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sur 1097 notes
Après La place, où l'auteur évoquait la disparition de son père, Annie Ernaux prend la plume pour faire face à l' inéluctable, prévisible, et pourtant très douloureuse mort de sa mère. Tout comme l'a fait Simone de Beauvoir avant elle, dans Une mort très douce, Annie Ernaux relate ce triste passage de sa vie où elle perd celle qui l'a mise au monde, du moment où elle disparaît jusqu'au moment où il ne reste plus trace d'elle.
Elle se met d'emblée à la place qui est la sienne, dans son rôle de fille, mais avec cette distance objective et froide nécessaire avant tout pour pouvoir guérir, et se protéger de la douleur et de ce qu'elle pourrait emporter avec elle : ainsi, l'auteur garde toute sa dignité, sa lucidité.
Elle écrit ce constat, celui de la disparition pure et simple de sa mère, durant plusieurs mois après le décès. de ses sentiments, au fond, elle ne dit rien. Et lorsqu'elle évoque la dernière tenue de la défunte, c'est en ces termes : « J'ai voulu lui passer la chemise de nuit blanche, bordée de croquet, qu'elle avait achetée autrefois pour son enterrement. L'infirmier m'a dit qu'une femme du service s'en chargerait, elle mettrait aussi sur elle le crucifix, qui était dans le tiroir de la table de chevet. » (p. 12) Ainsi, sans rien dire de son souhait, de ses besoins d'alors, Annie Ernaux fait le récit de ses gestes, de ses requêtes sans jamais tomber dans la plainte.
Car là n'est pas l'objet de son récit. La douleur de perdre une mère, elle est inévitable sans doute. Mais ce qui fera avancer l'auteur sur le chemin du deuil, ce n'est pas parler de sa douleur, mais belle et bien de la défunte, de celle qui fut. Même lorsqu'elle évoque le moment où elle revoit sa mère morte, dans son cercueil, ce n'est pas autrement qu'avec ces mots simples, relégués sur le plan de la description unilatérale et sobre « Ma mère était dans le cercueil, elle avait la tête en arrière, les mains jointes sur le crucifix. On lui avait enlevé son bandeau et passé la chemise de nuit avec du croquet. La couverture de satin lui montait jusqu'à la poitrine. C'était dans une grande salle nue, en béton. Je ne sais pas d'où venait le peu de jour. (p. 16)». L'auteur s'attache aux détails qui entourent la mort, le corps, le visage... aucunement au visage, au corps, ou à la mort.
L'écriture fonctionne comme une gomme, qui atténuerait un peu les caractères trop acidulés d'un crayon de papier sur une feuille trop fine : peu à peu, les traits s'estompent et l'image devient légèrement plus floue, comme jaunirait un vieux polaroïd. Alors l'image devient plus supportable. Et la photo doit être regardée de manière objective, car c'est encore ce qui fait le moins souffrir : se rappeler les bons mais aussi les mauvais moments. Trop souvent, lorsqu'un être cher disparaît, on se torture de bons moments, de souvenirs joyeux qui deviennent peu à peu source de douleur. Ce n'est pas le cas d'Annie Ernaux : « En écrivant, je vois tantôt la « bonne » mère, tantôt la « mauvaise ». Pour échapper à ce balancement venu du plus loin de l'enfance, j'essaie de décrire et d'expliquer comme s'il s'agissait d'une autre mère et d'une fille qui ne serait pas moi. Ainsi, j'écris de la manière la plus neutre possible (…). Au moment où je me les rappelle, j'ai la même sensation de découragement qu'à seize ans, et, fugitivement, je confonds la femme qui a le plus marqué ma vie avec ces mères africaines serrant les bras de leur petite fille derrière son dos, pendant que la matrone exciseuse coupe le clitoris. » (p. 62).
Mère modèle, mère encombrante, mère besogneuse, récalcitrante, aimante ou navrante : voilà la belle palette de cette défunte qu'Annie Ernaux fait revivre pour mieux la laisser mourir ensuite. « Il me semble maintenant que j'écris sur ma mère pour, à mon tour, la mettre au monde". (p. 43).
Ecrire sur ses défunts, sans contrainte de temps, afin de pouvoir mieux vivre son deuil, c'est bien sûr un luxe : elle l'avoue volontiers. Mais elle nous donne par là même un ouvrage extraordinaire, ni roman ni confession, une vraie leçon en tout cas : « Il fallait que ma mère, née dans un milieu dominé, dont elle a voulu sortir, devienne histoire, pour que je me sente moins seule et factice dans le monde dominant des mots et des idées où, selon son désir, je suis passée. ».
Quelque part, on ne peut s'empêcher de penser, enfin : mais combien de femmes en ce monde naissent réellement le jour de la mort de leur mère ?


