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3,82

sur 725 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Echenoz a creusé 3 fois la veine biographique pour s'affronter au génie: scientifique (Tesla), sportif (Zatopek), artistique (Ravel). Mais bien sûr Échenoz ne fait rien comme tout le monde.
Un bon biographe commence par la naissance. le livre s'ouvre sur un bain « amniotique » dont Ravel sort en titubant. Voilà, il est né et assez grand pour marcher: ça, c'est fait. le compositeur, à peine né comme personnage, est déjà une star dont la tournée en Amérique prouve l'engouement qu'il suscite. Au rebours de la biographie attendue, Échenoz ne nous dit presque rien du processus créatif : on en saura plus sur l'art déployé par Ravel pour choisir sa toilette du jour que sur la composition du Boléro.
Bon, mais alors, c'est quoi le génie?
Sans doute Échenoz a-t-il choisi Ravel parce que rien ne vient distraire le lecteur de cette question. Ravel n'a pas de vie privée, ni amant, ni maîtresse; sans être riche il n'est pas impécunieux; exit l'artiste maudit et romantique dont les tourments feraient jaillir l'inspiration. D'ailleurs, quelle inspiration ? Ravel ne dort même pas assez pour pouvoir rêver.
L'oeuvre naît de l'impalpable et du hasard. On presse Ravel de répéter? Bon, se dit-il, répétons. Et de ligne musicale répétée en ligne musicale répétée, voici le Boléro. Et surtout elle s'affranchît de son auteur. Qui ne l'aime pas tant que ça. Qui finit par l'apprécier sans être tout à fait sûr de l'avoir écrite. Et plus l'oeuvre de Ravel gagne en notoriété et en reconnaissance, plus l'auteur disparaît. Il cesse d'exister avant même de mourir, et on a si peu de photos de lui, pas d'enregistrement, même sa signature finit par ne plus pouvoir être formée. Reste l'oeuvre qu'aucune biographie ne saurait expliquer, prépondérante et admirable.
Et puisque le Boléro n'est que répétition, Échenoz répète l'oeuvre en mimant son accélération. Des pages pour ne décrire qu'une seule journée, puis autant de pages pour raconter plusieurs mois, et de moins en moins de pages pour un temps de plus en plus étendu. Au-delà du jeu et du clin d'oeil, c'est donc le livre intitulé « Ravel » qui se déploie comme le Boléro, l'auteur s'est confondu avec son oeuvre, et même Échenoz disparaît, happé par son sujet, lui aussi inclassable, et si Échenoz est Ravel, l'oeuvre une fois de plus éclipse son auteur.
Voilà. Un génie est un type dont on ne sait rien, sinon par la magnificence de ce qu'il a produit.
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Probablement l'un de derniers livres que je lirai dans le cadre du club-lecture consacré à la musique et auquel j'appartiens, je préfère rester sur une bonne, voire même une très bonne découverte. C'est l'impression que m'a donné cette lecture.

Jean Echenoz n'a pas eu le projet de faire une biographie de Ravel, non simplement raconter les dernières années de sa vie en les remettant en mouvement, afin de permettre au lecteur de ressentir ce qu'à pu vivre et, surtout dans quel état d'esprit, le compositeur à la fin de sa vie. Tour=t commence pas un départ pour les États-Unis où une longue tournée attend notre héros. Cependant, il faut apprendre à casser ses habitudes et si cela peut paraître facile lorsqu'on est jeune, cela devient de plus en plus fatiguant lorsqu'on vieillit. Aussi, ai-je l'impression que ce que Ravel retiendra de son séjour outre-atlantique, est que l'on y mange mal. Lui, ce qui lui faut, c'est de la viande et ce, à tous les repas ou presque. Il n'y a cependant, et heureusement, pas que cela, il y aura toutes les rencontres qu'il y fera, les nouvelles salles où on l'acclamera puis s'ensuivra une lente progression vers ce que l'on appelle "le début de la fin". Déjà distrait en temps ordinaire, Ravel oubliera de plus en plus de choses, perdra tout intérêt pour ses loisirs habituels jusqu'à se retrouver dans l'incapacité d'écrire, ne serait-ce que son propre nom. S'il est une oeuvre qui me vient automatiquement à l'esprit lorsqu'on évoque Ravel, c'est bien son célèbre "Boléro" et je suis ravie (il ne pouvait évidemment pas passer à côté) que Jean Echenoz l'aborde à plusieurs reprises, indiquant dans quelles conditions (fictives ou réelles, chacun sera libre de juger) le compositeur de génie que fut Ravel a composé cette oeuvre qui fera un succès immédiat sans qu'il ne comprenne réellement pourquoi. Il fait également allusion à plusieurs autres de ses compositions et à son talent, limité parait-t-il, en tant que pianiste, mythe ou réalité ? A vous de juger...

