Dans ce court texte de quelques dizaines de pages écrit en septembre 2019, tout est contenu dès le titre.
René FRÉGNI, en plus d'être écrivain (surtout romancier), a animé pendant 25 ans des ateliers dans les prisons les plus mal famées de Marseille. Dans ce récit, en quelque sorte il se raconte : la jeunesse avec son père emprisonné et le petit René qui découvre la littérature par la bouche de sa mère. Il voudrait devenir Edmond Dantès, le héros du « Comte de Monte Cristo ». Mais il voit plus tard les traits du héros d'
Alexandre DUMAS dans ceux de son père lorsque ce dernier sort de prison.
Enfant très émotif,
FRÉGNI a volé, chapardé, enfreint la loi, lui aussi il a couché au gnouf. Tout ceci il le raconte, avec ses mots, sa rage, ses phrases magnifiques. Lui, ce révolté solitaire en colère contre l'injustice, il sait se faire poète et tendre lorsqu'il marche en pleine nature, qu'il la raconte, qu'il l'aime comme on aime une maîtresse ou un amant. La nature et les phrases. « Quand j'écris, je cesse de vieillir ».
Il évoque les célèbres têtes politiques mortes pour leurs idées durant sa vie à lui, il se remémore ses lectures, les auteurs qui l'ont marqué à jamais, CAMUS,
DOSTOÏEVSKI et bien sûr
GIONO auquel il voue un véritable culte. Il revient sur ses six mois d'emprisonnement militaire pour désertion (il ne s'était pas présenté pour son service).
Les ateliers d'écriture en prison lui furent proposés après son tout premier roman. Se rappelant son passé tumultueux, il a accepté. Pour aider, faire voyager les prisonniers dans leur tête. Ses prisonniers qui sont loin d'être des enfants de coeur, certains très dangereux. Il n'oublie pas ce qui a amenés certains ici en France : la reconstruction du pays, les immeubles bâtis par leurs aïeux que les divers États français ont ensuite traités comme des chiens. Il n'est pas toujours tendre avec la délinquance des cités qui ne vise que le fric et le paraître par le trafic de drogue coupée, et pourtant il la comprend cette jeunesse, du moins il essaie, il en dresse de courts portraits émouvants.
FRÉGNI est de ces révoltés humanistes taillés dans un roc sous lequel bat un coeur d'or. Alors il repart sur ses chemins, vers ses montagnes, c'est là que se rencontre la vraie vie.
« Personne ne naît monstrueux, on le devient sans s‘en rendre compte, la haine n'appelle que la haine. C'est la société qui est monstrueuse d'avoir créé des ghettos difformes et effrayants », et quelques lignes plus loin « Chaque matin je bois mon café et je pars sur des petites routes pleines d'ombre et de fraîcheur. Je traverse un ou deux hameaux, les dernières roses trémières se hissent sur la pointe des pieds pour regarder qui passe derrière le mur, elles ont leur beau visage de septembre ». C'est ceci
FRÉGNI, une cohabitation réussie car savamment dosée entre la rébellion et la nature, le coup de poing dans la gueule et la beauté silencieuse. À plus de 70 ans il continue à arpenter les sentiers autour de Manosque chaque jour. Qu'il le fasse encore longtemps pour nous en ramener la sève. Superbe texte disponible contre une bouchée de pain.
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