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EAN : 9782841115402
80 pages
Editions Nil (03/03/2011)
3.59/5   16 notes
Résumé :

Amis dès l'enfance, Nicolas (l'expéditeur) et Nicolas (le destinataire) ont formé un duo inséparable durant presque trente ans... Jusqu'à ce que la mort les sépare. Depuis, le silence a englouti une longue conversation à bâtons rompus, celle de deux jeunes potaches adeptes des quatre cents coups, à peine entrés dans l'âge d'homme. Comment vivre avec la disparition de son double ? Comment exister sans ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Nicolas d'Estienne d'Orves a répondu à la demande des Éditions NiL, pour la collection Les Affranchis : « Écrivez la lettre que vous n'avez jamais écrite. » L'auteur a choisi d'écrire à Nicolas, mort en 2007. La lettre est un portrait du disparu, une main tendue vers l'outre-tombe et une ode aux amitiés baroques. Vous ne trouverez pas ici un deuil romancé ou une complainte. Nicolas d'Estienne d'Orves écrit à un mort, mais il célèbre la vie.
« Pendant trente ans tu fus mon ami, mon semblable, l'autre moi-même. Puis tu es parti, envolé vers d'autres mondes, emportant avec toi les pièces d'un puzzle que jamais je n'eus le temps – ni le courage, ni l'envie, ni les couilles – de compléter. Maintenant, il est trop tard. C'est pourquoi vient le temps des mots. (p. 12)
Nicolas d'Estienne d'Orves écrit une amitié exceptionnelle : « il n'y avait nulle place pour autre que toi mon ami » (p. 17) L'exigence intellectuelle de Nicolas le poussait sans cesse vers le meilleur, vers le sublime. Nicolas avait « le besoin d'être pionnier. Cette obsession de ne rien faire comme tout le monde, quitte à [se] mettre au ban des choses. » (p. 25) Si Nicolas goûtait les sommets intellectuels auxquels le conduisaient certains efforts, il honnissait le travail. « Tu prenais la vie comme une épreuve, comme une journée constamment prométhéenne. » (p. 29) Pour lui, la vie était souffrance, mais le labeur était un avilissement, une perversion de l'humain.
La dernière fois que Nicolas a vu Nicolas, le futur suicidé revenait d'un voyage bouleversant en Amérique du Sud. Une nouvelle fois, il était allé se frotter à la misère. Pas pour la soulager, mais pour la goûter et mieux la jalouser. « Tu en crevais de ne pas crever. Tu te labourais les entrailles de ne pas mourir dans la misère, d'être un provincial nourri au lait frais, de ne pas être à la hauteur de ton malheur intime. » (p. 41) Nicolas était tourmenté. Dire par quoi n'a pas de sens. Il était tourmenté, voilà tout.
Nicolas avait commencé à se retrancher de la vie bien avant son suicide, l'ami qui écrit le comprend parfaitement. En se débarrassant de son humour, il se faisait moins humain et plus inaccessible. « Tu n'assumais plus ton côté clownesque, cet extravagant talent comique, antithéâtral et d'une absolue vérité. » (p. 48) Nicolas aurait pourtant était un clown blanc parfait. Il a choisi de se mettre en retrait, comme dans la quatrième de couverture qui montre un portrait qui s'estompe, qui disparaît dans l'innocent reflet d'une vitre. « À la fin, tu étais toujours en noir, portant par avance ton propre deuil. » (p. 51) Nicolas, en avance sur sa mort ? Très certainement, et même impatient de l'atteindre.
Nicolas d'Estienne d'Orves écrit comme on s'interroge, comme on gueule dans le vide pour entendre l'écho qui, s'il n'est pas une réponse, est au moins un retour. Briser le silence est tout ce qui compte. Mais l'auteur de la lettre n'est ni en colère, ni triste. La mort de Nicolas est une bénédiction, un grand poids qui s'envole des épaules d'un ami à bout de ressources. « Tu es mort depuis deux ans, et depuis deux ans je respire mieux. Je respire mieux car tu ne respires plus. Je respire mieux car je ne te sens plus t'étouffer à chaque pas, te confire dans tes humiliations, suffoquer de rage, de dépit, d'aigreur et de frustration. » (p. 66) En mourant, Nicolas a lâché du lest pour deux et l'autre Nicolas a pu décoller, enfin.
Nicolas et Nicolas, deux amis liés dès l'enfance, soudés dans une hideuse adolescence, confondus dans l'âge d'homme. Entre deux coups de gueule et quelques emportements, c'est avec une terrible pudeur que Nicolas d'Estienne d'Orves adresse sa lettre à l'autre Nicolas, son presque-frère, son double, son autre lui-même. Pas de pathos, pas de mièvrerie, l'auteur a continué sa vie, plus fort de ce lien que la mort n'a pas brisé. « Voilà pourquoi ton absence ne me pèse pas. Tu es en moi, partout, tout le temps, même la nuit. Ton existence s'est intégrée à mon jugement. » (p. 71)
Je pars à l'entracte nous dit le titre. Qui part ? Est-ce Nicolas d'Estienne d'Orves qui laisse son ami entendre seul les dernières mesures d'un opéra inachevé ? Est-ce la seule phrase de Nicolas, sa dernière phrase ? Est-ce ce que le lecteur doit faire, se retirer sur la pointe des pieds et fermer la porte d'une histoire enfin écrite et dont la suite se passe de mots ? À de vous de voir, à vous de choisir, à vous de lire.
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Je pars à l'entracte, Lettre de Nicolas d'Estienne d'Orves, chez NiL Editions, 73 pages, 7€.

