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Alain Paruit (Traducteur)
EAN : 9782070394906
240 pages
Gallimard (23/04/1996)
3.58/5   20 notes
Résumé :
"Nous entrerons bientôt dans une phase de l'Histoire universelle où aucune des libertés que nous avons à peine eu le temps de connaître ne sera plus tolérée", écrit Mircea Eliade. Mais il est peut-être un moyen d'échapper à cet univers orwellien qui avance inexorablement ses tentacules : existerait-il, dans les Carpates enneigées, non pas un quelconque château de Dracula, mais une sorte de porte invisible, un passage permettant de s'évader dans un autre espace-temps... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Un subtil mélange, laissant le soin au lecteur d'entrer ou de rebondir sur la face qu'il veut, empilant des possibles strates, mise en abîme détendue… où l'avant-garde est considérée, à l'instar de Bolaño, comme une sérieuse farce, d'une goguenardise savante et recherchée, dont l'existence sert autant l'art et la recherche qu'elle apparait dérisoire… tout comme la littérature, nous chuchoterait le grand esprit qu'est Mircea Eliade, à travers son double divisé, tantôt narrateur-larbin secrétaire, oeuvrant dans l'ombre du grand écrivain national d'une nation à tendance totalitaire des années 60… Notre roumain francophile restera à jamais entre les deux, tout en les incarnant simultanément…

Une histoire qui se lirait comme un thriller, avec une étrange galerie d'individus, chacun mu par d'inassouvies pulsions, sa part d'ombre éclairée par une étrange familiarité, un déjà-vu trop réaliste pour n'être que du roman.
L'érudition à tendance hégélienne du texte pourrait se résumer à ce mot, probablement neuf pour le lecteur courant, qu'est l'anamnèse, expérience possiblement divinatoire d'un passé ressuscité, porte d'entrée, mais surtout de sortie, d'un roman sur le fil dont la quatrième de couverture à l'audace d'en interpréter la fin, interrogeant encore et toujours la place à donner à cet espace éditorial trop souvent bavard…

Du bien bel ouvrage, dont les manques ne s'expriment jamais ouvertement, confirmant l'impression d'un morceau pris dans une vie, continuant sans qu'on ne reste à l'observer, étrange et envoutant roman auquel il manquerait quelques voyelles.
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Relecture (après environ 18 ans) :
Ce roman est complexe et polysémique, pourtant son rythme et la maîtrise parfaite de sa construction le rendent addictivement accrocheur.
Au premier niveau, le narrateur Eusebiu Damian, le secrétaire du grand écrivain vieillissant et en panne d'écriture A.D. Pandele, assiste et est personnellement impliqué dans la tentative d'anamnèse de celui-ci, confronté à l'impératif de se souvenir de ses actes accomplis la nuit de Noël 1938 (28 ans avant le temps de l'action narrative) dont découlèrent la naissance d'un fils inconnu et son abandon de l'écriture dramaturgique. Dimitri, son fils retrouvé, et la fiancée de ce dernier, Niculina, tous deux acteurs de théâtre talentueux, l'y feront parvenir, mais conséquemment les trois disparaîtront définitivement dans une dimension parallèle, dont Eusebiu Damian sera seul à revenir. le côté ésotérique du roman est ainsi mis en avant, avec quelques indices d'apparitions et disparitions et sauts temporels tout au long de la trame, y compris dans le symbole convoqué par son titre.
Au deuxième niveau, l'anamnèse ainsi que le « déplacement » dans l'autre dimension s'opèrent grâce au pouvoir cathartique du théâtre (écrit ou lu outre que représenté), de la danse, de la musique. Cette idée de la catharsis chorégraphique et dramaturgique avait déjà été formulée par Antonin Artaud, mais Mircea Eliade la met ici en relation avec la psychanalyse jungienne, par la capacité que le théâtre possède de se rattacher aux mythes et aux archétypes : dans ce roman, il est question de plusieurs mythes : antiques (Orphée et Eurydice), récupérés par le christianisme (Orphée égale Jésus) ou proprement chrétiens (Pierre et Simon le Mage), ainsi que relatifs à l'épopée nationale roumaine. Il est suggéré que l'accession aux archétypes s'opère par la transe permise par les actions scéniques. Par contre, la résistance à cette lecture de l'oeuvre théâtrale – que l'on pourrait qualifier de « chamanique » – comme s'y obstine Eusebiu pendant qu'il dactylographie les pièces de son « patron », le condamne à l'incompréhension totale de ces textes et de ce qui lui arrive dans la vie (ainsi qu'à l'insomnie chronique) que même un voyage en Inde ne sait éclairer.
