La note serait plutôt de 3.5 étoiles. le livre est sans doute un demi-échec, mais il reste intéressant, avec des passages très réussi. Mais c'est surtout le fond du projet qui en fait une lecture intéressante dans le contexte actuel.
Attention, ma critique contiendra beaucoup de divulgâchages/spoilers.
Le livre nous fait suivre un narrateur partagé entre deux
Frances. La première est sa patrie; celle qui s'est rendue en 1940 et qui, pour lui est morte ce jour là. Il ne peut accepter cette défaite, cette lâcheté, symbolisée par la rédition de son père en 1940, et qui ira mourrir dans un camp d'internement allemand. La seconde, la petite
France, fille de Ann, qu'il aime. Enfant atteint d'un mal incurable et mystérieux.
Le récit est celui d'un parcours initiatique: le narrateur fini par accepter l'inévitable. Oui, l'ancienne
France est en grande partie morte et ne reviendra jamais. Il ne reste donc que cette petite
France, maladive, mais bien réelle, et qu'il faut aimer car c'est aussi ce qui en reste. Il y a aussi un peu de cette idée (tirée d'une auteur célèbre dont le nom m'échappe pour l'instant) d'un patriotisme de compassion pour une
France dont on voit la faiblesse, là où elle fut autrefois une puissance redoutée.
Le livre est donc riche en métaphores et son sujet, le patriotisme, est traité de manière intéresante. Il s'agit de se demander ce que peut encore bien vouloir dire être patriote dans un pays qui a perdu sa grandeur et sa gloire militaire. Un questionnement qui, à tort ou à raison, reste omniprésent dans le débat politique français contemporain. de même, certaines citations et idées seront très enrichissantes. Ainsi ce: "Il avait la servilité de ceux qui aiment l'argent, et leur brutalité à l'égard de ceux qui n'en ont pas".
Toutefois, le livre échoue à moitié, pour deux raisons. Pour le style, d'abord, qui manque trop souvent de rythme. Ainsi, les 20-30 dernières pages du livre sont assez oubliables. Ensuite, à cause d'échecs en terme de choix symboliques. le revirement psychologique du narrateur qui s'éloigne du patriotisme de sacrifice n'est pas bien amené et, au final, pas convaincant. La phrase qui incarne le revirement tombe complètement à l'improviste et n'est pas convaincante du tout. de même, plusieurs choix symboliques pour donner sa puissance évocatrice à l'enfant sont, à mon sens, ratés.
Attention, je révèle la fin du livre ci-dessous.
Les deux parents de l'enfant sont des personnages importants du récit. Ann, américaine dévergondée et qui veut se noyer dans les fêtes et le sexe. Pierre, homosexuel refoulé et collaborationniste antisémite, qui incarne la veille
France qui a trahi. Ainsi, on comprend que si l'enfant
France est malade, c'est qu'il est malade de son passé qui le tue et qu'incarnent cette mère et ce père qui sont les deux symboles de la dégénérescence qui ronge le pays.
Mais alors, qu'est ce qui devrait nous faire aimer cet enfant? Comment est-il censé incarner cet avenir vers lequel il faut se tourner? Ainsi, à la fin, l'enfant meurt, tué par cette mère qui n'en peut plus des cris de douleurs incessant poussé par ce petit être maladif, et ce, malgré sa tentative désespérée de se noyer dans la fête et le sexe.
Dès lors, le symbole semble être qu'il faut se laisser aller et oublier cette
France, qui est déjà morte. Pour se tourner vers quoi? Honnêtement, le livre y répond très mal. Il semble hésiter entre nous enjoindre d'aimer cet enfant faible, mais vivant, et qui incarne l'avenir. Mais comment incarne t-elle l'avenir si elle meurt? Ou bien faut-il oublier cette "certaine idée de la
France" pour se tourner vers les vivants? Mais à aucun moment le narrateur ou le livre ne nous y invite. Les personnages principaux restent solitaires et misanthropes, et le tableau fait des français est loin d'inviter à les aimer. Au final, le message semble tomber un plat. Là où l'auteur veut inviter à l'espoir, à l'amour du pays et de la vie telle qu'elle est, les choix symboliques invitent à l'exact opposé: les deux
Frances sont mortes, et il ne reste qu'à se comporter à l'instar de ce père qui s'est rendu pour survivre, tant que l'ont peut, sans pour autant avoir envie de vivre.
Ainsi, les choix symboliques et la morale de fin, qu'ils sont censés incarnés, sont en opposition frontale.
Au final le rythme un peu "bâtard" et les erreurs symboliques font que le livre est, au moins, un demi-échec. Et je dis cela, sans avoir abordé la question du rapport aux femmes et de cette réconciliation symbolique et posthume avec le père. Deux sujets qui sont relativement intéressants, se clouent d'une manière décevante et peu convaincante.
Je ne découragerais pourtant pas de le lire, tant il est truffé d'idées et citations intéressantes. de même, le sujet est traité d'une manière originale (bien que parfois avec manque de subtilité, tant la métaphore entre l'enfant et le pays est soulignée avec trop d'insistance).
Au-delà de la note en nombre d'étoiles, le livre reste intéressant pour ceux qui se posent ce genre de questions ou qui s'intéressent à ce débat. Pour les gens de droite, ils y retrouveront des questions qu'ils se posent, ainsi qu'une invitation à la réconciliation et la concorde. Pour les gens de gauche, cela leur permettraient de comprendre leurs interlocuteurs de droite et les questions qu'ils se posent dans un livre qui invite à un patriotisme apaisé, pacifique. Un livre qui nous invite à voir tous ces camps comme des enfants de la même histoire, comme les conséquences engendrés pas des dynamiques historiques qui les dépassent, et qu'ils ne rattraperont jamais.