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3,77

sur 399 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Tant d'écrivains nous ont offert leur version de "Grandeur et décadence" et autre roche tarpéienne tout près du Capitole. Donc, ici aussi, un individu sort de la foule, brille par son génie, puis, de déboires en déconvenues, sombre dans la déchéance et retourne à l'anonymat.
Sauf que Echenoz nous raconte cette vie en 170 pages pleines de vie, de verve, de cynisme et d'alacrité (oui d'alacrité: j'adore ce mot et je viens juste de comprendre qu'il a été inventé pour caractériser la prose échenoziennne). Pas la moindre once de psychologie (Quel bonheur!). Aucun temps mort avec si peu d'action. Gregor a préféré les pigeons aux brevets en bonne et due forme: Dommage pour toi, semble lui dire son biographe, qui n'a pas le temps d'être désolé, tout à la jouissance de l'écriture.
"Le pigeon, pourtant.
Le pigeon couard, fourbe, sale, fade, sot veule, vide, vil, vain.
Jamais émouvant, profondément inaffectif, le pigeon minable et sa voix stupide. Son vol de crécelle. Son regard sourd. Son picotage absurde. Son occiput décérébré qu'agite un navrant va-et-vient. Sa honteuse indécision, sa sexualité désolante. Sa vocation narcissique, son absence d'ambition, son inutilité crasse."
Echenoz: l'écrivain qui donne envie d'être un con d'oiseau ou un inventeur psychotique.
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L'écrivain le plus lapidaire de la littérature française contemporaine : Jean Echenoz. Quoique, quelques-uns de ses petits camarades des Editions de Minuit, Christian Oster et Tanguy Viel, entre autres, peuvent aussi prétendre au titre. Style distancié, a priori dénué d'affect, ironie grinçante sous-jacente, c'est leur marque de fabrique, plutôt euphorisante, pour peu que l'on soit en phase avec cette écriture particulière, évidemment.
Après Ravel et Zatopek (Courir), Echenoz s'attaque avec Des éclairs à la biographie d'un dénommé Nikolas Tesla (1856-1943), inventeur américain d'origine croate. Enfin, il serait plutôt juste de parler de biographie subjective ou fantasmée, tant l'auteur se donne toute latitude pour réinventer la vie de l'inventeur (sic). 87 ans d'existence résumés en 174 pages, cela donne une idée de la vitesse (de l'éclair ?) à laquelle Echenoz survole la vie de ce brave Nikolas, rebaptisé Gregor dans son roman.
Mais c'est bien cela la qualité de l'écrivain, il se concentre sur les moments-clés de l'existence de son héros et crée de toutes pièces des manies (en l'occurrence, l'amour des pigeons ou sa superstition vis à vis des multiples de 3) censées éclairer sur sa personnalité. Une méthode qui a fait ses preuves dans ses deux précédents livres et qui marche ici encore, du tonnerre. Ou comment l'omission et le mensonge peuvent conduire à une certaine forme de vérité.
Pauvre Gregor, moitié génie, moitié savant fou, dont la distraction et la légèreté lui valent de se faire déposséder de ses plus grandes découvertes par d'autres scientifiques un peu plus avisés et les pieds sur terre, à commencer par Edison et Marconi. Echenoz se gausse assez ouvertement de lui, répétant à plusieurs reprises le qualificatif d'antipathique, et fustigeant son horreur des contacts physiques et son obsession de l'hygiène. En matière de formules assassines, qui font mouche, il n'est pas le dernier à dégainer et, ma foi, cela participe au bonheur que l'on prend à lire ses livres. D'autant qu'Echenoz n'est pas méchant, moqueur, ça oui, mais au fond n'a t-il pas une certaine tendresse pour son Gregor, qui, à force d'échecs, devient pathétique à l'automne de sa vie ?
Des éclairs est à la fois un roman désinvolte et survolté (pour rester dans le domaine électrique), virtuose et modeste, qui parvient à capter, avec des moyens détournés, ce qu'est l'essence d'une vie à moitié réussie ou à moitié ratée, tout dépend de la position adoptée. Nikolas Tesla a inventé le courant alternatif, Echenoz l'utilise avec talent, dans un domaine, la littérature, où on ne l'attendait pas.
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Ce roman inspiré de la vie de Nikola Tesla présente surtout l'intérêt de nous faire découvrir cet ingénieur génial. le récit est rapide, saccadé, certainement à l'image de la vie de Grégor (le nom du savant dans le roman) mais c'est un peu épuisant pour le lecteur... Il faut dire que Grégor met au point le courant alternatif, le moteur asynchrone, permet la distribution de l'électricité, invente la radio, le tube néon, imagine le sonar, réalise le premier robot télécommandé, ... Son génie est un peu l'opposé de celui d'Einstein. Si le célèbre Albert imagine dans ses équations ce que d'autres vérifieront après, Tesla crée à partir de ses machines sans forcément maîtriser totalement les principes physiques qu'il utilise ... ce qui aidera sans doute ses concurrents à lui voler la paternité de nombreuses inventions. le roman se lit vite mais s'il vous passionne et si vous avez un peu l'âme scientifique,prévoyez un peu de temps pour partir à la recherche d'éléments complémentaires sur les découvertes de Tesla.
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Gregor, dont la naissance fut illuminée par un éclair un soir de tempête, est un passionné d'électricité. On lui doit, entre autres, l'invention du courant alternatif. Engagé par Thomas Edison, il le quitte à cause d'une promesse non tenue.
Chez George Westinghouse, Gregor se lance dans une série de conférences sur ses inventions futuristes avec des démonstrations théâtrales et "connaît tout de suite un succès considérable". Il vit très vite au rythme de ses multiples découvertes et devient "en quelques mois le savant le plus célèbre du monde".
Gregor est parfaitement à l'aise avec la science, mais loin des réalités.Ayant toujours de nouvelles idées en tête, et il ne prend pas le temps de déposer ses brevets.
Par ailleurs, il a des troubles comportementaux qui l'éloignent de toute vie sociale. Seuls les pigeons qu'il soigne et guérit avec amour, se moque l'auteur, l'intéressent.
Jean Echenoz retrace dans son roman "Les éclairs"la vie de l'ingénieur Nikola Tesla, inventeur et ingénieur de génie dans le domaine de l'électricité.
Jean Echenoz le met en lumière avec virtuosité dans son livre éblouissant.
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"Des éclairs" est la troisième vie romanesque écrite par Jean Echenoz après les brillants "Ravel" et "Courir" qui m'ont régalé cette année. Des trois histoires, celle-ci est sans doute la plus fictive. L'auteur nous dit lui même en quatrième de couverture, qu'il s'agit d'une fiction sans scrupules biographiques. Elle s'inspire néanmoins de très près de la vie de Nikola Tesla, génial inventeur du courant alternatif et de ses applications industrielles qui ont révolutionné le XXe siècle (radio, radar, air liquide, néon... même la chaise électrique) .

