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4,3

sur 5061 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Du Nom de la rose, je n'avais vu jusqu'alors que le film. J'avais bien envie de lire l'ouvrage dont il était tiré, mais on m'avait prévenue que sa lecture en était ardue. J'ai donc attendu le bon moment pour me lancer.
Et, en effet, ma lecture fut ardue. Non pas parce qu'elle m'ennuyait, bien au contraire, mais parce que le roman est considérablement plus riche, plus complexe, plus érudit que le film.
Loin de moi de critiquer négativement l'adaptation réalisée par J.-J. Annaud. Un tel roman n'aurait pu être adapté en l'état et le film, porté par un Sean Connery impeccable, est une réussite, même s'il a pris quelques libertés avec l'histoire.
Le roman, lui, est une somme de connaissances sur le XIVe siècle, et plus particulièrement sur la vie des abbayes et les tensions religieuses qui règnent.
Frère Guillaume arrive dans une abbaye pour enquêter sur une mort mystérieuse. Dans le même temps, une délégation est attendue. le but de la rencontre : clore le débat sur la pauvreté ou non des religieux, tenter d'apaiser les tensions qui règnent au sein de l'Eglise alors que l'empereur est en rupture avec le pape avignonnais.
On le comprend de suite : si l'enquête de Guillaume est l'intrigue du livre, certains chapitres sont à ce point consacrés aux discussions théologiques et aux descriptions de la situation religieuse de l'époque que l'aspect policier n'apparaît pas comme le principal aspect.
Et pourtant, cela n'a rien de problématique. C'est ce qui fait tout l'intérêt, toute la richesse de l'histoire. Tout cet environnement, décrit avec force détails, assoit le contexte de l'enquête. Et l'on comprendra d'autant mieux, à la fin, les motivations du meurtrier.
Roman historique érudit, roman policier passionnant avec un mystère des plus original, roman amoureux des livres. Une somme qui se doit d'être lue à son rythme - ne pas hésiter à faire des pauses si la montagne d'informations est trop lourde. Un roman qui ne s'aborde pas comme une lecture détente, mais qui vaut vraiment le détour.
Quant aux nombreuses citations latines, pas d'inquiétude si l'on n'est pas latiniste. C'est mon cas et je n'ai pas été gênée par ma lecture. Je pense que, par contre, cela m'a fait passer à côté de quelques subtilités mais l'essentiel n'est pas perdu.
Un livre à lire absolument si l'on a vu le film, mais en prenant son temps, à l'instar de frère Guillaume qui enquête minutieusement et calmement.
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Je t'épargne une nouvelle fois le résumé, car je suis sûre que toi aussi tu l'as dévoré. C'est un feu d'artifice, un éblouissement. Imagine ma surprise de découvrir réunis dans un même livre plusieurs genres que j'adore: enquête policière, roman d'aventure, roman historique, sous-tendus par une grande érudition mise entièrement au service de la fiction. Sa lecture fut et est toujours jubilatoire. Ce livre restera à mes côtés.
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Le Nom de la Rose, c'est tout simplement une des plus belles immersions dans l'univers d'un monastère, une mise en scène des débats politiques et théologiques violents entre les différents ordres monastiques, et rien que pour ça, c'est déjà à lire. La révélation finale est en soi accessoire, mais on pardonne devant le travail d'érudit, et la plume foisonnante mais somme toute agréable à lire de Umberto Eco qui séduit.
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J'ai totalement adoré ce lourd livre, riche en connaissances, riche en personnages tous plus intéressants les uns que les autres, riche d'une histoire complexe magnifiquement contée. L'adaptation cinématographique est une superbe réussite, mais il était impossible de retrouver tout le sel du livre en un seul film, aussi réussi soit-il, aussi les deux sont à connaître, sans réserves.
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À cette question existentielle « seule sur une île déserte, quel livre emporterais-tu ? », force est de constater que je répondrai sans hésiter le nom de la Rose d'Umberto Eco (et une cinquantaine d'autres titres, mais chut).
Impossible de savoir sur quel pied danser dans cette atmosphère moyenâgeuse anxiogène rendant à merveille cette époque de péchés, de pénitences et d'Inquisition : par son écriture d'érudit mélangeant les genres, de l'enquête policière au huis clos en passant par le roman à clés et le roman historique, Umberto Eco nous embarque dans un récit combinant crimes sordides et réflexions philosophiques. Cela en déroute certains, mais c'est précisément ce qui me séduit.
Spécialiste du Moyen-âge, l'auteur recherche en effet une certaine forme d'exhaustivité, délaissant régulièrement la trame policière pour enrichir le propos de son savoir (sur la Bible, la religion, le rire et j'en passe). Dans son apostille, Umberto Eco assume ouvertement l'aspect ardu de son oeuvre, ciblant volontairement un lectorat précis ; d'aucuns diraient que le monsieur se prend trop au sérieux.
Mon ressenti serait plutôt que ce sont les lecteurs qui le prennent trop au sérieux. Entre le tapage fait autour de ce livre, le film à succès qui en a été tiré et le renom de son auteur, on ouvre le nom de la Rose en se sentant presque le devoir d'en aimer chaque mot. Et pourtant…
Pourtant, en effet, rien n'oblige à un tel effort. Un passionné, latiniste de surcroît, en appréciera l'intégralité. Personnellement, les passages érudits m'intéressent, mais n'étant pas assez familière de la langue latine, je passe allègrement et sans aucun remords les longues citations non traduites. Ne s'attarder que sur la résolution des crimes a également son charme. le lecteur a le choix, dommage qu'il ne s'en rende pas toujours compte.
Soyons francs : l'intrigue policière est pur prétexte pour nous amener à des questionnements théologiques, philosophiques, linguistiques et le mot de la fin n'est atteint qu'à force de patience et de concentration. Une fin qui ne vous laissera pas sur la faim, repus que vous serez de ce savoir nouveau.

