfugié de Panzi ou se mélangent toutes les horreurs perpétrées sur les milles collines voisines. Puis elle est accueillie par d'autres courts bienfaisants Ibrahima, le frère de Souleyman le juste de Kuito, et Aminata sa femme.
Reprendre goût à la vie, se réparer physiquement et psychologiquement prend du temps et l'esprit de justice passe par un retour au pays.
La terre ancestrale, 15 ans après, questionne Souveraine. Elle y a retrouvé une société secouée par de nouveaux démons, mort omniprésente, ordre quasi dictatorial de l'état, système éducatif en métamorphose laissant beaucoup à la traine. La langue française devenue suspecte et délaissée au profit de l'anglais y participe bien entendu.
La négation, la minimisation des atrocités sont argumentées par les bourreaux malgré la voies prise vers la réconciliation au travers des Gacacas. L'horreur se raconte dans ces tribunaux populaires, apportant son lot de ressentiments, de haines encore latentes.
Souveraine ne pardonne pas, la colère la fait survivre et la mélancolie fait écho à son âme morte.
Une forme de dialogue intéressante pour mettre en mots ces maux passés, présents et bien évidemment construisant un futur incertain dans ce royaume déchu où le démon Shaytan volette encore à ce jour.
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"Il y a vingt ans, en cent funestes jours et cent horribles nuits d'avril à juillet 1994, un million d'êtres humains a été passé par les armes mais, surtout, par les machettes."
Armes redoutables entre les mains des voisins avec lesquels les relations étaient, jusqu'alors, bonnes et amicales.
Mais les voisins appartenant au groupe des Courts, ont un jour pris ces machettes contre les Longs.... une nouvelle guerre ethnique comme le pays en a souvent connu, les Courts ont subitement coupé têtes ou membres de leurs voisins, et se sont accaparés leurs champs, leurs biens.
Souveraine Magnifique est une rescapée de ces massacres.
Souvenez-vous : ce n'était pas le grand amour entre ces ethnies : "Il fallait beaucoup de courage pour vivre dans un milieu où la menace n'était jamais loin, car toujours diffuse et pesante."
Souveraine assista au meurtre de son père, à l'éventration de sa mère enceinte. Cachée sur l'armoire, la gamine de huit ans a retenu ses cris, alors que Modeste Constellation, leur voisin, cultivateur de manioc et de céréales frappait, coupait...exterminait la famille.
Il n'était pas le seul, les Courts avaient subitement décidé d'éliminer les Longs, parce que l'avion du Président avait été abattu. Ce fut le prétexte au déclenchement des massacres.
Souvenons nous, tout est vrai. Souveraine Magnifique est l'une de ces rescapées de massacres commis en 1994 au Rwanda....les Hutus punissaient alors les Tutsi.
Souveraine était pourtant l'élève de Mélancolie Constellation, femme de Modeste, une épouse qui, choquée par cette violence, finira folle dans un hôpital psychiatrique. Les ethnies cohabitaient.
La narrateur écoute parler Souveraine....tous les prétextes étaient bons pour justifier cette violence, plus de voisins, plus d'amis, non il fallait couper, punir, éliminer et prendre les biens des Longs, le bétail notamment.
Souleymane, un voisin musulman l'a hébergée, au risque d'être lui-même exécuté, et l'a aidée à fuir à travers la forêt.
Elle se souvient de tout, notamment de ce procès inique au cours duquel le voisin Modeste Constellation a noyé le poisson, menti, raconté que le chef des miliciens lui avait demandé de tuer la famille Magnifique. Afin ce justifier ses actes, il a cité des noms de personnes décédées qui ne peuvent témoigner et confirmer ses dires....qu'importe, il est maintenant copropriétaire de la vache volée, copropriétaire avec Souveraine, fille de ses victimes, condamnée à s'entendre avec le meurtrier des siens !
Derrière ces morts, cette guerre ethnique, se cachaient des grandes nations, La France, l'Angleterre....les uns parlaient français, les autres parlaient anglais: "Derrière la langue, se camouflent un modèle, des habitudes et des pratiques. Derrière la langue française, il y a la France ! N'a-t-elle pas conduit ici une opération militaire du 22 février au 28 mars 1993, bien avant la saison des coupe-coupe ? Vous souvenez-vous qu'elle fut baptisée Chimère ?"
Des grandes nations qui ont laissé faire...
Réconciliation difficile, paraissant impossible : comment accepter la décision d'un tribunal qui, sous prétexte de réconciliation, impose aux victimes de partager leurs biens avec les tueurs qui les convoitaient?
Et pourtant c'est une décision pleine de sagesse, celle des anciens...Se parler, vivre aux cotés les uns des autres....
"« Non, je n'ai pas honte de ma vie, mais j'ai quelque chose de pourri au fond de la gorge... »
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Comment se reconstruire après avoir assisté au massacre des siens ? Souveraine, une rescapée du génocide rwandais revient au pays après des années d'exil pour confondre l'assassin de sa famille, devant une instance judiciaire traditionnelle.

Eugène Ebodé nous relate le parcours de cette héroïne, de l'horreur vécu, de ceux qui l'ont soutenu jusqu'à sa fuite du pays. A traves elle, c'est tout un Rwanda qui tente de renaître de ses cendres, à coups de modernisation forcée (non sans susciter des inquiétudes sur une dérive dictatoriale) et de cérémonies mémorielles aux relents, pour certains, culpabilisants.

