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EAN : 9782864249412
312 pages
Editions Métailié (09/01/2014)
3.72/5   34 notes
Résumé :
Accusé de trafic de drogue et emprisonné à Bangkok Manuel, un étudiant en philosophie colombien, risque la peine de mort s’il ne reconnaît pas sa culpabilité, mais sa seule préoccupation est de revoir sa sœur, disparue. Touché par son histoire, le consul de Colombie, amateur de cocktails au cœur tendre, se lance à la recherche de la jeune femme pour convaincre Manuel de lutter malgré tout. Il va découvrir le désert affectif d’une famille immergée dans une société v... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Le Conseiller chargé de fonctions consulaires à l'ambassade de Colombie en Inde, à New Delhi comme le fut Santiago Gamboa, reçoit un appel du ministère lui demandant de se rendre à Bangkok où un ressortissant colombien , Manuel Manrique, a été arrêté en possession de drogue et risque d'être condamné à mort pour trafic.

Le Consul ne se doute pas que sa rencontre avec Manuel Manrique va le mener au Japon et en Iran sur les traces de Juana la soeur de Manuel.

Ce roman est irrigué par la personnalité rayonnante et forte de Juana que rien ne peut éteindre, qui vit pour protéger son frère Manuel ressemblant, comme le communique au Consul, Gustavo qui a été son professeur de Philosophie , à «un personnage du Gréco ou une sculpture de Giacometti»
Belle histoire d'amour pur et fusionnel entre Juana et Manuel lumineux, gardant grâce à leur lien, leur innocence et leurs rêves à l'abri de la médiocrité familiale et de la fange qu'ils doivent traverser pour espérer réaliser leur projet de fuite hors de Bogota et de la Colombie.

«J'ai songé plusieurs fois à m'échapper, monsieur le consul : sortir un matin et ne pas prendre le bus du collège. Mais pas tout seul. La fuite ne pouvait être qu'avec Juana. Je ne pouvais pas l'abandonner à cette vie quotidienne.(...) On partira sans laisser de traces, personne ne pourra nous suivre.
Quand je l'entendais dire cela, mon coeur bondissait dans ma poitrine. Tous ces sacrifices allaient prendre fin et ce moment était proche. On travaillait tous les deux pour la même chose : elle avec son intelligence et sa force, et moi avec ma capacité de résistance. Nous allions réussir à quitter ce monde enragé et à en construire un autre meilleur.»

Juana va s'absenter de plus en plus pour aider son frère et tenter de se sauver avec lui. Elle va connaître de l'intérieur la haute société de Bogota sous la présidence d'Uribe, gangrenée par les liens du pouvoir politique avec l'armée et des paramilitaires qui pourchassent tous ceux qu'ils accusent d'être des «guerilleros» Elle y rencontrera entre autre un certain Monsieur Echenoz , français résidant en Colombie, dont le cynisme lui sera un point d'ancrage pour survivre et trouver la force de ne pas sombrer.
Le corps de Juana s'enrichira de tatouages qui trouvent leur correspondance dans les tags de Manuel sur les murs de Bogota. Ainsi Manuel ne l'aura pas quittée, ces tatouages formant un écran entre sa peau et les mains souvent sales de ceux qui la possèdent, dont elle accepte qu'ils la touchent et la dénudent pour réunir la somme qui lui permettra de faire sortir Manuel de Bolivie pour qu'il puisse la rejoindre et faire ce qu'il aime.

Santiago Gamboa à travers le Consul et le frère et la soeur nous livre et nous permet de partager sa passion des livres, de la littérature française entre autres, du cinéma aussi et c'est un plaisir de le suivre.

A cela s'ajoute la forte présence des villes : Bangkok dont l'atmosphère et l'ambiance de corruption la rapproche de Bogota 
«J'observai un moment le Chao Phraya, ses eaux marron, les barques et les sampans qui transportaient les touristes, les reflets huileux du soleil. Ce fleuve charriait quelque chose d'épais. Ce n'était pas un canal d'eaux propres. Elles semblaient charrier quelque chose de douloureux.»
New Dehli, Tokyo, Téhéran..

Parfois les mots se bousculent, les phrases s'emballent dans un débordement baroque permettant de supporter la violence et la noirceur ambiante.