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Le Nom de la rose est un livre qui traite des choses, des signes, des signes qui parlent des choses, et sur les livres, qui sont des signes qui parlent de signes. Comme la bibliothèque labyrinthique et mystérieuse qui fait l'objet de la convoitise des deux personnages principaux, le roman est un édifice de savoir jalousement gardé. Tout est fait pour enthousiasmer le lecteur avec une écriture magique, des énumérations référentielles, des descriptions magnifiques et passages en latin non traduits. Ce n'est pas Eco qui écrit au XXe siècle, mais un moine du XIVe siècle, et ses préoccupations sont fort éloignées des nôtres. Un fil rouge traverse le livre pour guider le lecteur au centre de ces circonvolutions. Quant à l'intrigue, elle est époustouflante, avec un vrai suspense digne de Conan Doyle. L'auteur ne cache pas son admiration pour le père de Sherlock Holmes et joue avec les clins-d 'oeil. le Nom de la rose est également une réflexion philosophique et historique, sur la mentalité des hommes d'Église du Moyen-Âge, de leurs doutes métaphysiques, de leurs querelles scolastiques, de leurs contradictions théologiques. Enfin, un roman qui parle de l'Eglise. Une Eglise médiévale en proie à mille contradictions et prompte à allumer les feux de l'Inquisition
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Tout le monde ou presque a déjà entendu parler d'Umberto Eco, cet écrivain et universitaire italien, auteur d'études et de romans remarqués. Toutefois, il est surtout connu du grand public pour ses oeuvres romanesques comme le Pendule de Foucault ou le Nom de la Rose. L'adaptation de ce dernier titre au cinéma permit à Eco d'accroître sa renommée internationale.



Quand nous évoquons le Nom de la rose, la majorité des personnes pense au film et non au roman policier. Inévitablement, des images sombres des Temps féodaux occupent les esprits. Elles renvoient à une époque forcément obscure, dure et terrible, alors que la réalité historique fut tout autre.



L'adaptation cinématographique insiste principalement sur l'enquête policière et sur la noirceur supposée de ce Moyen-Age, période finalement très mal nommée. Il suffit de voir les gros plans où la caméra nous montre des paysans aux faciès sales, aux cheveux hirsutes et aux bouches édentées pour renvoyer une image désastreuse. Nous sommes confrontés à une vision historique fantasmée voire même caricaturale. La plupart des figurants présente forcément des accoutrements peu dignes, comme des guenilles et des habits rapiécés, sans parler de leur air ahuri ou hébété. Nous avons ainsi l'impression que les Européens du XIVème siècle n'étaient guère évolués…



En définitive, dans le film, l'enquête reste le biais majeur qui permet de critiquer cette période historique. le héros, le fameux Guillaume de Baskerville étale son savoir et son intelligence, non sans une légère pointe d'orgueil. Son sens inné de la logique, de la déduction, la méthode intellectuelle qu'il emploie pour mener ses discussions avec les différents protagonistes lui permettent, malgré tous les obstacles, de résoudre l'énigme du monastère.



