L'uchronie est un des genres les plus délicats de la littérature de l'Imaginaire. On doit éviter plusieurs écueils : Celui de pas sombrer dans un manuel d'histoire à l'envers comme s'éterniser dans la rédaction des faits qui se produisent aprés le point de divergence dans l'histoire, , ne pas sombrer dans ce qui pourrait apparaître comme une nostalgie du plus vilain effet.
Vincent Ferrique a choisi un point de divergence surprenant pour un Européen : La Guerre de Sécession qui ici, se conclut par un match nul et donc par la reconnaissance d'un nouvel état : la Confédération américaine des états esclavagistes. L'existence de cette nation va amener des effets dévastateurs pour le Monde d'après.
Vincent Ferrique était surtout connu des amateurs par des nouvelles parues dans L'Indépanda, Etherval et aux éditions 999 (je vous invite à vous précipiter. C'est très bon et gratuit). IL est également l'auteur de deux autres romans.
Ce roman alterne les chapitres historiques et le sort d'un couple de français Marie et Thibaut, qui se sont vendus comme serfs pour échapper à la misère et à la faim.
Toute l'histoire consiste en leur prise de conscience de leur condition : Perdre sa liberté pour une sécurité illusoire. Puis vient ensuite, la Révolte et un combat qui va s'étendre malgré eux.
La force du récit vient précisément des rappels historiques qui parsèment le récit : Comment un capitalisme dévoyé peut faire appel à l'esclavage pour se sauver. le pire et que cela apparait tout à fait plausible.
L'intrigue est menée de main de maître. le Style de l'auteur, sec et sans fioritures nous rend compte des sévices et abus que subissent les « asservis », avec un réalisme saisissants. Mais il sait se faire tendre et compassionnel pour nous décrire les rapports des serfs entre eux.
Il nous fait comprendre aussi comment un tel système peut tenir : populisme politique complice, mensonge organisé, dévoiement du capitalisme, économie complaisante lié à cette indignité.
Au fur et à mesure de la lecture et en même temps que grandît nôtre indignation, nos finissons par nous dire que ce monde de cauchemar n'est pas un fantasme et que nôtre réalité n'est peut-être pas si oin de telles dérives. Il n'est qu'à penser au sort des migrants. Quand aux brutalités policières et institutionnelles qui surgissent dans le roman( ?)…
Je suis peut-être un peu long sur le cadre de ce livre, mais ce n'est pas un manifeste que vous lirez mais aussi un passionnant thriller.
L'intrigue apporte son lot de surprises et de retournements et le road-movie final est un petit chef d'oeuvre addictif.
Les personnages ont de l'épaisseur : que ce soient les méchants avec le sinistre Jean ou son père et son ami allemand, plus propres mais finalement beaucoup plus inquiétants, Les sbires des esclavagistes qu'ils soient avocats, flics, chasseurs d'évadés vont au-delà de simples caricatures.
Les personnages des esclaves sont décrits avec chaleur que ce soient dans leur aveuglement puis leur réveil et leur révolte.
Ce livre est non seulement un roman passionnant mais aussi un cri d'alarme et une ode à la Liberté qui mérite tous les sacrifices.
Vincent Ferrique nous rappelle bien qu'en concéder un bout peut mener beaucoup trop loin. Un grand livre