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Ainsi je poursuis mon périple dans la littérature matricide. Je ne peux que vous reconseiller l'excellent Et qu'on m'emporte de Carole Zalberg, dont Nathalie Kuperman, que je découvre en ce moment (voir colonne de gauche), a fait l'éloge à son tour !
Lien : http://lethee.over-blog.com/..
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Bouleversant.
Je n'avais jamais lu Annie Ernaux, et voilà que je commence par un roman déchirant, par le récit du décès et de sa mère, du vide incroyable qu'il laisse, de ce besoin de dire qui elle était alors qu'elle-même ne le savait plus les dernières années de sa vie, que même malgré la maladie on est jamais prêt à dire au revoir.
Je ne veux pas imaginer le jour où je ne dirai plus "maman".
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Un témoignage ?
Un texte sociologique ?
Avec Annie ERNAUX, on ne sait jamais vraiment où/comment classer ses écrits.
Mais ce n'est pas là l'essentiel.

Avec Une Femme, Annie ERNAUX rend un bel hommage à sa mère, touchée par la maladie d'Alzheimer.
Dans ce cour récit, on passe habilement de la vision de la petite fille admirative de sa mère (la couleur de ses cheveux, les éclats de rire, les jolies toilettes et la manière dont elle se maquillait), à l'adolescente honteuse de ses attitudes, de son manque de tenue; pour finir par la femme qui prend vaillamment en charge cette maman qui a perdu la tête jusqu'à être retombée en enfance (la description, par étape, de la déchéance de cette mère est souvent pénible à lire).

Comme à chaque fois, le lecteur ressent le côté cathartique de l'écriture d'Annie ERNAUX.
D'ailleurs, il faut prendre le temps, pour lire Annie ERNAUX, respecter la ponctuation à la lettre si je puis dire, ne pas hésiter à relire une phrase abordée un peu rapidement, pour en saisir toute la subtilité. Car aucun mot, aucune structure de phrase, n'est posé par hasard. D'ailleurs, Annie ERNAUX l'écrit très clairement dans ce livre : elle passe beaucoup de temps à s'interroger sur "le choix et l'agencement des mots, comme s'il existait un ordre idéal, seul capable de rendre une vérité concernant ma mère".

On retrouve de grandes similitudes avec son texte La Place. Normal, me direz-vous, puisqu'Une Femme en est son pendant féminin.
Un récit très touchant.
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Dans ce texte, Annie Ernaux évoque sa mère qui vient de mourir. Outre les rapports complexes que toutes mères et toutes filles entretiennent, il me semble que le propos principal est la relation que la fille, transfuge de classe, a développé avec la mère en raison même de ce transfert et du décalage qui s'est peu à peu créé entre elles, en particulier dans leurs références sociales, et qui les a sensiblement éloignées.

Le point de vue de la mère, nous l'ignorons. Reste seulement le témoignage de la fille. Et je n'ai pu m'empêcher en lisant ce texte de penser à la très intéressante critique de Nastasia-B sur le livre Les Origines de Gérald Bronner (à lire sur Babelio). Car, sur les sentiments d'une transclasse, dans ce livre, nous sommes au coeur du réacteur personnel d'Annie Ernaux.

En ce qui me concerne, je le précise, je ne suis pas un transfuge de classe. Je suis né où je suis toujours, dans une position facile et enviable, si ce n'était qu'en raison d'une étrange symétrie de miroir avec Nastasia-B, je me trouve également dans une position proche de son Ni-Ni qu'elle décrit parfaitement et où, très curieusement, étrange paradoxe, je me reconnais. Je fréquente très peu, ayant beaucoup de mal à les supporter, ces CSP++ nés au bon endroit (comme moi) mais qui ont suivi l'étroit sillon familial sans jamais tenter un pas de côté et sans jamais regarder d'autres paysages ou fréquenter d'autres écuries que celles de leurs parents.

Nastasia-B, en rappelant sa critique d'un autre livre d'Annie Ernaux que je n'ai pas lu (La Place), parle de trahison de celle-ci par rapport à sa classe d'origine et conteste sa revendication de venger « sa race » en écrivant. Or, dans Une Femme, Annie Ernaux dit les choses avec une étonnante lucidité. Page 65 de ma vieille édition Folio de 2002, elle écrit cette phrase hallucinante pour révéler la trajectoire divergente qu'elle prend à l'adolescence par rapport à sa mère : « A certains moments, elle avait dans sa fille en face d'elle une ennemie de classe ». Tout est dit.