Dans l'ouvrage d'Eco, Baskerville reste ce charmeur fascinant à l'esprit vif et supérieur. Néanmoins, ses réels atouts intellectuels ne lui rendent pas l'enquête si facile. Il avance avec beaucoup de tâtonnements, parce que les difficultés sont nombreuses et les embûches tendues s'avèrent particulièrement redoutables. Prenons le temps maintenant de rappeler brièvement le contexte et de présenter le héros principal.



Tout commence en 1327, au moment où, comme trop souvent, la chrétienté médiévale européenne se déchire à cause d'un conflit plus que larvé entre le Pape XXII et l'empereur Louis IV du Saint Empire. Notre héros, un ancien inquisiteur, se rend dans une abbaye bénédictine située entre la Provence et la Ligurie. En lisant l'ouvrage ou en avançant dans le film, nous découvrons la raison pour laquelle Baskerville n'officie plus au sein de l'Inquisition. Baskerville voyage accompagné dans son périple par Adso de Melk, fils d'un noble guerrier, qui désire parfaire son instruction. Dans le livre, Adso est le narrateur de l'intrigue, dans le film il s'exprime par voix off. Il doit être perçu au sein du duo comme le docteur Watson, vu que Guillaume de Baskerville est un double clin d'oeil à Guillaume d'Ockham et à Sherlock Homes, de l'aveu même de l'auteur. Les amateurs apprécieront les références théologiques et littéraires.



Malheureusement, le film ne fait qu'effleurer le conflit théologique entre les franciscains et l'autorité pontificale au sujet de la pauvreté du Christ, de l'Eglise, et les diverses questions concernant les rapports du clergé à l'argent, au savoir et au pouvoir. le livre offre la possibilité d'être au coeur de toute cette cogitation intellectuelle forcément captivante. Dans cette fameuse abbaye, créée de toute circonstance pour les besoins du scénario, doit se tenir une disputatio entre les représentants du Pape et ceux des franciscains. Une fois que Baskerville arrive sur les lieux en compagnie de son apprenti, les moines bénédictins lui demandent avec une preste discrétion d'enquêter sur la mort mystérieuse d'un de leurs frères, survenue quelques temps auparavant.



Connaissant sa notoriété d'érudit, et sa réputation d'inquisiteur, ils espèrent que Baskerville résoudra l'énigme avant que les envoyés des deux camps n'arrivent à l'abbaye pour des confrontations qui ne s'annoncent pas de tout repos. le problème supplémentaire est que rapidement, ce qu'on croyait être un suicide prend finalement toutes les apparences d'un meurtre. Il faut se rappeler qu'un suicidé n'avait pas le droit à une sépulture chrétienne, c'est dire le problème soulevé par Eco en racontant cela dans son ouvrage. le fait qu'il s'agisse d'un meurtre efface la difficulté théologique mais ce crime soulève des interrogations : Qui ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ?



Eco appréciait beaucoup le symbolisme, d'où le titre du livre. La Rose étant par excellence l'une des effigies usuelles et habituelles de l'initiation… Dans le même ordre d'idée, précisons que l'histoire se voit découpée en sept chapitres, chiffre éminemment symbolique qui représente le nombre de jours de la semaine et de prières dans la journée (sept fois chaque jour je Te loue, Seigneur). Quant aux chapitres, leur organisation reprend exactement la liturgie des heures : matines, laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres, complies…



Au fil du livre, des découvertes et des échanges entre Guillaume et les moines bénédictins, nous nous rendons bien compte que des événements louches et non catholiques se déroulent au sein de cette abbaye. Plusieurs moines semblent savoir ce qui s'y passe. Certains apparaissent hésitants à en parler à l'enquêteur, comme s'ils craignaient pour leur vie. Pour ne rien arranger, et à la demande même du Pape, l'inquisiteur dominicain Bernado Gui se rend à l'abbaye et finit par s'impliquer dans les investigations. Ce Gui avait de surcroît un vieux contentieux à régler avec Guillaume, datant de l'époque où les deux étaient inquisiteurs. Leur rivalité montera crescendo tout au long du récit pour bien mal se terminer…



Baskerville incarne parfaitement le type même du poil à gratter dans cette société médiévale catholique, alors que beaucoup ne tournent pas le dos aux superstitions et idées magiques d'alors. Cependant, il convient de ne pas considérer Baskerville comme un libre penseur ou un précurseur de la prétendue religion réformée. Nonobstant ses traits d'esprit, dans l'ensemble savoureux, il reste soumis à l'autorité papale et ecclésiale. de plus, il ne remet en cause aucun dogme catholique et ne s'écarte pas de ses voeux prononcés dans une jeunesse déjà lointaine.



