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sur 399 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Des éclairs


… pour symboliser les recherches épatantes d'un scientifique surdoué et à la force de travail prodigieuse –Gregor, directement inspiré de Nikola Tesla qui vécut à cheval entre le 19e et le 20e siècle…
…pour symboliser les amis les plus proches et les plus fidèles d'un homme qui ne s'intégrait aux mondanités qu'afin de financer ses recherches scientifiques, alors qu'il préférait la solitude aux comédies de la vie sociale (« Il semble […] s'adresser aux éclairs eux-mêmes comme à des employés, des enfants, des élèves ou des pairs, avec une étonnante variété d'intonations : consolateur, sévère, plaintif, affectueux ou menaçant, moqueur ou grandiloquent, humble ou mégalomane »)…
… et pour symboliser, enfin, l'écriture de Jean Echenoz, qui fulgure et qui réduit la biographie fictive d'un homme ayant réellement existé, à une centaine de pages où le lecteur part en cavalcade minimaliste…


A la limite, la genèse du personnage de Gregor n'intéresse pas Jean Echenoz. Gregor surgit du néant. Son existence ne mérite pas d'être justifiée. Pourquoi deviendra-t-il ce qu'il est ? Comment se fait-il qu'il soit doté de capacités extraordinaires, d'une intelligence hors du commun ? Jean Echenoz s'en frappe la tête contre les murs et nous bâcle la présentation de son personnage en un couple de pages, pas davantage. La description de la personnalité de Gregor nous fait profiler les stéréotypes les plus agaçants du type de l'intellectuel méprisant. A force de réduire, on se croit projeté dans la simplification :

« […] son caractère se dessine vite : ombrageux, méprisant, susceptible, cassant, Gregor se révèle précocement antipathique. Il se fait tôt remarquer par des caprices, des colères, des mutismes, des fugues et des initiatives intempestives, destructions, bris d'objets, sabotages et autres dégâts »


De même, hop ! hop ! Gregor est devenu adulte et omniscient en moins d'un paragraphe :


« Ayant ainsi appris en cinq minutes une bonne demi-douzaine de langues, distraitement expédié son parcours scolaire en sautant une classe sur deux, et surtout réglé une bonne fois pour toutes cette question des pendules –qu'il parvient bientôt à désosser puis rassembler en un instant, les yeux bandés, après quoi toutes délivrent à jamais une heure exacte à la nanoseconde près-, il se fait une première place dans la première école polytechnique venue, loin de son village et où il absorbe en un clin d'oeil mathématiques, physique, mécanique, chimie, connaissances lui permettant d'entreprendre dès lors la conception d'objets originaux en tout genre, manifestant un singulier talent pour cet exercice »


Manière de renforcer les prodiges d'apprentissage d'un homme ? Ou mépris de Jean Echenoz qui cherche à se débarrasser le plus rapidement possible de formalités afin de se consacrer aux conséquences de la possession de telles facultés ? Puisqu'on ne le sait pas encore, à cette étape de la lecture, Jean Echenoz semble n'avoir livré qu'un texte décevant. En ce sens, il fonctionne à l'inverse de son personnage. Ce dernier, d'abord brillant –il cumule les découvertes révolutionnaires, réussissant même à braver l'opprobre et les réticences de la plèbe en se procurant le soutien de milliardaires et de scientifiques influents-, finira par voir apparaître une accumulation de gestes maladifs, une solitude et de mauvais choix de gestion de patrimoine qui s'achèveront dans la déchéance. Mais Gregor se préserve des malheurs ! reclus dans un monde qu'il a créé de toutes pièces, il reçoit des messages extraterrestres et se fait le protecteur et plus grand ami des pigeons, ayant abandonné tout souci de se faire valoir et de rechercher des mécènes, ayant fait disparaître toute envie d'inventer, de spéculer, de se torturer la matière grise pour que d'autres s'emparent mieux que lui du privilège d'être « l'inventeur ». Gregor semble plus serein que jamais.


On comprend alors pourquoi Jean Echenoz a survolé si rapidement les débuts de l'existence de Gregor ainsi que ses maigres et relatifs succès –vite volés par d'autres scientifiques moins dispersés et plus pragmatiques que lui. La vie « saine », dans ce qu'elle comporte encore de minimum de relations sociales, plus ou moins bien tolérées, n'est qu'une marque de l'incomplétude de l'affirmation véritable du caractère d'un homme. Gregor devient entièrement singulier lorsqu'il perd toute attache avec les conventions et les normes de la vie sociale. C'est sur ce tournant de la vie du scientifique que Jean Echenoz consacre la plus grande part des Eclairs. On s'en veut alors d'avoir regretté l'allusion rapide de l'auteur aux débuts de la biographie de Gregor : en effet, ce n'était pas là ce qu'il y avait de plus intéressant à dire. En quelque sorte, Jean Echenoz semble récompenser le lecteur qui ne se serait pas laissé décourager par ce minimalisme en lui livrant, peu à peu et sur le tard, l'évolution objectivement désastreuse mais subjectivement merveilleuse d'un homme qui s'était peut-être d'abord réfugié dans la spéculation scientifique pour donner une forme conventionnelle aux folies qui rongeaient en réalité son esprit –et qui finirent par le rattraper.
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En attendant de recevoir Les derniers jours de l'émerveillement de Graham Moore ainsi que son adaptation cinématographique en janvier 2018, The Current War avec Benedict Cumberbatch, j'ai trompé mon impatience en débutant Des éclairs. En effet, tous deux partagent peu ou prou le même sujet : la guerre de l'électricité déclarée à la toute fin du XIXème siècle, aux États-Unis avec d'un côté les adeptes du courant continu (Edison) et de l'autre, ceux du courant alternatif (Westinghouse et Tesla).