Et c'est d'autant plus dramatique que sa mère a tout fait pour la pousser à faire des études, à grimper dans l'échelle sociale (comme on dit), tentant de vivre à travers sa fille, par procuration, une vieille ambition personnelle inaboutie. Elle accompagne sa fille qui lui « apprend » de la culture avant que celle-ci ne l'abandonne sur le bord de la route parce que la mère ne peut plus suivre.

Dans le texte, Annie Ernaux indique à plusieurs reprises la honte qu'elle a de sa mère quand celle-ci est en contact avec les mères de ses camarades d'un milieu plus bourgeois ; sa mère est trop grosse, sa mère parle trop fort, manque de discrétion, est trop spontanée, etc. Son mépris suinte tout au long du livre. Et ce mépris ressemble à s'y méprendre à celui de ma propre mère envers les milieux populaires. Les bonnes âmes y verront l'inverse, une réhabilitation de sa mère, de ses qualités, de sa force. Certes, il y aussi de cela, parfois, par moments fugaces, mais le mépris traverse le roman, et pas seulement le mépris de sa mère, mais le mépris du milieu dont elle est originaire.

Quant à son père, Annie Arnaux l'avait abandonné plus précocement encore que sa mère, car celui-ci, dénué d'ambition, n'a jamais rêvé à une autre place sociale, revendiquant même son ancrage dans le milieu qui était le sien. Annie Ernaux indique assez clairement qu'elle le déconsidérait par rapport à sa mère, laquelle lui paraissait plus à même d'être en relation avec ces êtres supérieurs qu'étaient maîtresses et autres professeurs. Pourtant, à partir des quelques éléments qu'elle donne de lui, je sens que je me serais bien mieux entendu avec son père qu'avec sa mère.

La dernière phrase du livre est également d'une cruelle lucidité. En conclusion de la mort de sa mère, elle écrit : « J'ai perdu le dernier lien avec le monde dont je suis issue ». le monde, c'est à dire son milieu social. Là encore, on ne peut être plus clair (et on peut se demander, à la voir tant insister sur ce qui la sépare de ce milieu et de sa mère, si ce n'est pas finalement un soulagement pour elle).

Je ne sais pas comment noter ce type de livre. En plus, le style n'est pas terrible, plutôt faible et plat, avec des phrases parfois mal construites et manquant de fluidité ou de clarté.

Prix Nobel, dites-vous ? Vous êtes sûrs ? OK, alors je m'incline humblement, ravale ma morgue et m'affuble du bonnet d'âne. Au piquet, le Yakou !
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"Je n'entendrai plus sa voix...J'ai perdu le dernier lien avec le monde dont je suis issue."
Annie Ernaux relate la vie de sa mère telle qu'elle l'a connue. Elle a des souvenirs précis sur de menus détails, souvenirs émus des moments tranquilles, souvenirs tourmentés des moments d'affrontement et d'incompréhension, souvenirs douloureux des dernières années.
C'est une mère vue par sa fille avec tout ce que l'on peut imaginer de l'ambivalence des sentiments qu'elles se portent.
Touchant.
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Cette fois, c'est de sa mère qu'Annie nous parle.
C'est d'abord son histoire d'ouvrière puis de commerçante, de femme puis de mère… et de veuve.
Portrait d'une femme forte et déterminée qui finira ses jours dans un hospice de région Parisienne, atteinte d'Alzheimer.

J'ai perçu ce roman comme une belle déclaration d'une fille à sa mère. Je pense même qu'écrire ce livre faisait partie de son processus de résilience…

Annie écrit du vrai. Je suis maintenant habituée à sa plume et j'apprécie énormément son style sincère, sans niaiseries, qui m'interpelle et me bouleverse.
A travers l'histoire de sa mère, et comme dans la place, on apprend comment elle a grandi ; dans une famille simple, avec des parents qui ont toujours voulu la meilleure scolarité pour elle, pour une vie différente, plus aisée.
Une instruction que sa maman n'a pas pu recevoir de ses parents trop pauvres. Elle a arrêté l'école à 12 ans.

En 1970 après la mort de son mari, elle part vivre à Annecy auprès de sa fille son mari et ses 2 enfants. Mais elle a du mal à bien vivre dans ce milieu qui est « mieux que le sien » ; J'ai mis longtemps à comprendre que ma mère ressentait dans ma propre maison le malaise qui avait été le mien, adolescente, dans les « milieux mieux que nous »

Le témoignage d'Annie sur la maladie qui va complètement changer sa mère, est bouleversant. Elle qui voit sa mère devenir une toute autre femme. C'est très cruel.