Dans le livre et encore plus dans le film, Bernard Gui passe délibérément pour un fanatique. Il croit sincèrement à sa mission de chasseur de sorcières et de traqueur de démons. Là ou Guillaume montre de la douceur au risque de passer pour un défenseur des hérétiques et des franciscains spirituels, et exprime certains doutes, Gui affiche un visage volontiers dur, sans charité et sans esprit de justice. L'attitude que lui font adopter l'écrivain et le réalisateur entre cependant en totale contradiction avec les enseignements délivrés dans le Manuel de l'inquisiteur commis par le Bernard Gui historique…



Plusieurs fois, au cours des échanges - toujours forts intéressants - avec son disciple, Baskerville vante les bienfaits de la civilisation musulmane en disant du bien de savants musulmans ou en expliquant que ces derniers savaient déjà des choses ignorées par les intellectuels catholiques. Fort bien ! Cependant, avec le recul des siècles, nous pouvons légitiment nous demander pourquoi cette civilisation musulmane si avancée n'a-telle pas continué de briller dans le concert des nations ? Pourquoi ce coup d'arrêt brutal voire même ce net recul ? Nous y reviendrons ultérieurement.



L'abbaye où évolue Baskerville renferme la plus grande bibliothèque de toute la chrétienté. Elle apparaît comme le navire-amiral de la connaissance. Des trésors intellectuels y sont copiés, étudiés quand d'autres restent sagement enfouis… N'oublions pas de préciser qu'elle se présente comme un grand labyrinthe où le profane et le novice peuvent se perdre en déambulant dans les couloirs. La métaphore architecturale nous paraît sublime. de même, les salles forment des plans géométriques et des messages en latin apparaissent sur les murs ou les linteaux des portes. Ils forment de véritables énigmes à déchiffrer, pour le plus grand plaisir intellectuel de Guillaume et Adso.



D'une manière générale, la question de la pauvreté défendue par les franciscains, conduit ici à une conception radicale. Ils argumentent en rappelant que le Christ était pauvre et qu'Il ne possédait que sa tunique et ses sandales. le chrétien devant imiter Jésus, les franciscains considèrent donc que l'Eglise gagnerait à se dépouiller de tous ses biens matériels. Pourtant, Jésus avait aussi déclaré : « Faites-vous des amis avec l'argent d'iniquité ».



Cette réflexion entamée par des théologiens franciscains provoque des répercussions politiques dans le domaine temporel. Effectivement, les Empereurs et les Rois aimaient revendiquer leur indépendance face au pouvoir spirituel incarné par le Pape, voire même à empiéter sur ses prérogatives. Cette querelle sur la pauvreté de l'Eglise offrait à Louis IV l'occasion de contrarier Jean XXII et surtout de vouloir que les biens ecclésiastiques lui reviendraient de droit, si l'Eglise adoptait la position dangereuse des franciscains : le droit de propriété constitue un des fondamentaux bibliques.



Au milieu de ces essentielles considérations théologiques et philosophiques, un chapelet de morts s'égraine régulièrement dans l'abbaye, sans que Guillaume, malgré son talent d'enquêteur, n'arrive à l'empêcher. de plus, les discours millénaristes hérétiques entrent également en jeu, car des moines bénédictins furent, dans leur passé, adeptes des théories d'Ubertin de Casale et de Michele da Cesena.



Entre l'enquête passionnante et les réflexions intellectuelles profondes, ce livre d'Eco nous a littéralement enthousiasmés. Il est remarquablement bien écrit, l'esprit médiéval, retranscrit par l'auteur, nous transporte sur le chemin difficile de la quête intellectuelle menacée par l'ignorance et les excessifs de toutes les écoles.



En définitive, le livre sert de point d'appui à Eco pour poser différentes questions : Qu'est-ce que l'erreur ? Comment la combattre ? La connaissance doit-elle être diffusée à tous ou réservée à une élite ? Comment envisager les rapports avec l'autorité ? Cette connaissance des Anciens et sa transmission, la devons-nous vraiment aux arabes musulmans ? L'Eglise doit-elle être pauvre ? Qu'est-ce que la pauvreté ? Dans le domaine temporel, Jésus a prêché et enseigné, mais sans défendre une institution en particulier… Par conséquent, comment la société doit-elle s'organiser à l'aune du discours évangélique ?