L'écriture d'Echenoz coule de source et le lecteur ne peut que se laisser entraîner dans cet ouvrage, quitte à en perdre le sommeil (je plaisante, je faisais simplement allusion aux problèmes d'insomnie dont souffrait Ravel et aux moyens qui sont indiqués ici afin de trouver plus facilement ce dernier. J'essaierai moi-même l'une de ces techniques dès ce soir !). Quant à vous, chers lecteurs, une lecture que je ne peux, une nouvelle fois, que vous recommander !
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L'excellent Jean Echenoz (Goncourt pour "Je m'en vais" ) continue son parcours singulier. En contant les dix dernières années du compositeur, Echenoz suit avec une foule de détails, la vie quotidienne du grand compositeur. On découvre un homme solitaire, en proie à des névroses, une fatigue récurrente qui prend de plus en plus de place, Ravel s'isole peu à peu vivant mal sa régression. le charme de l'écriture, les descriptions précises voir méticuleuses d'Echenoz font merveilles, il redonne vie à une époque, la maison de Montfort l'Amaury, les voyages, les réceptions, et l'on découvre un homme seul qui s'emmerde prodigieusement. On peut d'ailleurs se poser la question si ce portrait ne serait pas un reflet de l'auteur. Un roman qui se lit d'une traite, et confirme un écrivain exigeant, inclassable, vraiment à part. Ce n'est pas pour rien qu'il est édité par "Les éditions de minuit" réputée pour sortir des sentiers battus.
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Arènes de Martigny, 16 juillet 2023 : le Ballet Béjart me subjugue avec son Boléro envoûtant et hypnotique.

Chez moi, 7 août 2023 : je retrouve ce petit livre bien caché dans ma bibliothèque.
Et la magie opère. le Concerto pour la main gauche de Ravel s'allie à la plume de Jean Echenoz pour m'emmener à la découverte des dix dernières années de la vie du compositeur dont je ne savais rien ou presque.
Et la forme de stress et de perfectionnisme de Ravel que je perçois entre les lignes s'apaise et se mue en légèreté sur la portée.

Je suis fascinée de voir avec quel talent et quelle maîtrise Echenoz est capable de retranscrire l'essentiel en quelques lignes.
10 ans en 124 pages...
Et pourtant, j'ai l'impression d'avoir réellement goûté aux joies et aux douleurs des dernières années du maître.

J'avais déjà sué aux côtés de Zatopek dans l'oeuvre de Jean Echenoz "Courir" et me voilà dans une loge, aux côtés de Monsieur Ravel, habillé sur son 31, mal à l'aise d'entendre un autre jouer son oeuvre.
La plume s'envole sous les notes entraînantes. Elle est imagée, illustrée, poétique, scénarisée... Je suis sous le charme.

Un petit bijou à mettre en toutes les mains, qu'elles soient littéraires ou musiciennes.
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Le roman retrace les 10 dernières années de la vie du compositeur français Maurice Ravel 1875 – 1937. J'ai noté lors de cette lecture qu'il me fallait écouter à tout prix le concerto pour la main gauche écrit pour Wittgenstein, la sonatine. J'ai aussi retenu la description physique du Ravel devenu personnage de fiction avec des traits plutôt expressifs comme en témoigne le quatrième de couverture. Certains traits sont-ils caricaturaux ? L'insomnie par exemple ? "C'est qu'on ne peut pas faire tout en même temps, n'est-ce-pas, c'est toujours la même chose, on ne peut pas s'endormir en surveillant le sommeil". Je me demande s'il ne s'agit pas d'exprimer l'éternelle angoisse du créateur face au temps, surtout depuis que l'on sait qu'on passe plus d'un tiers de notre vie à dormir. Que reste-t-il des deux autres tiers qui ne sont pas utilisés pour des tâches plus ou moins prosaïques. J'ai aussi noté cette allusion à Joseph Conrad, à la "Flèche d'or" dans la dernière phrase : mais qu'aurait-il pu faire d'autre, en vérité?
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Envoyée spéciale m'a fait découvrir un auteur avec un style étonnant et original. Quand je suis tombée sur Ravel en audio, je me suis lancée, prête à relire Jean Echenoz. Cette biographie de musicien (enfin surtout les dix dernières années de sa vie) est assez singulière. D'abord, l'auteur n'en fait pas un portrait très flatteur, le personnage semble un peu rustre. Pourtant, on peut l'écouter avec plaisir. M'en vais chercher un bout de biographie à côté pour compléter mais cette lecture était agréable bien que surprenante.
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Ravel, premier livre de Jean Echenoz que je lisais.
Cela semble n'avoir pas grand-chose à voir, mais lisant toujours plusieurs livres à la fois, j'étais passionnée au même moment de découvrir dans le Journal de Joyce Carol Oates comment se construit un roman.Un roman qui ..me parle, je veux dire, pas un roman qui sent justement la fabrication. N'étant pas une littéraire, c'est une chose à laquelle je n'avais pas souvent pensé ! Sauf peut être en lisant la Correspondance de Flaubert, qui en parle longuement dans certains échanges. Et là, j'ai été particulièrement sensible à la construction et au rythme du récit.