Un voyage troublant et marquant qui me donne envie de poursuivre la découverte de cet auteur.
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Si Santiago Gamboa s'éloigne de la Colombie dans Prières nocturnes c'est pour mieux la raconter. Raconter le nationalisme, la guerre contre les FARC, la corruption, les exactions policières, les ripoux, les mafias, la prostitution, la drogue… raconter les maux qui gangrènent le pays depuis Bangkok ville chaotique où est incarcéré Manuel Manrique.
Il n'y a rien de mieux pour s'immerger dans la vie d'un pays, surtout si celle-ci est sombre et désenchantée, que de se plonger dans un roman qui déroule l'histoire à l'échelle d'un individu.
Manuel Manrique est le centre de ce monde désaccordé où les étudiants, les journalistes les syndicalistes contestataires disparaissent mystérieusement, où les parents soutiennent la politique populiste qui tue leurs enfants, où les pauvres admirent l'arrivisme et l'opportunisme des nouveaux riches. Un pays frelaté qui ne donne aucune perspective à la jeunesse si ce n'est l'envie de se barrer au plus vite. Etudiant doux et rêveur, incompris de ses parents, Manuel se fraye un chemin solitaire pour échapper à la médiocrité qui l'entoure, porté par l'amour fraternel et la complicité de Juana sa soeur aînée.


Rien donc ne prédisposait ce jeune homme effacé issu de famille modeste à être incarcéré à la prison de Bangkwang en Thaïlande pour trafic de drogue. Rien jusqu'à la découverte de cet amour immense et inconditionnel voire irrationnel pour cette soeur énigmatique qui fait figure de fantôme dans la première partie du roman. Etudiante disparue, en fuite en prise avec les démons de la Colombie, elle va se révéler magnétique et entraîner tous les personnages partis à sa recherche dans son sillage.
Santiago Gamboa façonne lentement ses personnages, tâtonne longuement pour dessiner leur périple et laisser au lecteur la possibilité d'appréhender tous les replis de l'histoire. Il faut alors du temps pour découvrir un récit riche d'intrigues secondaires, de narrateurs successifs, un roman protéiforme qui ondule entre classicisme et une forme de psychédélisme, entre enquête policière et roman passionnel, héros tragédiens et personnages désenchantés. Toutes ces variations sont surprenantes au point que l'on vient à s'interroger sur le thème même du roman. Même Manuel se fait complice de l'auteur en affirmant que « ce ne sera pas un roman noir, vous allez être étonné. Ce sera un roman d'amour. »
Roman étourdissant, il faut donc du temps pour découvrir Juana en véritable héroïne, elle revêt mille visages au cours du récit, découvre mille cicatrices qui sont autant de blessures qui marquent la Colombie… comme si l'auteur était lui-même tombé sous le charme de cette femme qui jusqu'à la dernière page conserve une part insaisissable.

Ca aurait pu être un roman douloureux et engagé mais l'auteur colombien en a fait un récit d'aventure excentrique et distrayant. Peut être parce que les prières de Manuel et de Juana n'ont rien de religieux …
Roman rocambolesque, mais ça fait partie de son charme.
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C'est un roman que je n'aurais certainement pas acheté, donc lu, s'il ne m'avait été offert. Drôles de circonstances... le site Babelio (une véritable mine d'or pour lecteur affamé, et dont je suis membre depuis quelques temps déjà) est partenaire d'une opération en collaboration avec les éditeurs : Masse critique (https://www.babelio.com/massecritique.ph)
Bref, voilà environ 3 semaines, je recevais ce roman dans ma boîte aux lettres...
Habituellement, j'aurais plutôt tendance à éviter ce genre de lectures, avec souvent trop de préjugés (roman sûrement trop noir pour moi, je n'en retirerai rien de bien intéressant...). Purs prétextes, car je sais très bien ce qui, au fond, me fait peur : je risque de me retrouver face à une réalité que je préfère la plupart du temps de pas voir, face à des vies trop durement malmenées. Des colombiens, j'en ai connus quelques uns. Il y a quelque chose que l'on retrouve dans leur regard, qui ressemble un peu à de la peur, sinon de l'inquiétude. Et c'est en eux, tout le temps. Je sais maintenant exactement pourquoi.
Ce roman est magnifique, et pourtant terrible "…ça ne va pas être un roman noir. […] Ce sera plutôt un roman d'amour". Oui, on peut voir les choses ainsi... ou inversement ! J'ai aimé, dès les premières pages, l'écriture de Santiago Gamboa, qui nous emmène avec lui dans une spirale infernale. Peu de répit dans ces pages, sinon les courts récits décalés d'Inter-Nette, qui arrivent toujours étrangement et qui, à mon avis, n'apportent pas grand chose à cette histoire, et la rencontre de Juana avec le vieux français, que j'ai trouvé succulente.
Dans un autre roman, j'avais lu qu'"un bon livre est un livre que l'on regrette d'avoir terminé". Alors oui : je viens de terminer un très bon livre !