Eco le confesse volontiers dans son introduction : il n'avait pas la volonté, ni l'envie de répondre à toutes ces interrogations. Pour nourrir cette réflexion et ouvrir de vastes perspectives intellectuelles, nous citons volontiers le narrateur, Adso : « Il fait froid dans le scriptorium, j'ai mal au pouce. Je laisse cet écrit, je ne sais pour qui, je ne sais plus à propos de quoi : stat rosa pristina nomine, nomina nuda tenemus ». Les initiés comprendront et les autres buteront sur cette phrase…





Franck ABED
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Une intrigue policière qui confronte obscurantisme et raison.
Une série de meurtres, et une bibliothèque mystérieuse, interdite, presque vivante, au centre de l'abbaye, mais aussi du récit.
L'univers dépeint restitue ce que devait être la vie monastique en ces temps moyenâgeux, loin de l'utopie d'une société parfaite. Les moines demeuraient des hommes : certains fanatisés par de longues années de conditionnement religieux, d'autres placés par leurs familles, et animés par de plus personnels desseins.
Un grand thriller médiéval, un livre savant mais accessible, on plonge littéralement dans une autre époque sans difficultés
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Plus sûrement que ce qu'on appelle les self-made-men (cette espèce croyant ne devoir qu'à soi-même une trajectoire non dénuée en réalité d'opportunités heureuses, émaillée de maintes rencontres profitables ; surtout tributaire de la bonne réception par tous les autres de leur entreprise), il semble y avoir de ces livres, parmi la surabondance, qui se soient écrits eux-mêmes... Comme nés de l'origine du monde, pré-existants à l'humanité dans la trame de l'univers. Peut-être ont-ils toujours été là. Bref, à un moment de l'histoire, ils s'échappent d'où ils sont retenus et partent habiter nos librairies, nous délivrant tout ce qu'ils veulent nous communiquer dans leur extrême perfection d'objets divins...
Bon... Cette introduction pour dire que je ne peux pas croire qu'une simple tête humaine ait écrit pareille chose ! Alors je tente des explications.
L'idée d'Umberto Eco est d'emblée assez géniale de faire passer ce qui est pure oeuvre de fiction pour la traduction qu'il propose en italien d'une ancienne traduction française d'un authentique manuscrit du XIVe siècle, rédigé de la main d'un jeune novice bénédictin, plusieurs fois perdu puis retrouvé. D'autant qu'il fait mine au début de nous partager ses nombreux questionnements liés aux enjeux de telle traduction : faut-il conserver, et dans quelle mesure, les textes en latin ; quel style et quelle langue adopter ; sa défiance quant à la qualité, à la fidélité de la (fausse) traduction française sur laquelle il s'appuie ; comment rendre le plus accessible possible un texte vieux de sept siècles à des lecteurs contemporains, sans pour autant trahir son auteur...
Aussitôt après ces feintes considérations, qui donne déjà au récit une forte impression d'authenticité (et en effet, on s'y croirait), nous voici projetés au beau milieu d'une abbaye bénédictine du XIVe siècle, probablement, est-il dit, située dans le nord de l'Italie actuelle, pour un huis clos pesant de plus de 700 pages.
La reconstitution de l'abbaye impressionne. C'est comme si elle apparaissait sous nos yeux, c'est sombre, on croit voir et sentir l'aspect froid et humide des vieilles pierres.
Puis viennent les meurtres, et sur le canevas historique se tisse progressivement une savante enquête à la Sherlock Holmes. Ce n'est d'ailleurs pas le fruit du hasard si les deux protagonistes principaux ont pour noms Guillaume de Baskerville, référence au célèbre roman du sir Arthur, et Adso, dont la paronymie avec Watson est plus qu'évidente.
Le Nom de la rose est sans nul doute une lecture exigeante. Eco, merci à lui, nous en avertit dans sa "préface à la nouvelle édition" de 2012 : " Je veux toujours soumettre mon lecteur à une certaine discipline pénitentielle". Cette intention, et le fait de la revendiquer, fait énormément de bien, à une époque où l'objectif de nombre d'auteurs est avant tout, me semble-t-il, de préserver surtout l'énergie de leurs lecteurs, et leur patience, ne pas leur demander trop d'effort. Dès l'amorce donc, Eco nous prévient que ce sera dur, et je me suis dit qu'il ne fallait surtout pas chercher à tout comprendre. Cela a libéré ma lecture et l'a rendue peut-être plus magique encore ! Car en effet, je ne comprends pas tout, mais cette époque si lointaine, ces hommes, dont ce livre est censé être le témoignage direct de l'un d'eux, les considérations de ces hommes, ne sont-ils pas, de fait, inaccessibles ? C'est l'authenticité qui s'en trouve encore augmentée.