Grégor le personnage principal est né hors du temps, quelque part entre 23 heures et 1 heure du matin, une nuit électrique, alors qu'une tempête brisait la terre et toute la maison familiale de mille éclairs. le bébé se révèle vite surdoué et un brillant étudiant, mais aussi antipathique et méprisant. On lui conseille de partir aux Etats Unis exercer ses talents. Ce qu'il fera.
Il rencontre d'abord Edison, inventeur de l'imparfaite technologie du courant continu, qui l'emploiera à la General Electrics et commencera à le dépouiller de ses premières idées. le premier d'une longue série à profiter des lumières de ce drôle de bonhomme plus passionné par les idées que par leur retour sur investissement. Grégor rencontrera après ce premier échec un deuxième grand industriel, Westinghouse, qui croira davantage en ses capacités et lui donnera une deuxième chance de réussir. Avec le pouvoir financier de l'industriel, ils surpasseront, grâce aux innovations de Grégor, l'étendue commerciale de la Général Electrics. Grégor deviendra célèbre et admiré du grand public comme de la haute société. Mais restera toujours un grand solitaire, plus heureux dans son laboratoire avec ses machines ou dans le parc qu'il affectionne au milieu de pigeons, seuls êtres vivants pour lequel il semble avoir de la sympathie, que dans les dîners mondains.

Le destin de Grégor, à l'image de celui de Zapotec ou de Ravel, d'un certain point de vue, se terminera sur une note tragique. de déboires en déboires, ses inventions, pillées pour les unes ou ridiculisées pour les autres (les trop farfelues ou les trop en avance sur leur temps), lui échapperont. Il deviendra en quelque sorte le pigeon de cette longue farce qu'était sa propre vie.

juin 2014
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Fiction biographique consacrée à l'inventeur Nikola Tesla, prénommé Gregor dans l'oeuvre.
Je fais les choses plus ou moins à l'envers, puisque je commence cette trilogie biographique par la dernière vie. En fait, je ne savais tout simplement pas que ce récit faisait partie d'une trilogie de trois vies : Ravel (biofiction de Maurice Ravel, Courir, biofiction de Emil Zapotek et enfin Des éclairs (biofiction de Nikola Tesla) …

Peu importe finalement … elles ne sont pas liées d'après ce que je comprends.

Dans Des éclairs, on retrouve l'écriture concise, mélodique, avec son lot d'ironie de Jean Echenoz ; il ne s'attarde pas sur certaines périodes de la vie de l'ingénieur, une vie qu'il minimalise brillamment, pour nous délivrer une bio fiction d'un personnage réel en un peu plus d'une centaine de pages, tout en détaillant précisément les faits historiques réels autour des inventions de l'époque, fin XIXème et début du XXème. C'est assez impressionnant, et surtout très réussi.

Le premier chapitre est assez bluffant et raconte la naissance imaginée de Gregor , une véritable scène apocalyptique qui plante quelque peu le décor, et justifierai des dons de ce scientifique surdoué, cet "histrion illuminé" qui n'aura de cesse toute sa vue durant, d'imaginer, de rêver de nouvelles inventions.