Je ne peux résister de partager avec vous un passage un peu long, peut-être, mais que j'ai trouvé fascinant et qui vous donnera aussi envie, je l'espère, de vous plonger dans cette lecture...
"Quand le vieil homme, qui s'appelait monsieur Echenoz, s'est rétabli, nous avons commencé à parler. Je lui ai demandé pourquoi il avait choisi de rester en Colombie, un pays sous-développé et si violent, dont tout le monde veut partir, il m'a répondu mais non, et toi, tu veux partir ? Je lui ai dit que oui, si je le pouvais, je partirais tout de suite, avec mon frère. Et pour aller où ? N'importe où, n'importe quel endroit au monde doit être mieux qu'ici, j'aimerais aller en Europe, dans un pays civilisé. Il m'a regardée sans me juger, le drap couvrait la moitié de sa poitrine, des poils blancs sortaient des boutonnières de son pyjama. Un pays civilisé ? il a dit. Non, tu ne veux pas quitter la Colombie, ce que tu veux c'est t'éloigner de quelque chose que tu n'aimes pas, mais que tu risques de retrouver n'importe où, disait-il moi je connais bien le monde, l'Afrique surtout, où j'ai travaillé quand j'étais jeune pour des compagnie pétrolières française, au Zaïre et au Rwanda, des pays durs, mais aussi magnifiques. Je peux dire la même chose de l'Asie. Malgré les difficultés, la vie y est beaucoup plus belle que dans les endroits "civilisés", d'ailleurs que signifie la civilisation ? En Europe, il n'y a pas de futur. c'est un continent fatigué et grincheux qui veut apprendre à vivre aux autres, mais à force de se regarder dans un miroir, l'Europe s'est figée. Tu fais des études de sociologie ? L'Italie e la France sont gouvernées par des clowns, que signifie être de gauche là-bas ? Pas grand-chose : lire la presse de gauche, avoir un vieux CD de Manu Chao, des tee-shirts du Che et du sous-commandant Marcos, se soucier de l'écologie et des droits de l'homme dans un pays lointain, guère plus. L'Europe, comme toute société opulente, est sur la pente descendante. Comme un individu qui a tout : il est amoureux de lui-même et il s'admire, c'est ce qui se passe là-bas, mais ce que ne savent pas les Européens, c'est qu'ils ne sont l'avenir de personne. Tout au contraire : l'avenir, c'est la périphérie. Pourquoi dire que ce pays est sous-développé et violent, comme si c'était une valeur essentielle, raciale ou culturelle d'une nation et pas d'une autre ? Ce qu'il y a, c'est que la Colombie est un pays jeune, très jeune, qui cherche encore son langage. Ce que tu vois en Europe, cette paix d'aujourd'hui, a coûté deux mille ans de guerre, de sang, de torture et de cruauté. Quand les nations d'Europe avaient l'âge de la Colombie, elles étaient ennemies et chaque fois qu'elles s'affrontaient, des fleuves de sang coulaient, des lagunes, des estuaires, des baies de sang. La dernière guerre européenne a fait cinquante quatre millions de morts. Tu trouves que ce n'est pas violent ? Ne l'oublie jamais. (...) de la violence naissent les sociétés et les périodes de paix, c'est comme ça depuis la nuit des temps, la Colombie est à mi-chemin de ce processus et je t'assure qu'elle va y arriver plus rapidement, et avec moins de sang qu'en Europe."

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J'avais apprécié mon premier rendez-vous avec l'auteur mais avec ce "Prières nocturne" on change de catégorie.