Tout le roman est traversé par des réflexions extrêmement intéressantes, mais aussi très savantes. Sur la nature du rire, sa prise en compte par la religion ; sur l'amour ; sur la pauvreté au sein de l'Église, les différentes doctrines ; sur les dangers et les dérives de l'interprétation ; sur les marges et les exclus, le recours à la violence... Ces très nombreuses problématiques entrent évidemment en résonance avec celles d'aujourd'hui, sans doute moins imprégnées de religion parce que plus laïques (encore que) : on pense aux caricatures, au débat sur l'existence ou non d'une violence légitime, etc. Cela montre en tout cas comme la religion, puisqu'elle s'est saisie et se saisit encore (heureusement ou malheureusement, peu importe) de questions importantes de société, de droit, de philosophie, de morale, les mêmes qu'on retrouve de nos jours, n'est rien qu'une tentative d'organisation sociale.
J'ai vu aussi la question du ridicule comme une des thématiques principales du roman. Des personnages d'une phénoménale érudition, éloquents, détenteurs sans doute d'une certaine sagesse... qui parlent et qui discutent sans arrêt de choses si insignifiantes, d'une nullité, qui ne peuvent avoir aucune réponse ! C'est-à-dire que de l'interprétation d'un minuscule mot, d'une phrase perdue par exemple au milieu de l'Apocalypse, on va l'examiner et en débattre des heures durant, sans jamais se rendre compte de la vacuité et de la nullité de ce qu'on est en train d'étudier, et pour ça on se traite d'hérétique et se menace de s'envoyer sur le bûcher... On ne peut s'empêcher de penser que certes on a affaire ici à des gens sûrement très érudits et très savants, peut-être intelligents, tout ce qu'on veut, mais au service de quoi mettent-ils leur intelligence ?! Ils sont tellement sérieux et si sévères, ils deviennent tout rouges d'entendre que les Justes ne verront finalement le visage de Dieu qu'une fois passé le Jugement Dernier ! Merci monsieur Eco d'avoir su montrer aussi, pour les tourner en ridicule, ce genre de caractère et de comportement. Cela pourrait prêter à rire, n'en déplaise à certains...
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Un livre « culte » d'Umberto Eco qu'il faut lire, même si l'on a vu le film, le livre fournit un éclairage particulier de l'histoire que le film n'aborde quasiment pas. « le nom de la rose » raconte une enquête monastique passionnante menée de main de maître par un moine franciscain dans un monastère dominicain, c'est aussi un livre d'une grande érudition. Il dévoile les moeurs et habitudes dans un monastère perdu dans les montagnes du nord de l'Italie, et les fortes tensions et conflits qui règnent au sein de l'église en ce XIVème siècle en raison de l'opposition entre le pape Jean XXII et le gouverneur du Saint Empire germanique Louis de Bavière.
Dès leur arrivée au monastère, Guillaume de Baskerville et son élève Adso de Melke, venus participer à une assemblée de légations destinées à calmer les tensions entre les groupes de l'église dont l'étique diverge mais aussi les positions politiques, apprennent qu'un des moines de l'abbaye a été retrouvé mort au pied des remparts. En tant qu'ancien membre de l'inquisition Guillaume est chargé de mener l'enquête sur cette mort suspecte. Dans les jours qui suivent, d'autres moines sont retrouvés morts, ayant tous en commun sur un doigt et sur la langue une tache bleuâtre. C'est vers la bibliothèque que guillaume oriente son enquête, mais hélas, l'entrée est interdite à toutes personnes autre que le moine bibliothécaire et le très vieux et très « vénérable » Jorge. Alors il lui faudra ruser pour pénétrer dans le sacro saint domaine des livres. La bibliothèque renferme un livre maudit, un livre interdit que personne ne doit lire, tout le mystère des meurtres réside là, à Guillaume de le débusquer.
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