Ce livre, un de plus sur la guerre 14-18, me donne l'occasion de découvrir
Jean Echenoz. Premières impressions : petit livre, gros caractères. Je parle des caractères d'imprimerie, pas de la dimension psychologique des personnages (dont on souhaite en effet qu'ils puissent bénéficier d'un caractère fort et bien trempé pour pouvoir affronter l'hécatombe à venir). Petit livre, gros caractères… et chapitres courts, qui se lisent comme s'il s'agissait d'un résumé, d'une sorte de condensé tout droit sorti de la sélection du mois du Reader's Digest.
Bien sûr,
Echenoz nous dépeint çà et là quelques scènes saisissantes, assorties de quelques images puissantes. Par exemple, il décrit le sort peu enviable des animaux sauvages et domestiques pendant la Grande Guerre (c'est curieusement cette image qui me reste, et non celle de la destinée, aussi peu enviable mais plus vite oubliée, des combattants décimés au front).
Echenoz frappe fort également lorsqu'il raconte l'innocence des futurs poilus heureux de partir à la guerre pour en découdre, le sort du photographe de guerre, de l'estropié, du déserteur, et les scènes finale du retour à la normalité, parce que la vie doit reprendre son cours.
Echenoz relate tout cela dans un style précis mais désincarné, sans émotion excessive, bridant toute envolée lyrique et effet de manches. Il ajoute toutefois quelques coquetteries de style qui confinent au cabotinage (par exemple : « En attendant que Blanche se lève, ces meubles patientent pour tenir leur rôle »).
Le résultat n'est ni décevant, ni détestable, mais on aurait aimé un peu plus de développements dans certains épisodes du récit, dans l'histoire des personnages, qui ne nous donnent pas le temps de nous attacher à eux et de les apprécier (sans doute un choix éditorial, car on est habitué à faire court, aux Éditions de Minuit, l'homme moderne est un homme pressé, il lui faut de la synthèse, du rapide). Épisodes et personnages sont donc trop vite lus, trop vite disparus, trop vite oubliés.
Post-scriptum : Je réalise que nous sommes aujourd'hui le 11 novembre et, par le plus grand des hasards, mes critiques de ce jour portent sur deux romans dont le sujet est justement la guerre de 14-18. Or, s'il fallait distribuer des étoiles sur le site et si celles-ci devaient désigner un gagnant pour cette mini-compétition littéraire, vous l'avez sans doute deviné, ma préférence irait au roman de
Joseph Boyden,
le Chemin des âmes.