"Perdre est une question de méthode" est un bon bouquin alternant réalisme brut et humour désabusé, mais reste un polar de facture assez classique.
Avec "Prières nocturnes" Santiago Gamboa change de dimension.
Entendons-nous bien, je ne considère pas le polar comme de la sous-littérature, je signifie juste que l'auteur élargit ici son propos.
Il n'abandonne pas ses préoccupations principales, la société colombienne et ses dysfonctionnements pour user d'euphémisme au goût du jour, mais il les mets en perspective avec d'autres systèmes aberrants qui foisonnent sur la planète.

Les anecdotes, remarques et descriptions souvent satyriques relatives aux différent pays qui accueillent l'intrigue, sans doute directement issues de son expérience diplomatique, brisent les illusions du personnage central qui pensait naïvement l'herbe plus verte loin de chez elle, et révèlent au lecteur l'envers de ces paradis exotiques fantasmés.

La multiplication de références à des romanciers, philosophes, peintres et autres intellectuels et les nombreuses citations qui les accompagnent pourraient être perçues comme le caprice clinquant d'un érudit débordant de suffisance mais curieusement, alors que j'exècre généralement ce type de débordements, ici je m'en suis régalé.

Je m'en vais explorer ce que l'auteur à encore à me proposer.
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Prières nocturnes, ce sont celles d'un frère et d'une soeur, chacun enfermé dans des prisons physiques ou morales.
Manuel, 27 ans est emprisonné à Bangkwang en Thaïlande pour possession de drogues. Il avait quitté Bogota à la recherche de sa soeur partie au Japon comme escort-girl.
Issu d'un milieu de classe moyenne, né dans une famille de conservateurs soumis au régime d'Alvaro Uribe, Manuel et Juana vont très vite avoir envie de fuir ce pays.
" Seules les difficultés que nous vivions pouvaient produire quelque chose de durable, nous avions compris cela très jeunes et c'est ce qui explique qu'on croyait que notre vie, au fond, avait de la valeur à condition que nous restions ensemble."
Manuel se plonge dans la littérature, le cinéma ou la peinture à la bombe sur des murs pour oublier son malaise jusqu'à ce qu'il découvre la philosophie.
Juana, étudiante en sociologie comprend vite la volonté du gouvernement d'Uribe à faire un nettoyage social par les paramilitaires. Elle n'a plus qu'un rêve, celui de gagner assez d'argent pour que son frère parte étudier en Europe et devienne un grand cinéaste.
Manuel confie son histoire au consul de l'ambassade de Colombie à New Delhi qui est chargé de s'occuper de lui puisqu'il n'y a pas d'ambassade de Colombie en Thaïlande. le consul, homme de lettres ( on pourrait croire qu'il s'agit de l'auteur) est un personnage sensible, intelligent, lettré et amateur de gin. Avec lui, l'auteur nous entraîne en Inde, en Thaïlande, au Japon et en Iran à la recherche de Juana.
Découverte du monde avec Bangkok, la capitale asiatique du sourire où règnent embouteillages, drogue et sexe puis le Japon plus futuriste mais qui ne cache pas moins un tourisme sexuel important et bien sûr la Colombie avec les abus du pouvoir politique d'Uribe. Mais les voyages se font aussi par la littérature et le cinéma grâce à la richesse culturelle du consul.
Roman d'amour, roman noir, roman politique, les récits des différents personnages sont passionnants et sont aussi enrichis par des intervenants un peu sulfureux comme Monsieur Echenoz, un écrivain français cynique (plus proche de Houellebecq en fait que d'Echenoz) qui influencera fortement Juana et les monologues d'Inter-nette, un intervenant externe qui nous sort de l'histoire par des récits hallucinatoires (rêves de Bella) , des récits décalés ( opération d'un transsexuel) ou des précisions historiques (histoire de Bangkok ou du gin).
Le roman est ainsi d'une grande richesse alliant passion d'un frère et d'une soeur, enquête au coeur de pays aux pouvoirs politiques entravants, découvertes de paysages et de cultures. Les personnages sont étonnants. Manuel et Juana ont tous deux une grande force de caractère construite en réaction à une enfance décevante mais ont aussi la naïveté de la jeunesse et agissent aveuglément poussés par leur amour fraternel.
Le consul, homme universel, amateur de lettres et d'alcool est sans aucun doute le personnage le plusposé et intéressant du roman. Il nous fait voyager, comprendre et vivre cette histoire.