Malgré ces appréhensions, le pays des mille collines, avec ses habitants ; les "Longs", "Courts" et très "Courts" doivent réapprendre à vivre ensemble pour faire nation. Mais comment s'y prendre quand des bourreaux ne reconnaissent pas leurs torts ? Comment faire quand un verdict oblige tueurs et rescapés à oeuvrer de concert pour le même projet ?

Beau roman sur les choix de rétablissement d'un Etat meurtri et de sa population cabossée.
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« Souveraine Magnifique » est un roman de l'écrivain Camerounais Eugène Ébodé. Publié chez Gallimard en 2014, l'auteur se met en scène comme étant celui venu du pays des crevettes (Cameroun vient du portugais Camerões signifiant crevette.) désireux de comprendre ce qui s'est passé en 1994 au Rwanda, pays des mille collines.
Souveraine Magnifique, c'est le récit d'une rescapée des massacres rwandais d'il y a à peine vingt ans et le récit de cette lente quête de justice qui débouche sur l'accompagnement d'une vache, Doliba, cogérée par le bourreau et sa victime ! Plus qu'un « conte africain », une tranche d'humanité à ne pas laisser filer !
Dans un langage tout africain, gonflé de sagesses ancestrales, de métaphores, de palabres, de silences et de temps consacrés à conter pour faire mémoire, l'auteur nous introduit à une double question :
Que s'est-il vraiment passé lors de cette saison des machettes durant laquelle des massacres ethniques ont été perpétrés sans que nos consciences européennes ne s'en offusquent immédiatement ? Pourquoi ce « laisser-faire » … même si, après coups, le tribunal international (TPI) s'est saisi de quelques procès exemplaires, à tout le moins se voulant exemplatifs ?
Un chemin de conciliation, de reconstruction d'un avenir commun est-il possible entre les victimes et les génocidaires ? Comment rendre compte de ce qui s'est passé en ouvrant un avenir ?
Avec verve et empathie, dans un maniement simple, chaleureux et imagé de cette langue française que l'auteur maîtrise parfaitement, le lecteur est pris par la main et invité à ouvrir les yeux. Il existe un devoir de mémoire qui doit nous pousser à dénoncer les thèses négationnistes et à nous souvenir des faits, sans juger les personnes, mais sans aucune complaisance pour les forces sataniques qui poussent l'Homme à accepter de détruire son semblable plutôt que de lui porter assistance.
Extrait (page 112): Comment toutes ces équations vont-elles se résoudre ? Par la raison du plus fort ? Par la médiation des sages assis sur l'herbe ? Par la colère et de nouvelles tueries ? Ah non ! Si la tuerie était une solution, on le saurait. … En revanche, le point de vue des survivants est une chose qui ne se discute pas. Heureux soit qui recueille leurs paroles comme on extrait une pierre précieuse de la roche ou de la boue. Et leurs propos doivent pénétrer les esprits pour devenir des passerelles de prévention et de mémoire…
« Heureux soit qui recueille leurs paroles comme on extrait une pierre précieuse de la roche ou de la boue. Et leurs propos doivent pénétrer les esprits pour devenir des passerelles de prévention et de mémoire… » Voilà bien le fondement même de ce livre… À lire, absolument, en gage de volonté d'engagement contre toute barbarie à venir !
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
En revanche, le point de vue des survivants est une chose qui ne se discute pas. Heureux soit qui recueille leurs paroles comme on extrait une pierre précieuse de la roche ou de la boue. Et leurs propos doivent pénétrer les esprits pour devenir des passerelles de prévention et de mémoire...
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J'ai rêvé qu'une foule enragée brisait la porte de ma chambre. Elle hurlait et brandissait des poignards rougis au feu de bois. Je me suis cru dans l'un de ces moments de folie et de brutalité collectives qui s'empare des gens et les pousse au crime.
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"Le meurtre à tes côtés suit l'office divin.
Criant : Feu sur qui bouge !
Satan tient la burette, et ce n'est pas de vin
Que ton ciboire est rouge."

VICTOR HUGO.
Les Châtiments .
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- [...] L'histoire n'est jamais finie.
- Peut-être faut-il croire que c'est l'homme qui est fini. L'histoire ne s'écrit plus. Elle bégaie.
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"- Peut-être faut il croire que c'est l'homme qui est fini. L'histoire ne s'écrit plus. Elle bégaie. "
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Videos de Eugène Ebodé (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Eugène Ebodé
Reconnaissable au premier coup d??il grâce à son immense baobab coloré, le salon africain vous fait découvrir la richesse de la littérature du continent noir en mêlant des auteurs encore méconnus à des écrivains réputés. Et c?est également au salon africain qu?a lieu chaque année la remise du prix Ahmadou Kourouma.
Autour du thème « Les chercheurs d?Afriques », les romanciers et essayistes invités reviennent sur les blessures du continent, mais aussi sur ses gloires, sa grandeur et ses aspirations.
Outre les hôtes vedettes de cette édition 2019, Maryse Condé, Prix Nobel « alternatif » 2018 et le rappeur Abd al Malik qui présente son livre/album le jeune Noir à l?épée (Présence africaine/Musée d?Orsay/Flammarion) inspiré de l?exposition du Musée d?Orsay « le modèle noir de Géricault à Matisse », sont annoncés Abubakar Adam Ibrahim, Eugène Ebodé, Mia Couto, Françoise Vergès, Adame Ba Konaré, Elizabeth Tchoungui, Boualem Sansal, Beyrouk, Clemente Bicocchi, Jean Bofane, Tania de Montaigne, Armand Gauz, Ndèye Fatou Kane, Henri Lopes ou Bessora.
Plus d'infos sur https://salondulivre.ch
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