Dans cet essai sur le cinéma et l'histoire, l'auteur a rassemblé des articles, des discours, des entretiens réalisés aux cours des années 70 (plus nombreux) jusqu'aux années 90. Il revient sur les débuts du cinéma surtout dans les années de la première guerre mondiale jusqu'à la seconde. le cinéma de propagande y est le plus fécond, surtout en URSS, encouragé par l'histoire révolutionnaire. C'est un cinéma braqué sur la société et ses crises. Cette histoire événementielle pose à l'historien des difficultés de fiabilité et de lecture du passé. le cinéma obéit à ses propres règles. En effet, le droit ne s'est pas encore approprié ce nouveau moyen de diffusion et de communication. C'est un pouvoir qu'il est nécessaire de contrôler.
Pour l'historien, l'analyse d'un document projeté est complexe. Quel en est la source ? les conditions de la production ? Sa réception par le public ? Sa représentation face à la réalité ?
Le cinéma est considéré par les spectateurs comme une distraction. le cinéma est l'expression de la vision de la société de consommation, de la société du fait divers.
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C'est grâce à cet essai que le cinéma est devenu un outil pour décrypter l'histoire. J'ai eu la chance de rencontrer l'homme, de lire son livre et de me baser sur ses travaux pour faire moi-même un dossier, et je dois dire que ses interprétations, sa vision des choses, et sa culture sont tout à fait passionnantes.
Ses travaux sur les films soviétiques et nazis par exemple, réussissent à nous montrer jusqu'où s'immisçait la propagande obstinée des régimes totalitaires.
Sincèrement passionnant.
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Le personnage symbolisant la liberté, la droiture, de hongrois était passé tchèque; celui qui (du fait surtout de Carol Reed) trahit son ami et manque de caractère, se trouve être un Américain. Or, dans le scénario, il était anglais. Un changement qui n'est pas aussi innocemment lié à un changement dans le choix de l'acteur, qui à l'origine ne devait pas être Joseph Cotten. La transformation apparaît tout aussi significative pour Holly, car aucun des traits négatifs ne figurait dans le scénario: maladroit, inattentif, confondant Calloway et Callagham, Winckel et Vinkel, trahissant ainsi qu'il vient d'un pays où on ne reconnaît plus un Anglais d'un Irlandais, un Autrichien d'un Prussien, commettant gaffes et balourdises; bref, se comportant, pour un Anglais, comme un Américain pendant la Seconde Guerre Mondiale: agité, naïf, devant être guidé, confondant police et police militaire, monde "libre" et monde "communiste"; comme si la police des premiers ne pourchassait pas le crime, ces crimes que commettent les soviétiques, alliés forcés, avec qui néanmoins il faut bien s'entendre, tout en restant vigilant, plus que les Américains à Yalta.
( Chapitre "Un combat dans "Le troisième homme"
Marc Ferro - L'historien a pour première tâche de restituer à la société l'Histoire dont les appareils institutionnels la dépossèdent. Interroger la société, se mettre à son écoute, tel est, à mon avis, le premier devoir de l’historien. Au lieu de se contenter d'utiliser les archives, il devrait tout autant les créer, contribuer à leur constitution: filmer, interroger ceux qui n'ont jamais droit à la parole, qui ne peuvent pas témoigner. L'historien a pour devoir de déposséder les appareils du monopole qu'ils se sont attribués, d'être la source unique de l'Histoire. Non satisfaits de dominer la société, ces appareils (gouvernements, partis politiques, Église ou syndicats) entendent en être la conscience. L’historien doit aider la société à prendre conscience de cette mystification.
Souvent, le cinéma se contente de reproduire un fait divers sensationnel, du type de Jack l'Eventreur, de Violette Nozière, créant seulement une reconstitution. Mais il lui arrive aussi de se servir du fait divers comme d'un symptôme qui aide à comprendre les problèmes d'une société. [...] Le pionnier de ce type de film est incontestablement Fritz Lang, avec "M. le Maudit" (1931).
[...]les reportages sur cette guerre ont montré la vanité du concept de "l'Histoire en direct": car, à la différence d'une compétition sportive, l'événement n'obéit à aucune règle de jeu sauf s'il est lui-même transformé en spectacle.
"Mais les directeurs de programme n'arrivent pas à admettre vraiment que la télévision peut être de haute qualité sans que ce soit l'esthétique qui soit à l'origine de la qualité, mais l'intelligibilité, le savoir, la compréhension du monde."
#histoire #cinéma #CulturePrime
L'historien Marc Ferro est mort à l'âge de 96 ans. Ce féru de cinéma a oeuvré toute sa vie à replacer l'image au coeur du récit historique. Écoutez-le raconter ses deux passions en 1977.
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