Je vous conseille ce roman dense aux multiples facettes si vous cherchez une lecture passionnante et enrichissante.
Lien : http://surlaroutedejostein.w..
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Je suis né à Bogotá, dans une famille de la classe moyenne "limite", ou, comme on dit dans les pages financières des journaux, économiquement fragile avec une tendance marquée à la baisse. Une famille durement frappée par la crise et les chiffres noirs de la consommation, reléguée à l'ombre des statistiques, dans les colonnes douteuses du libéralisme et de l'économie de marché. Et dans les statistiques, nous étions une famille de quatre membres, dont j'étais le deuxième enfant, derrière ma sœur Juana. Nous habitions dans le quartier de Santa Ana, pas le Santa Ana d'en haut, où vivent les riches, mais entre la 7e et la 9e rues, à cette époque un mélange de classe moyenne en déclin et de "classe inférieure supérieure", ce qui revient à dire : le condensé le plus pur d'arrivisme, de complexes et de ressentiment social. Je ne sais pas, je suis peut-être injuste, mais c'est le souvenir que j'en garde.
Nous n'étions pas une famille heureuse et, comme dans le roman de Tolstoï, elle était malheureuse à sa façon, bien qu'en y repensant sa seule originalité tenait à la manière dont elle mettait en scène sa frustration et son ressentiment. C'est donc là que je suis né. Dans une maison d'un étage, vieille et laide comme toutes celles du quartier. Près d'un canal d'eaux noires.

(P15)
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J'ai dû faire des efforts et résister, car il y avait en moi quelque chose qui ne voulait pas être contaminé et que j'ai eu beaucoup de mal à préserver. Comment ai-je réussi ?
(...) Tout le monde me croyait là, assis à mon pupitre, alors que j'étais à des années-lumière, sur une belle planète qui était la mienne, sur le flanc d'un volcan solitaire, entouré d'océans profonds et menaçants, et personne ne le remarquait, mon masque était parfait parce qu'il était à leur image et à leur ressemblance. Le masque d'un idiot.
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J’ai donné rendez-vous à la mémoire.

Je suis venu à Bangkok avec l’envie de me souvenir. De revoir ce que j’ai vécu il y a quelques années dans cette ville, mais sous une autre lumière. Le temps, parfois, est un problème de lumière. Avec les années, certaines formes acquièrent un brillant ou, au contraire, se couvrent d’opacité. Ce sont les mêmes formes, mais elles apparaissent plus vivantes et parfois, parfois seulement, on parvient à les comprendre. Je ne sais pas très bien. Ce n’est peut-être qu’un désir, ou de simples mots, mais c’est précisément ce que je cherche : des mots. Reconstruire une histoire pour la raconter.
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Toutes les villes ont une odeur particulière, mais celle de Bangkok est masquée par une épaisse couche de smog qui la rend imperceptible une grande partie de la journée. Quand on la sent enfin, à une heure avancée de la nuit – lorsque la ville est apaisée et qu’en elle quelque chose s’endort –, c’est une substance palpable qui flotte dans l’air, court dans les rues sinueuses et s’infiltre dans les passages les plus secrets. Peut-être provient-elle des canaux d’eau stagnante, où il est banal de voir des gens qui cuisinent et lavent du linge, ou encore des étals de poissons séchés de Chinatown, des grillades de sateh, des fritures bouillantes de Patpong et de Silom Street, ou même des animaux vivants enfermés dans des cages d’osier à Chatuchak, le grand marché ; mais cette odeur peut simplement provenir des miasmes du Chao Phraya, ce bras d’eau marron qui traverse la ville et l’envahit comme une lente maladie.
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"Sais-tu quel est le nom contemporain de la perversité ? La démocratie. Si un chimpanzé avec un tambour devenait populaire et amusant, il pourrait être élu président. Pourquoi le vote de ceux qui n'ont ni critère de jugement, ni éducation, ni culture pèse-t-il autant que le vote de ceux qui ont tout cela ? Pourquoi un vote obtenu avec un pistolet sur la tempe ou en lavant le cerveau des gens par la publicité, ou acheté cinquante mille pesos, vaut-il autant qu'un vote exprimé en toute liberté ? Pose la question aux défenseurs de la démocratie." (Métailié - p.221)
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