Au troisième niveau, cette catharsis théâtrale constitue le seul moyen d'atteindre une liberté absolue, dont la modernité et les régimes politiques afférents – en particulier le communisme (le roman, écrit entre la France et les États-Unis en 1978-1979 a pour cadre la Roumanie des années 1966-1969) – tendent à déposséder les citoyens de plus en plus sévèrement. le personnage principal, Pandele, qui redevient frénétiquement et prolifiquement dramaturge et critique théâtral, ainsi que son inspirateur et collaborateur, le mystérieux scénographe, réalisateur de cinéma et impresario Ieronim Thanase se défendent de donner de cette liberté absolue une signification uniquement ou principalement politique, mais la trame du roman ajoute un aspect d'intrigue politique haletant, avec une conspiration au sommet de l'État et l'enquête de l'inquiétant inspecteur Albini, travaillant pour la Securitate tout en étant féru de littérature gnostique.
Je ne sais plus, lors de ma première lecture, lequel de ces niveaux avait attiré le plus mon attention, sans doute le dernier, mais à présent je peux dire que les trois possèdent la même importance et que telle fut certainement l'intention de l'auteur.
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Un écrivain Anghel D. Pandele tente une aventure des plus modernes : une nouvelle expérience théâtrale pour se libérer des entraves sociétales, aidé en cela par de très jeunes gens idéalistes et un metteur en scène génial Ieronim Thanase. C'est son fidèle secrétaire, Eusebiu Damian qui nous raconte son étrange histoire avec en toile de fond la présence politique omniprésente d'Emanoil Albini, du Ministère de l'Intérieur.
C'est un récit bien embrouillé mêlant le théâtre, la philosophie, la politique. L'histoire est agréable, les personnages sympathiques mais les digressions sur les sujets cités plus hauts ne sont pas aisées à suivre.
Il me semble que l'on parle ici de la sauvegarde de la liberté d'être et de penser, qui selon l'auteur, n'existera bientôt plus dans nos civilisations. Des jeunes gens cherchent la liberté absolue et quelle meilleure liberté que celle de l'anonymat total, la disparition complète de quelqu'un et tout ceci, aidé par une mise en scène très théâtrale.
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Ce roman illustre la liberté et la mémoire sur fond de théâtre et de communisme. La fusion du romanesque, de l'ésotérisme et de l'essai s'opère difficilement. Ne vaut pas "le vieil homme et l'officier" du même auteur.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Par conséquent, la suppression graduelle et inéluctable de toutes les libertés, quelle qu’en soit la nature, peut être compensée uniquement par ce que j’ai appelé la liberté absolue. Je veux croire et j’espère que les jeux, les spectacles dramatiques, gymniques, chorégraphiques, la récitation de poésies et la chanson ne pourront pas être tous interdits. En tout cas la méditation, les prières intérieures – par exemple, répétées la nuit ou à tout autre moment de solitude - , certains exercices physiques exécutés à un rythme si lent qu’ils en deviennent imperceptibles pour tout œil non averti, tout cela ne peut pas être interdit. Et ces petits riens – gestes, chansons, poésies récitées autrement qu’on nous l’a appris, méditations, prières intérieures, exercices de respiration et de visualisation -, ces petits riens peuvent devenir des techniques d’évasion.
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Car, si chacun est d’accord pour dire que Hegel pensait vraiment que l’Esprit universel se manifeste dans tout événement historique, la plupart des exégètes interprètent cette idée d’une façon simpliste, à savoir : nous devrions accepter les événements historiques, les manifestations concrètes de l’Esprit Universel, même dans leur expression la plus monstrueuse, par exemple les fours crématoires de Buchenwald ; les accepter et les justifier : puisqu’ils ont eu lieu, puisqu’ils se sont réalisés dans l’Histoire, cela signifierait qu’ils sont rationnels et, par conséquent, justifiés ou justifiables.
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« Par conséquent, me dis-je, encore la même chose : l'anamnèse par les gestes, les incantations, le spectacle. Comme disait Ieronim, tel est le but de tous les arts : révéler la dimension universelle, c'est-à-dire la signification spirituelle de tout objet ou geste ou acte, aussi banal ou ordinaire fût-il.
- Mais, grâce au spectacle dramatique, ajoutait-il, déchiffrer les significations symboliques et donc religieuses des événements de toute nature peut devenir un instrument d'illumination ou, plus exactement, de rédemption des foules...
Pandele tourna la tête de mon côté et expliqua :
- Voilà pourquoi je vous disais ce matin que cette façon de pratiquer l'art dramatique est aujourd'hui le seul moyen d'accéder à la liberté absolue. » (pp. 97-98)
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Le lendemain, dans la voiture qui me ramenait à Bucarest, j’essayai de récapituler toutes les rencontres et les découvertes faites au cours des vingt-quatre heures qui venaient de s’écouler.
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L’art dramatique, Monsieur Damian, redevient ce qu’il était à l’origine : un art magique.
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