Gregor est un génie dont l'esprit de créativité est toujours à l'affut de nouvelles inventions. Gregor aurait pu être riche, immensément riche à l'instar d'un Thomas Edison. Oui mais voilà, Gregor est un lunaire, un rêveur malchanceux, peu affable et pourtant appréciant le mondain, il aime paraître, il aime faire sensation et il agace profondément autant ses amis que ses détracteurs. Négligeant de protéger ses inventions par des brevets, d'autres profiteront de son oeuvre prolifique et ce qui lui pend au nez arrivera, Gregor restera dans l'ombre lui qui n'a toujours aspiré qu'à briller !

Des éclairs fait partie d'une trilogie dont les deux autres tomes content de manière romancée les biographies de Ravel (2006) dans son roman éponyme et d'Emile Zatopek dans Courir (2008). Fait surprenant, l'auteur n'a pas donné le nom de Nikola Tesla à son personnage principal alors même que Gregor s'inspire largement de la vie de l'inventeur. J'avoue n'avoir pas saisi la démarche. Il est vrai que Tesla est peu connu aujourd'hui (en dehors d'une unité de mesure qui porte aujourd'hui son nom) : serait-ce un moyen pour Jean Echenoz de dénoncer cette injustice ? En effet, Thomas Edison est célèbre alors même qu'il a usurpé nombre d'inventions de ses pairs tandis que l'inventeur du courant alternatif (sur laquelle fonctionne aujourd'hui tout le réseau électrique moderne), Tesla, est resté dans l'ombre. Quelle cruelle ironie !

Ce qui caractérise également le roman de Jean Echenoz est son style littéraire : sarcastique et ironique, l'auteur prend beaucoup de distance par rapport à son personnage. le ton est décalé et résolument teinté d'humour.

En conclusion, Des éclairs est un roman drôle et intéressant dans le sens où il permet de mieux cerner la personnalité de Nikola Tesla (euh pardon !) Gregor et de le rendre presque attachant. Pourtant la tâche n'est pas évidente car l'inventeur semblait avoir une personnalité atypique, loin d'être commode ou sympathique même aux yeux de ses contemporains.

Pour la petite anecdote, je voulais revenir sur la renommée de Tesla. S'il est vrai qu'il est méconnu aujourd'hui, en revanche, il semblerait que ce ne soit pas le cas dans la fiction ou dans le domaine de l'Imaginaire ! En effet, il apparaît dans plusieurs comics comme S.H.I.E.L.D. ou Superman. Dans ce dernier, il est l'un des premiers ennemis du superhéros. Dépeint comme un savant fou, il serait l'inventeur d'un rayon de la mort. Enfin, au cinéma, c'est David Bowie qui l'incarne dans le film le Prestige de Christopher Nolan, sorti en 2006.
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Gregor, très tôt, se montre doué pour les inventions. Un grand destin l'attend, mais la vie ne lui pardonnera pas son anti-sociabilité, et surtout son non-sens des affaires...

Au départ il y a un homme mythique, une légende de la science : Nikola Tesla. Enfin de la légende, on n'en connaît que ses années fastes et surtout son intelligence visionnaire hors-du-commun. le reste, l'homme, la bête, demeure un mystère pour le grand public. Grâce à cette biographie romancée et fort bien menée, Echenoz nous livre sur un rythme électrique à l'aide d'une plume aiguisée le destin plutôt misérable de celui qui a pourtant vite atteint les sommets. Il se sert en revanche pour cela d'un pseudo pour nommer sa cible (allez savoir pourquoi...) : Gregor. Faut-il y voir un lien avec Kafka et sa Métamorphose ?? Seul l'auteur saurait expliquer ce curieux choix.
Néanmoins, c'est une lecture intéressante, instructive, rapide, attrayante, un peu longue en fin de parcours, castratrice sur la fin. Si Tesla est mort seul et désoeuvré, l'auteur néglige d'écrire quelques phrases sur l'hommage pourtant national que reçoit le scientifique lors de ses funérailles. Un choix sans doute basé sur un récit s'ouvrant et se fermant uniquement au rythme d'ouverture et de fermeture des paupières de l'intéressé.
Une lecture courte qui a son intérêt et une réelle qualité littéraire.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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L'auteur nous raconte l'histoire fictive de Nikola Tesla, génial physicien et artisan visionnaire du futur.
Mais, il lui colle une personnalité d'un enfant de cinq ans qui serait atteint d'autisme précoce.