C'est un homme hors du commun, un génie, le génie des éclairs, obsédé par les chiffres (il compte tout, même le temps) que nous décrit Echenoz, passant sa "vie en ébullition", poussant ses recherches de plus en plus loin, à l'excès, jusqu'à représenter un danger. Un personnage qui semble souvent inhumain dans ses excès, absolument enfermé sur lui-même, dévoré par ses idées qui pressent en vrac son esprit, mais qui éprouve toutefois de l'amitié pour un homme Norman Axelrod, et de la jalousie pour sa femme Ehel Axelrod.
Il découvrira de nombreux principes comme la téléphonie sans fil, le radar, les robots télécommandés, l'énergie libre...
«Or on sait bien que tout le monde pense, toujours, la même chose au même instant. En tout cas se trouve-t-il toujours au moins quelqu'un pour avoir la même idée que vous. Mais il y en a toujours un aussi qui, avec la même idée que les autres, se montre plus patient, plus méthodique ou chanceux, mieux avisé, moins dispersé que Gregor, pour ne se consacrer qu'à elle et devancer le reste du monde en la réalisant.»

Ce récit est très instructif, on apprend comment est née la chaise électrique par exemple, les dangers du courant continu, ce qu'a été la guerre des courants (continu versus alternatif) qui opposa Westinghouse-Tesla et Edison.

Le chapitre vingt-quatre est très bon, il fait un portrait accablant du pigeon, qui me raisonne encore aux oreilles. Ah oui, j'oubliais de vous dire que les pigeons occupent une part très importante dans cette fiction, Gregor en est passionné. Il les nourrit d'abord, puis se met à les étudier et finit par tomber amoureux d'une pigeonne qu'il a recueillie dans sa chambre d'hôtel ... quand je vous disais que Gregor était un être atypique !

«On tuerait un pigeon sans guère plus d'états d'âme qu'on écrase une blatte. Il est cependant si nul qu'on s'en abstient. Par paresse ou par amour-propre, on se retient de lui donner un coup de pied sauf pour prendre un peu d'exercice et encore, il n'en est même pas digne, on ne voudrait pas risquer de souiller son soulier. Et qu'on ne m'objecte pas que, voyageur, il a rendu quelques services en temps de guerre, encore heureux qu'il ait trouvé un tout petit rôle de mécanique volante.»

Jean Echenoz fait des étincelles ... et personnellement, j'aime beaucoup !
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Ecouté en audio lu par Jean ECHENOZ lui-même, c'est fort beau. S'emparer ainsi de la vie d'un grand scientifique, Nikola Tesla, et le rendre proche de nous, si étonnant dans ses fragilités, ses fulgurances, quelle approche originale pour peindre ce portrait touchant! Et aussi cette révolte pour le pillage par tous les plus malins qui savent s'y prendre pour faire du profit, déposer des brevets. Les grandes avancées du confort de notre humanité doivent beaucoup à ce grand savant. Ce livre, discret à l'excès lui rend hommage finalement.
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Après Ravel et Courir, je termine - malheureusement- avec Des éclairs la trilogie de biographies de Jean Echenoz.

En plus du style incomparable de l'auteur, qui me plaît chaque fois autant, pour ne pas dire de plus en plus, j'ai apprécié ici l'histoire qu'il nous raconte: il s'agit d'une biographie très romancée, mais assumée comme telle puisque le nom du héros est changé, qui nous éclaire quand même sur l'histoire d'un personnage peu ou mal connu de nos contemporains, alors que ce fut un génie scientifique dont les trouvailles sont à la base de tout notre quotidien électrique.

Mais, encore une fois avec Echenoz, ce n'est sûrement pas cela l'essentiel mais plutôt son style, sa façon de s'adresser au lecteur, de s'impliquer dans le récit puis de prendre du recul, son ironie et son humour permanents... Un bonheur de lecture pour moi!
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Un titre bien choisi qui correspond bien au style de l'écrivain, et comment rendre sympathique un personnage qui ne le cherchait pas et qui n'a cessé d'osciller entre obscurités et fulgurances. Eh bien grâce au style, Madame, Monsieur, le style incomparable de Jean Echenoz, prenant ses distance avec l'histoire tout en y collant à sa manière, à la fois complice avec son personnage mais aussi avec son lecteur, semant quelques énumérations bien choisies, utilisant avec jubilation le "on" comme sujet de ses sentences ironiques ou mordantes, enfin jonglant avec son sujet au point qu'on meurt d'envie d'en savoir plus. Pour un peu, Nikola Tesla serait bien capable de revenir d'outre-monde pour lui serrer la main, le bougre !
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Écouté en livre audio.

Du pur Echenoz dans le style et dans le récit. L'itinéraire de vie hors norme de l'inventeur Tesla (oui oui) racontée avec détails emphasant le côté original pour pas dire excentrique du personnage.
Pour qui adore le style echenozien il ne sera pas déçu

La voix de l'auteur, tout comme pour ses autres livres audio, colle bien au texte, synthèse parfaite du papier, du texte et de la voix.
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