Publié en 1987, c'est un livre « pour se rappeler qui elle était ».
Ne passe pas à côté de ce livre.
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J'aime beaucoup Ernaux, l'une de mes auteures préférées !
Dans ce livre, Ernaux se confie sur sa mère suite à sa mort.
Comme pour la laisser partir définitivement ou paradoxalement comme pour "la mettre au monde".
Comme pour faire son deuil.
Comme dans une thérapie !

Ses mots ont toujours eu un pouvoir vibratoire sur moi, j'ai eu de la compassion, j'étais désolée, j'ai été révoltée, je me suis sentie impuissante, ça m'a dérangé, mais par dessus tout, j'ai aimé !
Tantôt dans la peau de la petite fille, tantôt dans celle de la mère, je balançais entre les deux avec aisance !!
Annie parle de sa mère, de sa relation avec elle, de sa maladie & sa déchéance, face à l'Alzheimer qui ronge tout sur son passage !

Cette partie du livre m'a dévastée ! Comme c'est étrange quand vous réalisez que cette maman a qui vous aviez l'habitude de tout dire, dont vous avez tout appris, n'a maintenant aucune idée de ce qui se passe dans votre vie, ou qui vous êtes !

Je pense beaucoup à ma maman depuis que j'ai lu ce livre, ( Que Dieu lui prête encore longue vie) elle me répète inlassablement "J'aimerais mourir en un eclair. Je n'aimerais encombrer personne"
Qu'il est triste de vieillir & de ne plus avoir d'emprise sur son propre corps ! de devoir dépendre d'autrui ne serai-ce que pour se changer !

Bref, un témoignage court, précis, sensible & froid à la fois, empreint d'amour et d'abnégation.
Portrait d'une mère quelconque qui a fait d'Annie Ernaux ce qu'elle est aujourd'hui !
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Annie Ernaux. Je connaissais l'auteure de nom mais je n'avais jamais vraiment pensé à la lire. Mais, en vacances chez mes parents et presque à court de munitions livresques, je suis allée piocher dans la bibliothèque parentale. Ma petite Maman a lu Une femme - ainsi que Je ne suis pas sortie de ma nuit, de la même auteure - en rapport avec une de ses formations et plus généralement en rapport avec son travail auprès des personnes âgées. Je savais donc qu'il était question de la maladie d'Alzheimer… et c'est tout.
En fait, Une femme, c'est beaucoup plus que ça et la maladie n'apparaît que dans les toutes dernières pages. Comme quasiment toujours avec la littérature contemporaine, j'ai lu ce titre sans déplaisir, mais je n'ai pas non plus trouvé là, un texte extraordinaire. Une lecture grave, intéressante ; mais pas inoubliable.

J'ai cru comprendre que Annie Ernaux avait fait de la biographie et autobiographie sa spécialité. Une femme ne déroge pas à la règle puisque, à travers le récit de la vie de sa mère, l'auteure s'attarde également sur son propre passé et ses propres émotions.
Le livre s'ouvre sur la mort de cette « femme ». L'enterrement passé, Annie Ernaux remonte le temps et retourne en Normandie où sa mère, avant d'être mère, fut enfant, adolescente, jeune femme, épouse, travailleuse increvable… L'auteure s'attarde également sur son enfance à elle, auprès de cette femme qui faisait passer le client de l'épicerie familiale avant tout et qui lui faisait honte, alors qu'adolescente, elle fréquentait des jeunes gens de son âge plus fortunés, mieux éduqués… Cette femme extraordinaire que le temps a finie par rattraper malgré sa vigueur et qui, alors qu'elle avait toujours été alerte et active, la condamne aux pertes de mémoire, à la désorientation, aux subites colères face à l'incapacité, au retour à l'enfance… Et Annie Ernaux, témoin du déclin de sa mère, préfère garder en mémoire l'image de cette femme forte et déterminée, plutôt que celle de cet être sanglé dans un fauteuil pour éviter une chute…

C'est un texte court, mais c'est un texte assez intense, surtout lorsqu'on arrive aux dernières pages et à la maladie d'Alzheimer. Si vous avez un minimum d'empathie, vous ne pourrez qu'être touchés par le devenir de cette femme battante. Mais attention au moral, le sujet est lourd.
Je m'attendais à un texte complet sur la maladie d'Alzheimer alors j'ai d'abord été désappointée en constatant qu'avant d'en arriver là, j'allais découvrir toute la biographie de la mère de Annie Ernaux.
Finalement, je ne suis pas déçue par cette découverte même si elle ne correspond pas tout à fait à ce que j'espérais. A l'occasion, je lirai Je ne suis pas sortie de ma nuit, autre texte de l'auteure dédié à sa mère qui, lui, cette fois, est entièrement consacré à la maladie.