Echenoz prend donc un personnage et des évènements bien réels et il les habille minutieusement, avec force détails descriptifs ( les habits, la maison, les lieux, les traits de caractère, les manies -les fameuses chaussures vernies sans lesquelles Ravel n'est rien, mais qu'il oublie tout le temps!- les rapports , de travail surtout, avec les autres personnages, dont par exemple le redoutable Toscanini qui joue le Boléro trop vite, ou Marguerite Long dont le portrait est court, mais hilarant.. ).
Tout cela est donc longuement décrit. Enfin, cela semble long, et je me suis demandée , dans ce livre si court, comment il allait caser 10 ans de vie, puisque l'on est prévenu à l'avance.

Le rythme.. tout est très lent donc au début. Et en 1933, l'accident de taxi et tout s'accélère, c'est la fin. Et pourtant il va se passer encore 4 ans… Mais il n'y a plus ni "développement" ni " modulation ". Juste des lieux qui changent et des " idées qui restent enfermées dans son cerveau ".

Déjà, le succès du Boléro, "une chose qui s'auto-détruit, une partition sans musique, une fabrique orchestrale sans objet, un suicide dont l'arme est le seul élargissement du son , quelque chose qui relève du travail à la chaîne" l'a surpris. Vide de musique ,tout dans le rythme.
Après, il y a le fameux Concerto pour la main gauche que Paul Wittgenstein, voulant montrer que l'on peut être manchot et bon pianiste, lui a massacré:

"C'est que Wittgenstein n'a pas du tout simplifié l'ouvrage pour l'adapter à ses moyens, bien au contraire il a dû voir l'occasion de montrer à quel point, tout handicapé qu'il soit, il est bon… le visage de Ravel est blanc. A la fin du concert, pressentant que cela va mal tourner, Marguerite tente aussitôt une diversion avec l'ambassadeur en parlant d'autre chose, mais rien à faire: Ravel s'approche lentement de Wittgenstein, on ne lui pas vu cette tête depuis qu'il s'avançait vers Toscanini. Mais ça ne va pas, dit-il froidement. Ca ne va pas du tout. Ecoutez, veut se défendre Wittgenstein, je suis un vieux pianiste et, franchement, ça ne sonne pas. Je suis quant à moi un vieil orchestrateur, répond Ravel de plus en plus glacé, et je peux vous dire que ça sonne . le silence qui s'assied dans la salle à ces mots sonne pour sa part plus fort encore. Malaise sous les moulures, embarras chez les stucs. Les plastrons des smokings pâlissent, les franges des robes longues se figent, les maîtres d'hôtel examinent leurs souliers. Ravel enfile son manteau sans un mot puis quitte prématurément les lieux, traînant après lui Marguerite éperdue."

Cet extrait qui donne une idée du style, et des consonances se situe donc en 1931, à la page 97 sur 117, il reste 6 ans, 20 pages mais c'est le tout dernier mouvement..

Du grand art!.

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En 1927, Maurice Ravel a cinquante-deux ans et s'apprête à embarquer sur le "France" pour une tournée triomphale en Amérique.
Entre ses voyages et sa maison de Montfort-l'Amaury, entourée d'oiseaux, sa garde-robe stupéfiante, Jean Echenoz s'approche au plus près de la personnalité de Ravel pendant les dix dernières années de sa vie. Inquiet, Ravel a une peur du vide maladive qu'il retranscrit dans "Boléro", sans développement ni modulation, et dont l'immense succès l'exaspère.
"Ravel" de Jean Echenoz est un beau roman, étonnant, à la hauteur du grand musicien.
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Ce roman est une biographie de Ravel limitée aux dix dernières années de sa vie. Mais c'est une biographie débarrassée de l'écume des jours (pardon Boris Vian). Si nous suivons Ravel dans son voyage en Amérique, puis son retour en Europe, la composition du Boléro et de ses deux concertos pour piano, c'est l'homme intime qui nous est livré là avec ses qualités, ses défauts, ses manies.
La langue d'Echenoz est une langue sans scorie, nue, qui va à l'essentiel, une langue précise où chaque mot est juste. le ton est distancié, pudique, subtil, ironique parfois et même dans le drame il reste léger, avec presque un sourire aux lèvres.
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J'ai tout de suite été séduite par l'écriture de Jean Echenoz. Puis, j'ai trouvé qu'il abusait des détails sur les caractéristiques techniques et l'aménagement du paquebot, des trains que Ravel avait empruntés pour sa tournée américaine, sur ses tenues à la limite de l'excentricité, etc. Heureusement, le livre est court. Je n'ai pas eu le temps de me lasser et je reconnais volontiers que ces détails nous mettent parfaitement dans l'ambiance du milieu dans lequel évoluait Ravel à l'époque de l'entre-deux-guerres. On est très loin d'une biographie exhaustive; il s'agit plutôt d'un portrait tout à fait crédible de Ravel, cette célébrité à la personnalité complexe qui, en dépit des apparences qu'il donnait à voir, était plutôt mal à l'aise dans son personnage.
C'est par ce livre que j'ai abordé cet auteur dont je connaissais le nom mais dont je n'avais jamais rien lu et cette découverte me donne le goût de faire un plus grand bout de chemin avec lui.
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