Bien qu'il ait servi ma curiosité encyclopédique, Echenoz m'a carrément énervé devant ce traitement peu glorieux de son personnage.

Cinq étoiles pour la connaissance historique, zéro pour le traitement du personnage

Ancelle, le 23 septembre 2019
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Pour avoir déjà lu "Les derniers jours de l'émerveillement" de Graham Moore, j'ai retrouvé dans ce livre de Jean Echenoz la même histoire, présentée différemment et écrite en 2010 ; alors que le livre de Graham Moore est lui sorti en 2017.
J'ai particulièrement apprécié la première partie du livre avec une écriture simple et précise qui réussie à me captiver, sur des sujets techniques, pour lesquels je suis en général hermétique.
Cette première partie correspond aux années d'ascension et de réussite de Gregor (Nikola Tesla).
Par contre la fin m'a lassé, principalement ces histoires de pigeons. L'auteur compatit puisqu'il nous dit page 171, "Personnellement, je n'en peux plus de ces pigeons. Vous n'en pouvez plus également, je le sens bien."
C'est dommage pour un livre court de ne pas réussir à captiver son lectorat jusqu'à la fin.
Je conseille donc plutôt, le livre de Graham Moore pour découvrir le parcours de ce savant un peu fou dont le nom à marqué l'histoire.
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Alors que Ravel m'avait beaucoup plu, ce livre m'a légèrement déçu. Contrairement à Ravel, Jean Echenoz cherche à évoquer l'ensemble de la vie de Tesla (pourquoi ne pas le nommer d'ailleurs ?), il avance au pas de course et malgré cela, il trouve le temps de nous évoquer sa passion des pigeons (ô combien intéressante...). Par ailleurs, je n'ai pas compris l'intérêt de laisser quelques mots non traduits (policeman (!), outlaw, butler...), cela m'a déplu et étonné de la part de cette auteur qui utilise une langue raffiné. Néanmoins, je vais essayé de finir cette trilogie...
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Après avoir lu Courir, je décide de m'atteler aux deux autres "vies" contées par Jean Echenoz.

Après avoir lu Des éclairs mon sentiment est partagé. Au début du livre, j'ai été un peu enivré et je retrouvais à maints égards, l'ivresse ressentie à la lecture du précédant. Mais rapidement je devais déchanter ... hélas.

Cette fois c'est la vie de Nikola Tesla qui est contée, mais ici l'auteur l'affuble d'un pseudo : Gregor, l'inventeur du courant alternatif.

La vie de cet homme (que je ne connaissais pas au demeurant, en entreprenant la lecture de ce roman) est trépidante, il est à la fois un génie scientifique, un aventurier, un visionnaire, un utopiste. L'homme Gregor est doté d'un caractère à la fois généreux et antipathique, solitaire, égoïste, mondain, ambitieux ...

Ce roman m'a toutefois en parti déçu, notamment la fin, où même si 'on sent bien Gregor sombrer peu à peu dans la déchéance et développer un amour pour les pigeons ... l'aventure devient pénible.

Toutefois, le style de l'auteur est brillant, poétique et drôle.

En fin de compte, si j'ai moins accroché à cette "vie", c'est peut être à cause de son contenu ... j'ai hâte de lire "Ravel".
Lien : http://animallecteur.canalbl..
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Jean Echenoz appelle "roman"cet ouvrage qui s'inspire, sous le nom de Gregor, de la vie de Nicolas Tesla

Génial inventeur, ingénieur inspiré, rival d'Edison, de Marconi et de Branly, Tesla est moins connu du public. S'il n'avait pas donné son nom à une unité électro-magnétique, je n'en aurais amais entendu parler.

Récit très vivant où l'on croise savants et hommes d'affaires, où la science et la technique sont mis en scène de façon spectaculaire.

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Grégor est un personnage atypique et attachant malgré son caractère ombrageux. Inventeur génial : on lui doit notamment le courant alternatif, mais aussi « La radio. Les rayons X. L'air liquide. La télécommande. Les robots. le microscope électronique. L'accélérateur de particules. L'Internet. J'en passe » (p.80), il préfère l'allégresse de la découverte et la mise en scène de ses découvertes aux retombées financières éventuelles. Sa passion aveugle et presque enfantine pour la science le condamnera à la solitude, avec comme seuls compagnons, des pigeons…


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Comme d'habitude, Jean Echenoz, avec son style clair et fluide, ses phrases courtes et précises, nous emporte dans son histoire. Cependant, après Ravel et Courir que j'ai passionnément adoré, je suis un peu déçu par Des éclairs. le livre est tout de même formidable, mais pas à la hauteur, à mon sens, des deux autres de sa série des biographies romancées d'hommes talentueux.
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