Je pars à l'entracte est l'un des trois premiers livres de cette nouvelle collection "Les affranchis", chez NiL Editions. Un nouvelle collection dont le but est de demander à l'auteur d'écrire La lettre qu'il n'a jamais écrite.

Dans cette lettre, Nicolas d'Estienne d'Orves écrit à Nicolas. Son meilleur ami qui s'est suicidé. Il lui écrit. Il se livre à lui. Il lui parle de lui, de leur relation. Surtout de leur relation. de ce qu'ils ont vécu, de tout ce qu'ils ont partagé, mais aussi de ce qu'ils n'ont jamais osé partager. Il lui dit tout ça, comme s'il était encore là. Qu'il pouvait l'écouter. Qu'il pouvait prendre acte des quelques reproches.

Je n'en dis pas plus sur le contenu, je préfère vous laisser le découvrir.

J'ai été touché par cette lettre. D'autant plus que je me suis retrouvée dans le caractère de Nicolas d'Estienne d'Orves. J'ai eu l'impression dans de nombreux passages d'avoir déjà vécu et ressenti les mêmes états et sentiments que lui. Parfois même d'avoir dit ou pensé des phrases identiques ou fortement proches des siennes, à propos de l'amitié par exemple.

Au delà de ce côté entièrement personnel (encore que certainement un grand nombre d'entre vous se retrouveront dans quelque trait de cette histoire d'amitié) , j'ai été touché par le style. Un style... Beau. Oui beau est le mot adapté. Cette lettre est écrite avec une plume fine et délicate, qui laisse échapper une once d'insolence de temps en temps. On rêve tous de recevoir des lettres écrites d'une plume si belle.

On ne peut pas passer à côté de ce petit livre, si beau en son intérieur.

"Écrivant ces mots, je comprends à l'instant pourquoi, dans tes voyages, tu allais systématiquement renifler la misère et la fange. Ce n'était pas pour te rassurer de ta condition de petit Occidental bourgeois et catholique; c'est parce que tu les enviais. Oui, sincèrement. Tu en crevais de ne pas crever. Tu te labourais les entrailles de ne pas mourir dans la misère, d'être un provincial nourri au lait frais, de ne pas être à la hauteur de ton malheur intime. Rien ne te frappait : nulle malédiction, aucune infection. Tu aurais tant voulu avoir une destinée digne de la tragédie de ces hommes, de ces femmes, qui mouraient dans les bidonvilles de Calcutta et de Bénarès. Mais non, tu as toujours été du bon côté de la barrière; et ca, tu ne l'as jamais accepté." {Page 40-41}

Nicolas d'Estienne d'Orves est né en 1974, et a déjà publié romans, essais et nouvelles. Les deux derniers étant une nouvelle aux Éditions du moteur (Coup de fourchette) et un essai aux Éditions Actes Sud (Jacques Offenbach). Il est aussi chroniqueur au Figaro. Et il adore l'andouillette.
Blog de Nicolas d'Estienne d'Orves