Annie Ernaux fait revivre sa mère par les mots. Une femme ouvrière et simple et donc un style simple et épuré. Je ne retire pas grand-chose de la plume, mais sur le moment, j'ai été happée par la douleur de l'auteure face à son deuil et j'ai été très sensible aux derniers passages. Annie Ernaux parvient à émouvoir avec simplicité, sans artifices.


Une femme ne me semble pas être un indispensable de la lecture contemporaine. Malgré tout, il offre un émouvant témoignage autobiographique et me pousse à lire autre chose de Annie Ernaux. Pari quasiment réussi, donc !
Lien : http://bazar-de-la-litteratu..
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J'ai lu quelque part dans ce livre "mais je souhaite rester, d'une certaine façon, en dessous de la littérature". Mission accomplie ! Il s'agit de l'histoire de la mère de l'écrivaine, qui vient d'une famille plutôt modeste, alors que l'écrivaine a réussi à s'intégrer dans une classe sociale plus élevée. Au début, j'ai cru que c'était une farce, une pauvre imitation de l'Etranger d'Albert Camus par une personne qui n'en aurait pas du tout compris la substance. On ne me fera pas croire que le début "ma mère est morte le tant" n'est pas un vilain clin d'oeil à l'auteur de l'Etranger. Sur le fond c'est un mélange entre des détails intimes qui ne nous regardent pas, sur les menstruations de la mère ou bien sa nuit de noces ou bien des détails de même nature sur la fille, et de considérations sociologiques de comptoir. On ne peut qu'imaginer avec tristesse le sentiment qu'aurait eu la pauvre dame si elle avait soupçonné que sa fille allait ainsi mettre à nu, jeter en pâture au public toute sa vie privée. le style est très pauvre, vous y trouverez souvent des phrases sans verbe, des pronoms qui se multiplient comme les germes d'une maladie contagieuse, des références que seul l'auteur peut comprendre. Inutile de vous infliger ça.
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Dès les premiers mots, dès les premières phrases, j'ai accroché à cette écriture. Simple, qu'elle voudrait neutre, et pourtant tellement poétique et émouvante. Ces quelques phrases, à peine une centaine de pages, qui nous font remonter toute l'histoire de cette fille d'ouvrier qui voudra toute sa vie échapper à sa condition, en devenant commerçante puis en investissant dans les études de sa fille – et quelle fille!- nous émeuve. L'autrice défend une démarche sociologique dans son écriture.
Étrangement, elle écrit des livres autobiographiques pour en faire un tout, qui parlera du monde, à tous. Et c'est formidablement bien réussi dans ce cas. Je disais que ma lecture précédente ne me parlait pas, trop éloignée de moi. Celle-ci, c'est moi, c'est nous. C'est la souffrance d'une perte, la souffrance de la personne âgée, c'est l'envie de fuir son monde tout en y restant, c'est l'alcool, les non-dits, et l'amour qui fait tout ce qu'il peut pour y prendre une petite place.
Bien sûr, nous n'avons pas tous perdu une mère, ou une soeur, bien sûr, nous ne connaissons pas tous cette souffrance d'être d'un milieu inférieur qui, même s'il fait tourner le monde, croit qu'il ne sert à rien, et bien sûr, certains se moquent totalement de ce qui s'est passé avant eux, et même de ce qu'il se passera après. Mais malgré tout, ces quelques pages vous donnent envie de connaitre l'histoire de ceux qui s'en vont, envie de donner un gros coup de pied dans les Ehpad, ou les longs séjours, et surtout, surtout, ne vous donne pas envie de vieillir. Parce que ce qui était il y a une trentaine d'années est toujours là. Oui ce livre date des années 80. Mais qu'est-ce qui a réellement changé depuis?
Je vous le conseille donc vraiment, une écriture magnifique, un récit qui vous prend au coeur alors même que ça n'est que la réalité de ce qui se passe pour des tas d'humains depuis des tas d'années, mais aussi l'envie de changer un tout petit peu notre vision, sur les autres, sur les vieux, et ceux qui partent…
Lien : https://stephalivres.wordpre..
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