Voilà un primo-roman tout à fait singulier, qui sort des sentiers battus à de nombreux égards.
Le titre n'est déjà pas des plus engageants quand on sait que, dans l'inconscient collectif,
les hyènes sont associées à la laideur, à un horrible ricanement, à la charogne qu'elles dévorent sans presque rien laisser. Il ne fallait donc pas s'attendre à un roman doux, tendre, feel-good !
Et effectivement, ce roman est dur, violent, fort, percutant, saisissant.
Blanche, 44 ans, qui est la dernière d'une lignée de femmes qu'elle surnomme
les hyènes, ne veut pas d'enfant pour pouvoir interrompre la chaîne de haine que les mères transmettent à leur fille, depuis Clara, née vers 1886, l'arrière-arrière grand-mère. Blanche apprend qu'elle est enceinte et avant de prendre la décision de garder ou pas son bébé, elle veut découvrir l'histoire de ces femmes, dont elle n'a pu capter qu'une sensation de peur et quelques bribes quand elle était enfant.
Depuis Clara, violée alors qu'elle était enceinte, les mères transmettent, par leur gènes et par leur comportement, le trauma originel, d'autant qu'elles ont dû, chacune à leur tour, subir le désir violent des hommes. Mais de victimes, elles sont devenues bourreaux et ont retourné leur haine contre leur mari et leurs enfants. Ces femmes sont cruelles, cupides, jalouses et ne veulent que faire du mal.
Ce roman nous offre aussi, sur une centaine d'années, la peinture d'un petit village de la campagne picarde, où les haines et les animosités ancestrales autour de la possession de la terre, de la femme, se transmettent de génération en génération. Les rumeurs naissent d'un rien et finissent par devenir des vérités qui ostracisent celles et ceux qui en sont victimes, les livrant à la vindicte populaire.
Finalement, on comprend que l'image de la hyène, aussi choquante soit-elle, décrit très bien ces femmes ayant perdu toute humanité face à la violence subie, devenues chefs de meute par écrasement des hommes de la famille. Je me suis demandé, à la fin de ce roman, si un homme aurait pu écrire un tel roman sans se faire étriller, un roman où les femmes sont tellement abjectes qu'on finit par oublier pourquoi elles le sont devenues.
Beau tour de force de cette auteure qui nous livre, avec talent, un roman puissant qui ne peut laisser indifférent.