Nicolas d'Estienne d'Orves dédicacera Je pars à l'entracte, au Salon du livre de Paris, sur le stand de NiL Éditions (H44), dimanche 20 mars, à partir de 15h.
Lien : http://angel-a-et-la-littera..
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J'aime beaucoup cette collection de livres. Je voulais découvrir ce titre si parlant. Celui qui est parti à l'entracte, c'est Nicolas, ami d'enfance de l'auteur. Leurs proches avaient "Deux Nicolas pour le prix d'un". Aujourd'hui, il n'y a plus que Nicolas, l'auteur, qui écrit à Nicolas le suicidé.
Quel beau texte. Quel courage aussi d'écrire cette lettre. Parce que rien n'est plaintif dans cette lettre. Pas de jugement moral. Pas de complaisance. Pas de colère non plus. Nicolas Estienne d'Orves ne cède à aucune facilité.
Écrire, c'est ressusciter leur adolescente commune. C'est, pour l'auteur, se raconter avec lucidité. C'est rendre l'autre vivant pour toujours. C'est ne rien cacher de ce qu'il était tout en respectant ses non-dits. Les mots qu'il n'a pas dit, les confidences qu'il n'a pas faites ne seront pas révélées.
Le texte est très littéraire, comme l'aurait aimé son destinataire. Il a maintenu constamment mon attention, jusqu'aux deux dernières phrases, magistrales.
A lire absolument.
Lien : http://le.blog.de.sharon.ove..
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Quel plaisir de découvrir un autre livre de la nouvelle collection les affranchis après celui d'Annie Ernaux L'autre fille. le principe est le même : l'auteur a carte blanche pour écrire la lettre qu'il souhaite. Nicolas d'Estienne d'Orves s'interroge : écrire à qui ? Son père, son banquier, Dieu ? Non, il va écrire à un ami prénommé lui aussi Etienne. Plus qu'un ami, un frère, une moitié avec qui il a tout partagé : la complicité, l'arrogance de l'adolescence, les études et la passion des Arts. On pourrait croire à la belle amitié sans faille. Erreur, le ton est très vite donné : « tu avalais mon oxygène, avant d'aspirer celui des autres ». Trente années d'une amitié qui s'est métamorphosée petit à petit. Adulé, son ami Nicolas s‘érigeait en maître à penser. A l'âge adulte, il refusait de travailler par principes, répugnant l'argent. Un être figé dans ses idéaux .

La suite sur :
http://fibromaman.blogspot.com/2011/05/nicolas-destienne-dorves-je-pars.html
Lien : http://fibromaman.blogspot.c..
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Idée originale que celle de cette collection. La lettre qu'adresse Nicolas d'Estienne d'Orves un cet ami "disparu" avec lequel il règle des comptes est percutante. Lu quasiment en un trajet de métro :)
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critiques presse (1)
Actualitte
02 août 2011
Dans un récit de fièvre sèche, mené avec une hâte rageuse et à coups de froids abattements, l’auteur distille un pouvoir d’émotion aigu.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
« Tu es mort depuis deux ans, et depuis deux ans je respire mieux. Je respire mieux car tu ne respires plus. Je respire mieux car je ne te sens plus t’étouffer à chaque pas, te confire dans tes humiliations, suffoquer de rage, de dépit, d’aigreur et de frustration. » (p. 66)
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« Pendant trente ans tu fus mon ami, mon semblable, l’autre moi-même. Puis tu es parti, envolé vers d’autres mondes, emportant avec toi les pièces d’un puzzle que jamais je n’eus le temps – ni le courage, ni l’envie, ni les couilles – de compléter. Maintenant, il est trop tard. C’est pourquoi vient le temps des mots. (p. 12)
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Je respire mieux car je ne tens plus t'étouffer à chaque pas, te confire dans tes humiliations, suffoquer de rage, de dépit, d'aigreur, de frustrations. Le spectacle de tes impuissances avait fini par me faire un mal intime, et c'est aussi pour ça que je ne t'appelais plus. Tu étais devenu un autre sans jamais changer.
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« Tu en crevais de ne pas crever. Tu te labourais les entrailles de ne pas mourir dans la misère, d’être un provincial nourri au lait frais, de ne pas être à la hauteur de ton malheur intime. » (p. 41)
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« Voilà pourquoi ton absence ne me pèse pas. Tu es en moi, partout, tout le temps, même la nuit. Ton existence s’est intégrée à mon jugement. » (p. 71)
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Vidéo de Nicolas d' Estienne d'Orves
Les passionnés de cinéma ont en mémoire le visage et la gouaille d'Arletty avec sa célèbre réplique : « Atmosphère, atmosphère, est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ??? »… Se mettant dans la peau de Garance, l'héroïne des « Enfants du Paradis », Nicolas d'Estienne d'Orves nous raconte Arletty, dans l'ombre et dans la lumière.Coup de coeur Web TV Culture !
Retrouvez l'émission intégrale sur https://www.web-tv-culture.com/
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