Fiction biographique consacrée à l'inventeur
Nikola Tesla, prénommé Gregor dans l'oeuvre.
Je fais les choses plus ou moins à l'envers, puisque je commence cette trilogie biographique par la dernière vie. En fait, je ne savais tout simplement pas que ce récit faisait partie d'une trilogie de trois vies :
Ravel (biofiction de Maurice
Ravel,
Courir, biofiction de Emil Zapotek et enfin
Des éclairs (biofiction de
Nikola Tesla) …
Peu importe finalement … elles ne sont pas liées d'après ce que je comprends.
Dans
Des éclairs, on retrouve l'écriture concise, mélodique, avec son lot d'ironie de
Jean Echenoz ; il ne s'attarde pas sur certaines périodes de la vie de l'ingénieur, une vie qu'il minimalise brillamment, pour nous délivrer une bio fiction d'un personnage réel en un peu plus d'une centaine de pages, tout en détaillant précisément les faits historiques réels autour des inventions de l'époque, fin XIXème et début du XXème. C'est assez impressionnant, et surtout très réussi.
Le premier chapitre est assez bluffant et raconte la naissance imaginée de Gregor , une véritable scène apocalyptique qui plante quelque peu le décor, et justifierai des dons de ce scientifique surdoué, cet "histrion illuminé" qui n'aura de cesse toute sa vue durant, d'imaginer, de rêver de nouvelles inventions.
C'est un homme hors du commun, un génie, le génie
des éclairs, obsédé par les chiffres (il compte tout, même le temps) que nous décrit
Echenoz, passant sa "vie en ébullition", poussant ses recherches de plus en plus loin, à l'excès, jusqu'à représenter un danger. Un personnage qui semble souvent inhumain dans ses excès, absolument enfermé sur lui-même, dévoré par ses idées qui pressent en vrac son esprit, mais qui éprouve toutefois de l'amitié pour un homme Norman
Axelrod, et de la jalousie pour sa femme Ehel
Axelrod.
Il découvrira de nombreux principes comme la téléphonie sans fil, le radar, les robots télécommandés, l'énergie libre...
«Or on sait bien que tout le monde pense, toujours, la même chose au même instant. En tout cas se trouve-t-il toujours au moins quelqu'un pour avoir la même idée que vous. Mais il y en a toujours un aussi qui, avec la même idée que les autres, se montre plus patient, plus méthodique ou chanceux, mieux avisé, moins dispersé que Gregor, pour ne se consacrer qu'à elle et devancer le reste du monde en la réalisant.»
Ce récit est très instructif, on apprend comment est née
la chaise électrique par exemple, les dangers du courant continu, ce qu'a été la guerre des courants (continu versus alternatif) qui opposa Westinghouse-Tesla et Edison.
Le chapitre vingt-quatre est très bon, il fait un portrait accablant du pigeon, qui me raisonne encore aux oreilles. Ah oui, j'oubliais de vous dire que les pigeons occupent une part très importante dans cette fiction, Gregor en est passionné. Il les nourrit d'abord, puis se met à les étudier et finit par tomber amoureux d'une pigeonne qu'il a recueillie dans sa chambre d'hôtel ... quand je vous disais que Gregor était un être atypique !
«On tuerait un pigeon sans guère plus d'états d'âme qu'on écrase une blatte. Il est cependant si nul qu'on s'en abstient. Par paresse ou par amour-propre, on se retient de lui donner un coup de pied sauf pour prendre un peu d'exercice et encore, il n'en est même pas digne, on ne voudrait pas risquer de souiller son soulier. Et qu'on ne m'objecte pas que, voyageur, il a rendu quelques services en temps de guerre, encore heureux qu'il ait trouvé un tout petit rôle de mécanique volante.»
Jean Echenoz fait des étincelles ... et personnellement, j'aime beaucoup !
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